Selon Claude Raffestin, « le corps de la terre et le corps de l'homme jouent en miroir » si bien que l'établissement d'une frontière ne peut être anodin, il a nécessairement un impact sur les populations concernées, étant donné que cette « scarification de la terre […] ne manque pas de marquer aussi les corps. » Ainsi, les zones frontalières semblent offrir une vie particulière et habiter les frontières accorde un statut et un mode de vie bien spécifique. En effet, ce terme d' « habiter » renvoie à une spatialité d'acteurs individuels : les frontaliers.
[...] En effet, ce terme d' habiter renvoie à une spatialité d'acteurs individuels : les frontaliers. Habiter un espace c'est se l'approprier, c'est s'y projeter à travers des significations affectives et éthiques. De fait, il y a différents modes d'habiter l'espace selon les pratiques, les sociétés, les cultes, le tout en lien avec l'essor actuel des mobilités du fait du contexte de mondialisation. En effet peupler un espace frontalier ne peut permettre à l'intégrer, des réseaux de transports, par exemple, lui permettent d'acquérir la possibilité d'une mobilité et donc d'un dynamisme certain. [...]
[...] Toutefois, le contexte actuel d'ouverture des frontières par la mondialisation ne leur ferait-il pas acquérir un statut bien plus autonome et dynamique ? La question précédente apparait rhétorique : la frontière est aujourd'hui un lieu de rencontre, un lieu de brassage culturel et d'effacement de l'altérité dans certains cas. En effet, et c'est le cas en Europe, notamment au sein de l'espace Schengen, de nombreuses villes jumelles frontalières ont émergé, revendiquant leur position au bénéfice interculturel immense. C'est le cas de la ville de Commine qui admet un doublon de sorte que la Commine belge et la Commine française sont véritablement des villes jumelles. [...]
[...] Certaines conditions et certains espaces ne le favorisent-ils pas ? Pour commencer, dans le cas de frontières vives, en conflit, établir des relations entre les deux Etats pour valoriser un espace semble très difficile, un embargo étant souvent mis en place, chaque Etat cherchant au contraire à se refermer. Historiquement, ce fut le cas à Berlin pendant la Guerre Froide, même si le mur construit ne touchait qu'une seule et même ville, par ossification de la frontière interallemande. Toutefois, même dans ce cas avaient lieu des échanges. [...]
[...] Dans le cas de campagnes, l'intégration reste faible. En effet, les zones frontalières rurales attirent peu, bien que l'entente entre les deux pays y soit possible : par exemple, dans le village de Leiding, deux maires s'occupent du village franco-allemand traversé par la frontière. Toutefois, ce sont des espaces où les retombées économiques restent très faibles. En Afrique centrale, la frontière sépare les villes jumelles de N'Djamena et de Kousséri qui abritent chacune des marchés. La ville de Kousséri, bien moins riche que la capitale tchadienne abrite ces marchés transfrontaliers les jeudis, mais les bénéfices sont souvent captés dans l'arrière-pays et la ville de Kousséri ne profite pas de sa position frontalière. [...]
[...] Par exemple au Japon, le Shinkensen relie les grandes villes uniquement. Ce modèle non-frontalier s'applique aux espaces frontaliers qui parfois tentent d'allier leurs réseaux de transports pour une meilleure connexion transfrontalière : c'est le cas de la France et de l'Allemagne qui peu à peu relie leurs voies de chemin de fer jusqu'alors concurrentes pour une meilleure intégration de l'espace frontalier et une meilleure ouverture politique. Un tel réseau, dense et bien structuré, permet l'émergence d'agglomérations transfrontalières telles que l'eurocité basque, longue de 50 à 60 kms et reliée par une autoroute, donc très bien desservie. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture