Le contrôle des ressources naturelles a de tout temps été l'objet de conflits plus ou moins latents. Qu'il s'agisse du contrôle de l'approvisionnement en gaz de l'Ukraine par la Russie contrôlé par le Kremlin, des gisements de minerai dans la Bolivie d'Evo Morales nationalisés, de l'eau au Moyen-Orient contrôlé par plusieurs pays en aval de son irrigation, ou de l'exploitation intensive du tek par la junte birmane au pouvoir, les ressources naturelles sont l'enjeux de nombreuses discordes. Dans l'Afrique post-coloniale, les revenus générés par l'exploitation de ces richesses ont été au centre de plusieurs conflits. Que ce soit l'exploitation du pétrole, de diamants, de coltan, de bauxite, d'uranium dans les conflits en Angola, dans les deux républiques du Congo, au Soudan, au Tchad, au Libéria et au Sierra Leone ou encore au Niger, ces commerces ont été de plus en plus encadrés par des dispositions internationales. Toutefois, le bois n'a pas encore été tout à fait considéré comme un élément des économies de guerre. Or, le bois tropical, que l'on trouve en Afrique de l'Ouest et en Afrique Centrale particulièrement, est un produit à valeur élevée qui s'exploite et se commercialise facilement. De ce fait, il est une potentialité de revenus importants sans le besoin de massifs investissements, à l'inverse d'un gisement de pétrole dont, ne serait-ce que la découverte, implique d'importantes sommes d'argent. L'exploitation forestière peut donc générer d'importants bénéfices et ceux rapidement. C'est ainsi une des raisons qui fait que souvent le bois figure parmi matières premières privilégiées pour financer les conflits armés. Ce commerce du bois est le cœur de plusieurs stratégies d'appropriation aussi bien dans les anciens conflits de la région du fleuve Mano (Libéria, Sierra Leone, Guinée) qu'en République Démocratique du Congo (RDC). L'exploitation légale ou illégale de ces richesses génère de nombreux revenus dont il se dégage que la majeure partie ne profite pas à une redistribution en faveur de la population locale. Le bois devient fréquemment un « bois de conflit » dont les bénéfices servent au financement des armes et dont le contrôle devient alors une lutte stratégique. Seulement, une forêt déracinée ou décimée, c'est aussi un vecteur de déracinement pour des populations qui profitaient de leur présence. Au-delà de son utilisation primaire, le bois constitue un cadre de référence pour de nombreuses croyances et plusieurs communautés de vivants. Son utilisation et son mode d'exploitation conditionnent dès lors l'existence d'une multitude d'autres acteurs. On comprend désormais que le contrôle du bois et de son industrialisation déterminent les lieux de pouvoirs, les orientations politiques, économiques, voire guerrières des gouvernements ou des hommes qui tiennent ces vastes espaces boisés. Le Libéria est un pays recouvert à plus du tiers de zones forestières ; forêts dont le lucre potentiel et avéré ont participé de la dynamique des conflits libériens des deux décennies écoulées.
Source d'intérêts, nous essaierons de comprendre dans quelles mesures une ressource de l'environnement libérien, ici le bois, a pu constituer une source de pouvoir et une ressource stratégique lors des derniers conflits armés ?
[...] Ces transactions collusives entre acteurs de la sphère publique et de la sphère économique forestière illustrent la façon dont les principaux acteurs politiques et économiques du Libéria travaillaient de concert pour l'armement du Libéria. C'est ainsi que l'industrie forestière libérienne a été le plus important pourvoyeur d'armes illicites au Libéria. Il n'y avait pas jusqu' à la résolution 1478 du CSNU en date du 7 juillet 2003 sur les sanctions sur les importations de bois d'œuvre libérien de restrictions sur le commerce du bois libérien, qui était la source principale de financement des activités extrabudgétaires du gouvernement. [...]
[...] Si au moment de sa prise du pouvoir le NPFL ne présente pas de revendications ethniques, le comportement de ses combattants témoigne d'un recours au lexique ethnique, où l'ethnie Krahn est mise en avant. D'ailleurs, à partir de 1992, le conflit opère une véritable factionnalisation dans l'identification de chacun des camps. C'est une des dynamiques essentielles de ce conflit où, après l'effondrement du système poliitico-économique traditionnel, le caractère ethnique devient une variable déterminante de la participation au pouvoir. C Une régionalisation du conflit ? Le NPFL a donc soutenu son effort de guerre par l'extraction et l'exploitation intenses des ressources naturelles du territoire libérien. [...]
[...] Il se place comme l'interlocuteur indispensable dans les grands projets forestiers, tout en veillant à s'assurer le soutien des sociétés sylvicoles nationales et internationales. Ce faisant, Charles Taylor s'est affranchi d'une dépendance financière internationale et à l'égard de la population libérienne, tout en institutionnalisant un système de détournement personnel des bénéfices de ces exploitations très lucratives. Il a simplement veillé à assurer une politique du ventre de type militaro-clientéliste nécessaire à sa stabilité politique. Nous allons désormais voir comment cette industrie forestière a été convertie en véritable matrice de guerre par Charles Taylor, tête pensante de ce système. [...]
[...] Le NPFL a apporté un soutien logistique et financier important aux rebelles du RUF (Revolutionary United Front) dans l'éclatement de la guerre civile en Sierra Leone. Cette diffusion du conflit répondait à deux objectifs : le premier pour Taylor était de se venger de la participation des forces sierra léonaises à l'ECOMOG au Libéria. Mais à l'instar du système de détournement des revenus d'exploitation des ressources naturelles au Libéria mis en place par le NPFL, Taylor a voulu copier ce système en Sierra Leone dans le dessein de profiter des revenus des exploitations diamantifères du pays. [...]
[...] Le gouvernement libérien de Taylor a soutenu des groupes rebelles après la tentative de coup d'état du 19 septembre 2002 par le MPCI (Mouvement Patriotique de Côte-d'Ivoire) et a participé à l'embrasement du conflit civil en armant et finançant des groupes hostiles au pouvoir en place. Indéniablement, ces conflits à répétitions, civils ou internationaux, ont mis la couverture forestière libérienne en sursis. De multiples conséquences sont à relever parmi lesquelles d'importants impacts sanitaires et écologiques. Conclusion Les premiers impacts, les plus visibles, ont été ceux de la production forestière sur les populations rurales. [...]
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