En 2004, la délégation américaine consacrait aux Nations Unies le lien entre la cause féministe et les relations internationales en déclarant que « le respect des femmes est une priorité de la politique étrangère de l'administration Bush ». Ce lien fut mis en évidence bien avant par la lecture féministe des relations internationales. Ce courant est apparu à la fin des années 80 au sein du 'mouvement postpositiviste', qui contesta les méthodes scientifiques traditionnelles pour insister sur le social. La lecture féministe des relations internationales est profondément anglo-saxonne, intégrée au mouvement des « gender studies » et portée par des universitaires américaines telles que Ann Tickner et Cynthia Enloe. C'est au cours des années 90, et plus encore après le 11 sept. 2001, que cette lecture féministe connut son âge d'or, en rejoignant notamment le courant des « critical terrorism studies ».
Ainsi, cette approche soulève de nouvelles questions de guerre et paix, à savoir : pourquoi les guerres sont-elles menées principalement par les hommes? Pourquoi associe-t-on traditionnellement les femmes à la paix ? Comment les notions de féminité/masculinité ont-elles pu légitimer des guerres ?
[...] ϕ Une féminité à sauver Selon le scénario de protection, les femmes, comme le territoire pénétrable et féminisé de l'Etat nation, doivent être protégées des avances prédatrices d'un quelconque ennemi, réel ou imaginaire (cf. Stabile et Kumar) Avec la rhétorique du respect, la femme orientale apparaît comme une victime, une 'demoiselle en détresse' vulnérable que le chevalier servant américain se doit de sauver. La passivité de la femme est postulée, et c'est à l'homme occidental d'agir à sa place. Celle-ci est alors réduite à l'état d'objet, dont le corps devient un champ de bataille, la représentation symbolique de la conquête. Le discours radio de Laura Bush (cf. doc. [...]
[...] Les femmes n'ont pas accès aux droits les plus élémentaires (encore emprisonnées, sur la base des lois islamiques, pour avoir quitté leurs maris ou eu des relations extra- conjugales; 2002: deuxième plus haut taux de mortalité maternelle) et elles sont peu représentées politiquement (2/34 membres du gouvernement de transition en 2002-04). L'aide américaine concrète pour reconstruire des infrastructures ou défendre leurs droits est très limitée. κ L'instrumentalisation de la cause des femmes occidentales La critique féministe met aussi en évidence l'instrumentalisation de la cause des femmes au profit des intérêts géopolitiques américains. En effet, la rhétorique de l'administration Bush transforme la réalité afin de mobiliser l'opinion. La réalité historique est particulièrement bafouée. [...]
[...] Alors, dans quelle mesure la guerre contre le terrorisme est-elle une guerre de l'homme occidental civilisé pour sauver la femme orientale opprimée? La rhétorique de Georges W. Bush marquerait-elle donc le triomphe de la lecture féministe des relations internationales? La rhétorique américaine féminisée apparaît comme une justification principale de la guerre contre le terrorisme menée par l'administration Bush. Cependant, cette rhétorique est très largement critiquée par le mouvement féministe, en tant qu'instrumentalisation de la cause des femmes, au service d'intérêts stratégiques. [...]
[...] Alors, la femme libre apparaît comme la seule source de démocratie et donc de sécurité quand la femme libérée symbolise l'accès à la civilisation (κ). ϕ Une femme libre, source de démocratie et de sécurité Le lien entre les droits des femmes et la démocratie est mis en évidence par de nombreux discours de Bush (cf. doc. 4). Cette rhétorique a un impact très direct sur la sécurité nationale américaine et la paix internationale. La logique est la suivante: si les droits des femmes ne sont pas respectés, il n'y a pas de démocratie possible. [...]
[...] Le cas de l'Afghanistan est un exemple significatif. Dès son invasion en 1979 par l'Union soviétique, les États-Unis ont supporté les combattants mujahideen, sans s'inquiéter de leurs tendances violentes et répressives. Après la chute de l'URSS en 89, le gouvernement mujahideen de 92 a beaucoup dégradé la situation des femmes, qui s'est ensuite considérablement aggravée avec le régime taliban de 96 (interdiction de travailler, d'étudier, obligation de porter la burqa, liberté de mouvement niée). La population a été complètement abandonnée par les États-Unis qui supportèrent le régime taliban pour des raisons économiques pipelines took precedence over democracy and women La rhétorique gouvernementale ne s'est intéressée à la cause de ces femmes qu'après 9/11, quand celle-ci a pu lui être utile. [...]
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