Qu'est-ce qui permet de penser que la suprématie économique et militaire de l'Occident est porteuse d'un nouvel ordre international pacifié ? N'est-il pas illusoire de s'imaginer qu'il suffirait de pouvoir gagner des guerres pour imposer la paix et qu'il suffit de détruire des cibles pour gagner une guerre ? Après la victoire sans bataille de la guerre froide, ne risque-t-on pas de connaître des batailles sans victoire possible dans une guerre sans fin ?
[...] Or, cette conception ne survivra pas à la première guerre mondiale. Vingt ans après Verdun, la Totale Krieg de Ludendorf prononce l'abrogation de la rationalité trinitaire clausewitzienne : la guerre n'est plus le prolongement de la politique, c'est la politique qui devient le moyen de la guerre. Sous les ordres d'un Feldhen au pouvoir absolu, qui contrôle l'idéologie, la propagande et l'économie, le peuple tout entier, avec ou sans uniforme se transforme en une gigantesque armée qui écrase les populations civiles ennemies sous des déluges de feu. [...]
[...] Mais la principale faiblesse de l'approche technologique est de réduire la guerre à un programme de destruction de cibles. Or le souci, fort louable moralement, de préserver la vie humaine au point de renoncer à risquer celle des soldats offre du même coup à l'adversaire un économique et redoutable moyen de moyen de riposte : le terrorisme. Aux frappes chirurgicales à longue distance, de cibles matérielles pourrait répondre les frappes aveugles d'une population civile au cœur de son activité la plus quotidienne : lieux de travail, de transport, de spectacle Face aux bureaucrates et techniciens de la guerre électronique, des acteurs sub-étatiques clandestins et fanatisés qui pourraient disposer, comme l'a montré l'attaque en mars 1995 de cinq rames du métro de Tokyo au gaz sarin par les membres de la secte Aum Shimi-Kyo, d'armes chimiques ou biologiques de destruction massive. [...]
[...] Les grandes puissances, surarmées dans les domaines conventionnels et nucléaires n'ont rien gagné par la force et n'ont pu empêcher de tout perdre. Les explications habituellement fournies : la tradition démocratique qui a empêché d'utiliser tous les moyens, le rôle des médias entraînant un soutien de l'opinion au plus faible lui paraissent insuffisantes. L'essentiel est selon lui dans l'inadaptation des moyens militaires aux combats nouveaux. Les armées conventionnelles ont été maintenues et développeés en en fonction de la doctrine stratégique officielle adoptée par l'OTAN en 1967 : la réponse flexible qui devait permettre de gérer une agression conventionnelle structurée et encadrée par la menace nucléaire, chacun des belligérants pouvant à tout moment fixer la fin des hostilités. [...]
[...] Mais cette incapacité de l'occident à remplir efficacement son rôle de gardien de la paix pourrait avoir une toute autre explication que l'indifférence stigmatisée par P.Hassner : la conscience de sa vulnérabilité. Les guerres asymétriques de la décolonisation ont montré que le différentiel technique ne produit pas toujours un effet stratégique décisif écrit D.David[16]. Il suffit de se rappeler le Vietnam : cinq millions de tonnes de bombes larguées, un budget, en dollars actuels, de six cent milliards, deux millions d'hommes engagés sur neuf ans, cinquante mille morts américains et tout cela en pure perte Et M. [...]
[...] Cette perspective s'appuie sur deux considérations, l'une politique, l'autre stratégique. Avec le Mur de Berlin s'est effondré le dernier rempart qui entravait l'essor universel du libéralisme et de ses trois piliers : le marché, la démocratie parlementaire et la communication de masse. Or la démocratie occidentale est porteuse d'un projet attractif et exportable : une société universelle et homogène se réclamant des valeurs modernes de paix, d'abondance et de bonheur individuel ; En effet, d'après ce que Hassner[4] appelle le syllogisme démocratique de Fukuyama la modernisation économique, les innovations technologiques n e peuvent promouvoir qu'un ensemble homogène d'institutions politiques et économiques sur le modèle occidental. [...]
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