Issue des travaux de géographie politique de savants comme Ratzel, Kjellen ou Vidal de la Blache, la géopolitique apparaît en tant que science à part entière au début des années 1920, se développe rapidement, d'abord en Allemagne puis dans les autres pays d'Europe occidentale, puis disparaît en 1945 : c'est donc principalement dans l'entre-deux-guerres qu'on l'étudie. Elle cherche à comprendre les rapports de l'Etat à l'espace et, plus particulièrement, la logique de volonté de puissance qui les pousse à s'étendre.
Or, l'objet de cette étude touche aux conditions d'existence des Etats, à leur action sur la scène internationale et à leur expansion territoriale. Dans le contexte international troublé de l'entre-deux-guerres, la géopolitique peut donc être un enjeu important pour les Etats, en particulier pour les Etats puissants ayant des possibilités de peser sur la scène internationale ou des désirs d'expansion.
Il apparaît, tout d'abord, que, du fait de cette importance, la géopolitique est instrumentalisée par les régimes nazi et fascistes. Elle est toutefois plus au service d'une idéologie que d'un Etat. Enfin, il semble que la géopolitique n'est pas instrumentalisée par les démocraties.
[...] Par conséquent, il semble plus juste de dire que la géopolitique est utilisée par des idéologies, fasciste et nazie, plutôt que par l'Etat allemand ou l'Etat italien. Elle constitue, en effet, un instrument de propagande efficace pour les idéologies car elle est populaire et confère une légitimation aux politiques étrangères agressives. En réalité, cette instrumentalisation de la géopolitique fait partie d'un mouvement plus large d'utilisation des sciences en vue de soutenir les idéologies. Histoire, économie et même une science dure comme la biologie sont mises au service de l'Etat. [...]
[...] Le concept d'espace vital ou Lebensraum, qu'il emprunte à Ratzel, est étroitement lié à cette théorie des frontières changeantes : en effet, selon Haushofer, un Etat doit continuer son expansion jusqu'à ce que son territoire soit suffisamment vaste pour que ses habitants puissent vivre normalement. En réalité, cette geopolitik de Haushofer se fonde sur des bases scientifiques extrêmement mince : elle a pour but essentiel la restauration de la grandeur de l'Allemagne. Or, celle-ci passe par la révision du traité de Versailles. [...]
[...] En effet, les idéologies fascistes ou nazis cherchent à faire valoir leur prépondérance par rapport au communisme et au modèle de la démocratie libérale par tous les moyens. C'est pourquoi la bataille idéologique s'étend à des domaines aussi variés que l'art, l'architecture, le sport ou l'économie. La logique de cette guerre implique donc que même les sciences contribuent à la glorification de l'idéologie. Pour ce qui est de la géopolitique, ceci est facile car elle est alors considérée comme une science à part entière alors qu'elle n'a pas vraiment de fondements scientifiques, même aujourd'hui, comme le dit Yves Lacoste. [...]
[...] Par conséquent, si l'instrumentalisation des sciences, et de la géopolitique en particulier, est le fait des régimes totalitaires, la non-utilisation des sciences à un but politique semble être une caractéristique de la démocratie. Toutefois, une certaine interprétation du containment américain peut nuancer ce propos. En effet, selon Spykman- mort en 1943-, les puissances maritimes, c'est-à-dire Etats-Unis et Grande-Bretagne, doivent s'allier contre la Russie et la contenir en l'entourant d'Etats alliés. Cette théorie a pu inspirer les Etats-Unis ; toutefois, il est difficile de dire s'ils l'ont utilisé comme justification. [...]
[...] La géopolitique italienne reprend certains concepts de la geopolitik, notamment celui d'espace vital. Pour les tenants de la geopolitica, l'espace vital de l'Italie est le bassin méditerranéen : sa référence est l'Empire romain qu'il convient d'imiter. La géopolitique italienne s'attache également à stimuler le bellicisme de la population nécessaire à la logique de guerre dans laquelle le pays entre en 1939 : certains dirigeants ont, en effet, été frappés par le triomphe fait à Mussolini à son retour de la conférence de Munich qui est censée préservée la paix. [...]
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