Les frontières géographiques qui faisaient la force des Etats en définissant leurs limites, leur champ d'action, sont désormais en partie dépassées. Si l'Etat n'est donc plus limité et simultanément renforcé par ses frontières territoriales mais par des frontières d'un autre ordre ("frontière" devenant ici synonyme de "limite" au sens large) : supranationales, subnationales et transnationales, l'Etat reste une référence pour les individus et la politique internationale et utilise ces nouvelles dynamiques à son profit en se redéfinissant des frontières efficientes d'un nouveau type.
S'il perd ses frontières géographiques et avec elles sa puissance, de nouvelles frontières peuvent aujourd'hui être facteur de puissance
[...] les questions sociétales relaient le géopolitique. Des catastrophes importantes comme celle de Bophal en Inde en 1984 ou celle de Tchernobyl en 1987 dépassent les frontières (nuages radioactifs) et mettent en évidence leurs limites, de même que l'épidémie du Sida. Les écologistes ont également montré les méfaits des perturbations lentes de la couche d'ozone ou du réchauffement climatique, accrues par le développement industriel contemporain des pays du "Sud". Les conférences de Rio (1992) ou de Kyoto (1997) témoignent d'une intense activité diplomatique dans ce domaine. [...]
[...] Mais des représentations du monde et de l'entreprise, un savoir gestionnaire commun sont véhiculés. Flux économiques et culturels se combinent pour faire circuler des modèles de consommation atteignant les attitudes des consommateurs et les comportements sociaux (effets de mode, jean, Coca- Cola, Disney, musique et fast food . ) : il y a plutôt convergence des modes de vie. L'individu entre ainsi sur la scène internationale, comme migrant, touriste (plus de 500 millions aujourd'hui), étudiant étranger . Des individus ont également une stature internationale (Bill Gates). [...]
[...] Les Etats ont de la même façon accepté des politiques de déréglementation des marchés financiers par exemple. Les différentes institutions internationales comme l'OMC ou le FMI doivent également leur légitimité et leurs pouvoirs aux concessions et aux moyens que les Etats ont bien voulu leur consentir. Le poids des Etats-Unis lors du renouvellement du Secrétaire général de l'ONU tout comme leur retrait de l'Unesco sont à cet égard très parlants. Le dépassement des frontières pour regrouper les anciennes républiques soviétiques dans la CEI répond d'une logique similaire, mais aussi d'une volonté de statu quo par rapport à l'avant 1989 : la reconnaissance des frontières a immédiatement été compensée. [...]
[...] Il est de plus en plus difficile de raisonner et d'agir au sein du système international en termes de choix nationaux et d'intérêt national. Des résistances étatiques se manifestent également pour sauvegarder leurs frontières face à l'ONU. En effet, si le droit d'ingérence est reconnu par les textes au nom des Droits de l'Homme, la pratique veut que le respect de la souveraineté des Etats à l'intérieur de leurs frontières s'impose plus souvent, pour éviter aux puissances occidentales de se voir accuser d'impérialisme à travers l'ONU. [...]
[...] Ce sont l'individu et l'entreprise qui concurrencent ainsi les Etats dans leur rôle international. Ces nouveaux acteurs, transnationaux, peuvent rivaliser avec les Etats parce qu'ils sont plus souples : ils réagissent à des effets d'accumulation plus qu'à l'événementiel (l'invasion du Koweït a peu affecté les entreprises américaines travaillant avec Badgad, CNN a même eu le monopole des communications entre les deux pays). Ce dépassement souple des frontières de l'Etat résulte donc, selon la classification de Bertrand Badie dans Le retournement du monde, soit d'une agrégation de choix individuels (flux migratoires), soit d'une initiative stratégique d'entreprise (au sens large : toute association) comme pour les flux économiques, soit des deux (flux culturels). [...]
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