Le 30 janvier 1919, lors de la Conférence de Paix qui s'ouvre à Paris, Lloyd George présente et fait adopter une résolution qui liste les États nouvellement créés après le démantèlement de l'Empire ottoman et qui comprend le Kurdistan. Le 21 avril 1920, le traité de Sèvres demande aux Alliés de définir dans les six mois un territoire autonome pour les Kurdes et invite ces derniers à réclamer leur indépendance dans un délai d'un an : il ne sera jamais ratifié.
L'absence d'une force kurde représentative, le redressement de la Turquie mené par Mustafa Kemal et les convoitises des puissances étrangères (France et Grande-Bretagne notamment) sur le pétrole du Kurdistan mènent à l'abandon du projet lors de la conférence de Lausanne. Les Kurdes connaissent donc un changement de statut : de majorité musulmane dans l'Empire ottoman, ils passent en situation de minorité, écartelés entre 4 nouveaux États.
Pourquoi les Kurdes n'ont-ils toujours pas obtenu l'indépendance ? Est-il envisageable qu'ils l'obtiennent dans les années à venir ?
[...] Leur champ de manœuvre est limité, mais c'est un champ et c'est le seul. Cependant, le jeu d'alliance avec les États présente de nombreux effets pervers : il suffit que l'État qui les soutient trouve soudain plus intéressant de se réconcilier avec l'État qui les abrite pour que leur rôle devienne insignifiant. Ainsi entre 1972 et 1974, Kissinger inscrit le problème kurde dans la guerre froide, mais en 1975, le Chah abandonne les Kurdes irakiens qu'il soutenait depuis la révolte de Moustafa Barzani en 1961 pour se rapprocher du régime irakien, à la demande des Américains. [...]
[...] L'élément kurde est utilisé contre l'État adverse. Ainsi, l'Iran et l'Irak ont armé les mouvements kurdes de leur rival. La Syrie a utilisé la carte kurde contre l'Irak en 1987 et contre la Turquie en soutenant le PKK pour peser entre autres dans la distribution des ressources hydrauliques. Les États du Moyen-Orient ne traitent plus seulement entre eux, mais avec les forces minoritaires qui ont un fort potentiel de déstabilisation au sein de l'État rival. On assiste donc au passage d'une répression collective ou du moins simultanée contre les Kurdes de cette région à un soutien accordé par un État aux Kurdes d'un autre État, qui permet à la sphère minoritaire de s'élargir et oblige implicitement à reconnaître la légitimité des acteurs nationalistes kurdes. [...]
[...] - La coercition : il faut entendre par là la répression militaire, mais aussi les pratiques juridiques et policières mises en place pour éliminer la contestation kurde. Les 4 Etats répriment les demandes autonomistes et même culturelles, chacun à leur manière. Progressivement, les États se sont dotés d'une puissance militaire et de moyens répressifs importants grâce à la rente pétrolière. En Turquie, dès février 1925, les Kurdes se soulèvent pour réclamer la création d'un État autonome. La répression est particulièrement sévère (villages incendiés, tribunaux militaires spéciaux qui ordonnent la pendaison d'insurgés, dont le dirigeant du mouvement, Cheikh Saïd). [...]
[...] Dans cette optique, l'usage des langues kurdes est généralement proscrit. En Turquie, où vivent près de la moitié des Kurdes, le problème kurde existe depuis la fondation de l'État et demeure aujourd'hui l'un des plus épineux. Lors de la guerre d'indépendance entre 1919 et 1923, Mustafa Kemal promet à la plupart des chefs kurdes que la nouvelle Turquie respectera la fraternité kurdo-turque. Cependant, à la proclamation de la République, ses promesses ne se réalisent pas ; une administration militaire est établie dans les régions kurdes et tout élément de kurdicité est nié : la langue kurde et la culture kurde ont été interdites dès 1924 et même le mot "kurde " est devenu tabou, des dizaines de campagnes ont été lancées avec pour slogan : "Citoyens ! [...]
[...] DORIN, "L'avenir des Kurdes", géostratégiques, Avril 2005, p. 127-137 - H. BOZARSLAN, "Le nationalisme kurde, de la violence politique au suicide sacrificiel", Critique internationale, Paris, octobre 2003, p.93-115. Repères chronologiques : XIXe siècle : révoltes kurdes contre l'Empire ottoman qui veut mettre un terme à leur autonomie : traité de Sèvres, qui consacre le partage de l'Empire ottoman et préconise la création d'un Kurdistan indépendant. Turquie : 1924 : révolte de Cheikh Saïd, écrasée. Mise en place d'une administration militaire et déportations : PDK-Turquie (Parti démocratique du Kurdistan - Turquie) : PKK (Parti ouvrier du Kurdistan) fondé en Turquie, dirigé par "Apo" A. [...]
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