« Le Liban est un pays ayant des prédispositions à la violence et au conflit menant aux crises répétées et ce depuis son accession à l'indépendance » : telle est l'image du Croissant fertile que véhiculent certains médias ; le Liban en effet, à l'instar d'autres pays du Moyen Orient, serait en proie à des « violences ancestrales entre communautés religieuses » , « des crises à répétition » : tout semble se passer, selon de nombreux médias, comme si ce pays serait en proie à des violences inexorables comme inhérentes à ses communautés , cette image ayant succédé à celle « d'une Suisse du Moyen-Orient ». Ces représentations pour le moins simplificatrices, ne viennent que masquer la réalité, brouiller la nature et la réalité des enjeux de la situation libanaise. Ainsi, au début du mois d'avril, Nicolas Sarkozy promet, s'il est élu président de la République française, de « préserver le miracle libanais » qui passe selon lui par une solution unique : le « désarmement des groupes armés ». N'est ce pas là une fois encore une fois concevoir une image simplificatrice de la réalité libanaise ? En effet, la crise libanaise ne peut être résumée à l'existence de groupes armés alors que d'autres enjeux sont aussi prégnants. Parler de miracle libanais, c'est sans nul doute oublier que depuis les années 90, le Liban a certes su se parer d'une apparente richesse, visible dans sa capitale, mais est devenu aussi le pays le plus endetté du monde, où 33% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et où le chômage est très fort. C'est aussi oublier les faiblesses de la vie politique ivoirienne, oublier que le Liban est un Etat divisé, exsangue, qui ne parvient à maintenir ses prérogatives étatiques. D'autre part, cette perception occulte l'influence des puissances régionales et internationales dans le maintien de la fragilité de l'Etat libanais, pris dans des enjeux géopolitiques souvent brûlants. Pour ne pas se laisser tromper par la désinformation, il nous appartient de revenir, dans un premier temps sur l'histoire du Liban et principalement sur la formation de celui-ci.
Tour à tour, de l'époque antique jusqu'aux alentours de la seconde guerre mondiale, le Liban fut la proie de nombreuses ambitions de domination, construisant ainsi l'histoire d'une nation hétérogène composée de communautés de confession religieuse différentes. Ainsi, le Liban fut d'abord sous domination des villes phéniciennes jusqu'à l'action d'Alexandre, puis passa sous domination greco-macédonienne, en créant le royaume Séleucide (réunit l'actuel Liban et la Syrie) jusqu'en 622. Ensuite, ce sera le début de l'Hégire et l'invasion des Bédouins, qui déporteront les partisans d'Ali (des chiites) dans les ports libanais. De 788 à 910, le Liban se trouvera tour à tour sous le contrôle de différents envahisseurs. Puis viendra le temps des croisades, qui laissera une empreinte historique importante avant la période des émirs. De fait, l'actuel territoire libanais hébergeait tout comme maintenant de nombreuses communautés, avec une majorité chrétienne au Mont Liban, et une majorité musulmane dans la plaine côtière. Lorsque l'Egypte revendiquera l'incorporation des forces vives de la nation libanaise, le Mont Liban se révoltera sous l'égide de Béchir Legrand, soutenu par la puissance anglaise, qui vit dans cette division l'opportunité d'assouvir ses ambitions coloniales. Afin de mettre un terme à cet embrasement, les Turcs diviseront le territoire libanais en deux parties, une chrétienne, une druze, auxquelles s'ajouteront les enclaves des minorités. Mais la guerre se perpétuera, les druzes exterminant les chrétiens, ce qui offrit ainsi l'opportunité à la France de s'implanter au Liban (aux mêmes fins que sa rivale, l'Angleterre) sous couvert de protéger la communauté chrétienne. Au terme du traité de Sèvre du 10 août 1920, la France devient le pays mandataire du Liban. Ainsi, elle décidera d'instaurer un seul Etat libanais, répondant par la même à un simple calcul colonial en occultant littéralement l'arabité du pays du Cèdre. Durant ce mandat se renforceront les communautarismes. En 1943, la signature du Pacte national entre les grandes élites politiques du Liban consacra l'indépendance du Liban à la fois de son ancien colon et de la Syrie. Ce pacte signé entre chrétiens et musulmans assure le maintien et la fixation du confessionnalisme dans la vie politique :en effet, il est entendu que le président de la République doit être un chrétien maronite, le premier ministre un musulman sunnite, le président de la chambre des députés un musulman chiite…
Pour comprendre la crise que connaît le Liban, il nous appartient de déterminer comment le confessionnalisme a affaibli cet Etat et de comprendre les causes qui ont empêché l'Etat libanais d'être en mesure d'exercer ses différentes prérogatives. D'autre part, de par sa situation géographique et géopolitiques particulières, il nous reviendra la tâche aussi de saisir dans quelle mesure des puissances régionales et internationales se sont appuyées sur la faiblesse d'un Etat pour servir leurs intérêts.
La réponse à de telles questions, si elle veut se parer contre toute vision simplificatrice, selon nous, passe par une étude chronologique, d'abord de l'indépendance à la fin de la guerre civile, puis, de 1990 à nos jours, de l'histoire de l'Etat libanais en prenant en compte aussi bien les éléments internes qu'externes pour saisir réellement les enjeux qu'a dû et que doit affronter le Liban.
[...] En 1943, la signature du Pacte national entre les grandes élites politiques du Liban consacra l'indépendance du Liban à la fois de son ancien colon et de la Syrie. Ce pacte signé entre chrétiens et musulmans assure le maintien et la fixation du confessionnalisme dans la vie politique :en effet, il est entendu que le président de la République doit être un chrétien maronite, le premier ministre un musulman sunnite, le président de la chambre des députés un musulman chiite Pour comprendre la crise que connaît le Liban, il nous appartient de déterminer comment le confessionnalisme a affaibli cet Etat et de comprendre les causes qui ont empêché l'Etat libanais d'être en mesure d'exercer ses différentes prérogatives. [...]
[...] À la différence des États arabes voisins, au pouvoir fort, qui n'hésitent pas à traiter le problème palestinien de manière radicale, la présence des réfugiés palestiniens au Liban et surtout la lutte de l'OLP deviennent le point principal de désaccord entre les deux grands blocs politiques. La tension sur la scène politique se généralise dans la rue, avant le déclenchement de la guerre civile en 1975. En effet, suite à un attentat contre 27 Libanais et Palestiniens du camp de Sabra par des phalangistes, la violence entre communautés se répand à une vitesse très rapide et l'Etat, de plus en plus faible, qui ne peut gérer seul ces violences, doit faire appel aux forces étrangères. C'est la Syrie qui interviendra en premier lieu. [...]
[...] Dans un gouvernement paralysé, les dérives verbales entre chefs des différents factions fait rage, s'appuyant une fois encore sur le clanisme renfermant une fois encore le Liban dans le communautarisme : laissant en plan un certain nombre de questions non réglées. L'analyse que nous avons voulu ici mener s'est donnée comme objectif de tenter de sortir d'une vision caricaturale de la situation libanaise. Sans doute le plan retenu présente des lacunes tant les enjeux internes et externes s'entremêlent dans ce pays où les stratégies des acteurs ne peuvent se comprendre qu'en se référant à une histoire complexe, et où acteurs internes et externes au Liban ont des actions qui convergent vers des buts communs. [...]
[...] A chaque élection présidentielle, Israël et la Syrie tenteront de manipuler les processus électoraux à leur profit En 1985, c'est la Syrie qui va essayer de régler le conflit : en effet elle essaie de susciter un accord entre les trois principales milices, lors d'un accord à Damas. Cet accord basé sur l'accord des milices, mais dans le déni de la constitution, représente pour la Syrie un moyen de stabiliser les tensions mais aussi affirmer son égide. Là encore l'idée était que les problèmes étaient internes au Liban, et cet accord occulta tous les enjeux régionnaux. Mais cet accord ne parviendra à stabiliser la situation et au contraire ravivera tensions entre communautés. [...]
[...] Les enjeux internes et externes se mêlent. II- Depuis 90 : Une restauration d'un Etat fort impossible ? La fin de la guerre civile, la révision de la constitution et les accords de Taëf avaient laissé l'espoir de voir le Liban ressortir de ses cendres, de se doter d'un Etat fort, dans un contexte de paix, et de sortir du statut d'« Etat tampon Cependant, la reconstruction opérée après guerre sera bien faible et l'Etat sera toujours fragile Cette fragilité verra le Liban redevenir le lieu de crises très fortes et de convoitises régionales et internationales Un Etat qui demeure fragile Si depuis son indépendance, la vie politique libanaise est dominée par le confessionnalisme, les accords de Taëf et la révision constitutionnelle prévoyaient la suppression, à terme, du confessionnalisme politique en en faisant un objectif national Cependant ce même accord prévoyait provisoirement que la moitié des parlementaires devait être musulmane et l'autre chrétienne. [...]
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