« L'Iran dit le contraire de ce qu'il pense et fait le contraire de ce qu'il dit, ce qui ne veut pas nécessairement dire qu'il fait le contraire de ce qu'il pense. » Derrière cette formule très alambiquée d'un diplomate occidental en poste à Téhéran se cache bien le problème que pose l'Iran à l'ensemble de la communauté internationale depuis fort longtemps désormais. Avant 1979, l'Iran et les Etats-Unis avaient toujours entretenu des relations politiques depuis que le Shah de Perse Nassereddin Shah Qajar avait officiellement envoyé son premier ambassadeur à Washington D.C. à la fin du XIXe siècle. Mais avec la présidence de Jimmy Carter, les relations vont devenir tendues entre les deux pays. Ceci va favoriser la survenance d'une révolution islamique en 1979. Face à la prise de pouvoir par l'ayatollah Khomeyni, l'administration américaine refuse alors d'offrir son soutien au Shah Mohammed Reza Pahlavi et ne manifeste pas d'intérêt particulier à le voir revenir au pouvoir. Pourtant, le Shah détenteur du pouvoir depuis 1941 n'avait jamais masqué son fort penchant pro-occidental. Mais Carter a refusé d'aider le Shah du fait que celui-ci dirigeait un régime autoritaire qui bafouait sans cesse les Droits de l'homme. Ce positionnement va avoir de très lourdes répercussions sur la scène internationale. De fait, « l'effondrement de l'Iran en tant que "gendarme régional" est accompli » .
A partir de cet évènement, les relations de l'Iran avec les Etats-Unis, et plus largement l'ensemble de la communauté internationale, n'ont jamais réussi à retrouver une réelle stabilité. La prise en otage du personnel de l'ambassade américaine à Téhéran les 4 et 5 novembre 1979 ne va représenter que les prémices des rapports houleux que la théocratie iranienne va entretenir avec les Nations Unies . Depuis 1979, « la politique étrangère de l'Iran est passée par trois phases » . La première phase peut être qualifiée de révolutionnaire. Elle va de l'avènement de la République islamique à la mort de Khomeyni survenue en 1989. Elle est marquée par la guerre avec l'Irak (1980-1988), par la prise en otage des diplomates américains, dont il a déjà été fait mention, ainsi que par la tentative par le pouvoir d'exporter la révolution dans toute la région. La deuxième phase correspond principalement à la présidence de Ali-Akbar Hachemi Rafsandjani (1989-1997). Durant cette période, le régime iranien va abandonner progressivement le radicalisme qui le caractérisait jusque-là et revenir vers un pragmatisme dans sa manière d'envisager les relations internationales. Enfin, la troisième phase marque l'arrivée au pouvoir de Seyyed Mohammad Khatami qui va enclencher une politique réformiste qui va se traduire par une détente de la politique étrangère iranienne. Mais avec la victoire des conservateurs va commencer une quatrième phase « post-réformiste de la diplomatie islamique ». Le 1er août 2005, le maire de Téhéran, l'ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad, est investi président. Le dossier nucléaire, ancien pourtant, va dès lors prendre « un relief particulier avec la très forte poussée des faucons sur la scène politique iranienne ». Ceci va déclencher une crise avec l'ensemble de la communauté internationale du fait que l'Iran cherche à se doter de l'arme nucléaire alors qu'elle est signataire du Traité de non-prolifération (TNP). Dès lors, il est légitime de se poser la question de savoir comment va évoluer le dossier nucléaire iranien, à la vue des multiples implications stratégiques qu'il engendre. Pour bien comprendre comment cette crise est survenue, et les raisons de son intensité, il nous faudra obligatoirement commencer par un rappel historique des faits qui ont engendré une telle crise (I). Il ne sera pas fait mention ici des différentes tentatives d'explications des crises internationales car il est encore trop tôt pour réaliser un tel travail . Puis, il faudra décrire précisément la menace que représenterait un Iran nucléaire (II). Enfin, il sera utile de rechercher les possibles solutions qui s'offrent à la communauté internationale pour combattre la menace qui adviendrait si l'Iran possédait l'arme nucléaire (III).
[...] Certes, Pascal Boniface expliquait qu'une course aux armements peut aussi être un facteur de paix : comme la belle vaisselle, on ne sort les armes que lorsqu'on ne risque rien Toutefois, la bombe iranienne remettrait sans doute profondément en cause les fragiles espoirs d'un des rares cycles vertueux qui fonctionne dans la région sur la question du nucléaire. L'Iran possède un double objectif en cherchant à devenir une puissance nucléaire. Ce statut lui confèrerait le rôle d'unique grande puissance régionale. [...]
[...] Thérèse Delpech, L'Iran, la bombe et la démission des nations, op.cit., p.14. Sur les fonctions du Guide, voir Seyed Mohamad Hachemi, La République islamique au regard de sa Constitution Les Cahiers de l'Orient, 1er trimestre 1998, pp.13-29. Alexandre Leroi-Ponant, L'Iran du président Mahmoud Ahmadinejad Le Monde Diplomatique, n°633, décembre 2006, p9. Alexandre Leroi-Ponant, L'Iran du président Mahmoud Ahmadinejad op.cit., p.9. Charles-Philippe David, La guerre et la paix approches contemporaines de la sécurité et de la stratégie, Paris, Editions Les Presses de Sciences Po pp.140-141. [...]
[...] Pourtant, il semble assez net que l'Iran cherche à acquérir l'arme nucléaire, et que cette volonté a traversé les différents gouvernements qu'a connu l'Iran. Mais l'objectif final de l'Iran demeure flou et le Conseil de sécurité serait probablement heureux de le connaître avec assurance pour pouvoir agir en conséquence. De plus, le jeu de pays comme la Chine et la Russie qui ont établi dans le passé une coopération stratégique avec l'Iran demeure assez opaque. Un consensus semble toutefois s'être établi au sein de la communauté internationale sur le fait que l'Iran cherche à devenir, à plus ou moins long terme, une puissance atomique. [...]
[...] Arthur Blinov, Une nouvelle solution pour sortir de la crise nucléaire Courrier International, n°788, 8-14 décembre 2005, p.31. Thérèse Delpech, L'Iran, la bombe et la démission des nations, op.cit., p.16. Ibid., p.34. Il s'agit du Conseil National de la Résistance Iranienne, principale force d'opposition à la République islamique, en exil. Jacques Blamont, Introduction au siècle des menaces, Paris, Editions Odile Jacob pp.358-359. Edward N. Luttwak, Le Grand Livre de la stratégie : de la paix et de la guerre, Paris, Editions Odile Jacob p.255. [...]
[...] - Delpech Thérèse, Iran 2006 : les limites du pessimisme, Commentaire, n°115, automne 2006, pp.605-613. - Leroi-Ponant Alexandre, L'Iran du président Mahmoud Ahmadinejad, Le Monde Diplomatique, n°633, décembre 2006, pp.8-9. - Nicoullaud François, Iran : trop de passions polluent les négociations, Foreign Policy (Edition française), décembre 2006 / janvier 2007, pp.44-49. Un diplomate occidental, cité in Thérèse Delpech, L'Iran, la bombe et la démission des nations, Paris, Editions Autrement, collection CERI p.5. Tendance qui le différencie de son père, Reza Shah, fondateur de la dynastie des Pahlavi qui avait dû abdiquer suite à son refus de répondre à une demande russo-britannique d'expulsion des conseillers allemands présents dans son pays durant la Seconde Guerre Mondiale. [...]
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