La forme réseau qui apparaît par exemple dans une régionalisation accrue (les plans États-Régions et un rôle plus important dévolu aux collectivité locales), dans la mise en place de projets pour les quartiers (DSQ), de projets associatifs menés en liaison avec les pouvoirs publics, ne signalent pas une moindre intervention de l'État, mais une restructuration-redéploiement de ses activités à l'époque de la crise de ses médiations traditionnelles, comme nous l'avons exposé dans notre article précédent. Il est remarquable que ce mouvement s'effectue dans une nouvelle forme de la démocratie qui bouleverse les rapports entre représentation et légitimité. Cette dernière était traditionnellement associée à l'idée de majorité ou en tout cas à la réalité d'une forte implantation sur le terrain. C'est ce qui a présidé, par exemple, à la définition de « représentativité syndicale ». Or de plus en plus aujourd'hui, des associations sont reconnues légitimes sans être représentatives de quoi que ce soit d'autre…que de leurs membres ! Les pouvoirs publics les valident pourtant pour en faire des médiations, même si elles sont en partie virtuelles à l'origine. A l'abstraction de plus en plus grande des rapports sociaux de la société capitalisée correspond un système d'activation concrète de ces mêmes rapports. Le nihilisme du capital a des limites que l'Etat connaît, lui qui par ses subventions s'assure de nouveaux relais qui participent à ce que des sociologues appellent « la construction du social ». On voit aussi, par cet exemple, que les frontières du public et du privé se brouillent de plus en plus. Bien sûr on pourrait trouver dans cette délégation un abandon des missions de service public, un passage discret vers le secteur privé, la compression des effectifs et des coûts de service public au profit du développement de nouvelles formes de bénévolat, mais on ne peut tout envisager en termes de rentabilité et de « contrôle social ». Si le capital a englobé la contradiction principale de sa phase bourgeoise, de sa « domination formelle » sur la société, c'est-à-dire la contradiction capital-travail, il n'arrive pas à résoudre la contradiction spécifique à sa domination réelle, celle qui tend à nier tout rapport social en rendant l'humain superflu et à se constituer par là-même en communauté matérielle, alors que par ailleurs sa « gestion de la ressource humaine » l'entraine à en faire « le capital le plus précieux ».
[...] Cela permet de passer sous silence le fait que son offensive contre la forme providentielle de l'État, s'accompagne de la résurgence des valeurs fondatrices de L'Utopie capital[34][34] sous un habillement moderniste : la liberté (fondement de la subjectivité des acteurs la concurrence (une des formes du multiple le nomadisme (ce n'est plus celui de la conquête de l'Ouest, mais une des formes de la flexibilité le risque (un effet de la liberté). Le système n'étant qu'un équilibre instable de forces, il va sans dire que tout ce mouvement est contrebalancé par la résurgence parallèle des valeurs traditionnelles de la stabilisation : famille, culture et religion, elles aussi parées de nouveaux atours aux couleurs de l'individu et non plus de la communauté [35][35]. L'Etat-réseau et l'individu-démocratique, revue La Griffe, n°21 de l'automne 2001, pages 6 à 9. [...]
[...] Ces disponibilités bien venues peuvent alors lui permettre d'assainir sa situation financière afin de se redéployer vers des objectifs qui ne sont justement pas déterminés par une pure logique économique et marchande : le contrôle social et la maîtrise stratégique des espaces (logique de reproduction), la recherche (logique de puissance) etc. Quand l'auteur aborde la question des revenus de l'État, il pense y trouver la clé de sa conception d'un État entrepreneur. L'État aurait une forme particulière d'investissement : les subventions. Celles-ci engendreraient des revenus fiscaux supplémentaires (forme concrète du profit d'État), de la même manière que l'entreprise privée valorise son capital originel. [...]
[...] Ce sont finalement les théories keynésiennes qui vont enchaîner économie et social dans l'intervention de l'Etat. C'est en impliquant toute la société dans son rapport à l'Etat que l'on rend impossible la détermination d'une responsabilité et d'un ennemi. Il n'y a plus d'imputation possible L'Etat devient le responsable effectif du devenir des rapports sociaux, le dépositaire du progrès social. La solidarité durkheimienne corrigée par Duguit puis Bourgeois l'emporte à la fois sur l'insolidarité de la lutte des classes et sur la société bourgeoise du contrat et du risque. [...]
[...] Tout n'est donc pas encore capital et c'est ce qui fonde la distinction entre société bourgeoise et rapports de production capitalistes. On s'accorde généralement à la dater de la révolution industrielle jusqu'aux années 20 du siècle qui voient la contre-révolution vaincre la révolution et s'engendrer une restructuration du capitalisme sur les nouvelles bases de la domination réelle. - Dans cette phase de la domination réelle, tout apparaît comme capital. La force productive du travail se trouve incluse dans le capital fixe qui, pourtant, se pose comme extérieur, autonomisé du procès de travail, mais étroitement lié au développement de la technoscience. [...]
[...] Plus généralement, sur les rapports historiques entre question sociale et Etat, on pourra se reporter à L'invention du social de J. Donzelot. Ed. Seuil, coll. Points. On assiste d'ailleurs à un mouvement parallèle dans le procès de travail et au lent enclenchement du processus de la valeur sans le travail Notion avancée par la mouvance No pasaran en France et la revue Krisis en Allemagne et que nous avons critiqué dans : La crise du travail exige une révolution dans la théorie (surtout les pages 50 à Temps Critiques printemps 1998. [...]
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