Présentée au début du XX ème siècle comme «l'aire pivot» par le géopoliticien britannique Halford J.Mackinder, l'Eurasie suscite à nouveaux l'intérêt croissant des puissances régionales ainsi que des Etats-Unis. Neuf ans après la signature des accords de Biélovège entérinant la fin de l'URSS en tant que «réalité géopolitique et sujet de droit international», l'Eurasie constitue en effet une zone de pouvoir vacant où s'opère une véritable redistribution de la puissance. De fait l'émergence d'Etats indépendants a considérablement modifié les équilibres internationaux, ouvrant cette région longtemps dominée par l'URSS aux influences étrangères.
C'est dans ce contexte que s'inscrit la récente «redécouverte» de la Caspienne. Située à la confluence de quatre ensembles politiques et culturels, le monde russe, le monde turc, le monde iranien et le monde de l'Asie centrale, la plus grande étendue d'eau enclavée au monde ne comptait hier que deux Etats riverains – l'URSS et l'Iran. Avec l'éclatement de l'URSS, celle-ci cédant dans la région la place à quatre Etats, la Russie, l'Azerbaïdjan, le Kazakstan et le Turkménistan, le nombre d'Etats riverains est du jour au lendemain passé de deux à cinq. Partenaires inégaux dont les objectifs divergent, ces derniers sont réunis par la Caspienne : grâce à elle ou à cause d'elle, ils forment une nouvelle communauté. Cette communauté ainsi formée est le résultat non pas d'un choix, mais de l'éclatement de l'URSS et de l'ouverture des frontières. Ceci a entraîné une multiplication rapide des problèmes auxquels ils se sont trouvés confrontés et des sources de tension.
Si la région de la Caspienne soulève un tel intérêt, c'est essentiellement, pour ne pas dire uniquement, à cause des formidables ressources de pétrole et de gaz qu'elle recèlerait. En effet la «réévaluation des réserves de pétrole et de gaz ont profondément modifié la situation géopolitique du Bassin caspien et en ont fait un des enjeux majeurs des relations internationales de l'après-guerre froide» ainsi qu'un élément déterminant dans la recomposition de l'espace postsoviétique. Ces nouveaux enjeux se situent à deux niveaux. D'une part les enjeux liés à la prospection et à la production qui impliquent outre les pays producteurs, les plus grandes compagnies pétrolières mondiales. D'autre part les enjeux liés au tracé des oléoducs et gazoducs qui achemineront les hydrocarbures engagent tous les pays situés sur l'axe caspien. Les luttes que se livrent les différentes forces en présence pour le contrôle des réserves pétrolières, de la production et des routes d'évacuation seront lourdes de conséquence pour la définition de nouveaux équilibres régionaux.
Trois catégories d'Etats, «constituant autant de cercles concentriques autour du bassin de la Caspienne» , sont impliquées dans la lutte pour le contrôle de ses ressources : les Etats producteurs, les Etats susceptibles de servir de voies d'acheminement, c'est-à-dire, la Russie, l'Iran et la Turquie, et les Etats consommateurs d'énergie, c'est-à-dire, les Etats-Unis, l'Europe et le Japon. Les intérêts de chaque Etat varient selon son appartenance à l'une ou l'autre des catégories.
Nous traiterons d'abord des problèmes afférents à cette question. Ensuite nous verrons la position de la Russie dans cette région et pour terminer nous étudierons les enjeux géopolitiques.
[...] En fait il semble que les Iraniens craignent que le partage des fonds marins de la Caspienne leur soit défavorable : il ne leur réserverait au plus que 14% du total[8]. La position intransigeante de Moscou s'est rapidement avérée intenable, et la Russie a dû reconsidérer sa position. Et ainsi à travers un accord bilatéral russo-kazakh du 6 juillet 1998, les deux pays ont adopté une solution mixte, prévoyant le partage des fonds sous-marins et le maintien des eaux sous juridiction commune. [...]
[...] CONCLUSION La concrétisation d'un tel projet affecterait de manière durable l'ensemble des rapports de puissance dans la région. La Russie, qui considère la stratégie américaine sur son flanc sud comme une atteinte à ses intérêts nationaux, et l'Iran, mais aussi la Chine et le Japon à un moindre degré, seraient affectés. Il n'est pas exclu qu'une coopération s établisse entre certains de ces pays et réalisée un «rêve» de la Chine qui verrait la construction d'un oléoduc de plus de km, liant la Caspienne à l'Ouest de la Chine. [...]
[...] O.Roy, «Caspienne : une histoire d'oléoduc», op.cit O.Roy, ibid M.Croissant «Les intérêts américains en Asie centrale», in La Revue internationale et stratégique p108-116 Paris, Bayard 273p. Nous utilisons le terme hégémonie dans l'acception retenu par Gilbert Achcar : le pouvoir hégémonique doit tenir compte des desiderata de ceux sur lesquels il exerce son hégémonie. «D'un sièclke américain à l'autre : entre Hégémonie et domination», in Actuel Marx p18. Z.Brzezinski, op.cit, p182. Cité par Elie Kheir «Bakou-Ceyhan : les enjeux d'un oléoduc», in Le Débat Stratégique, janvier 2000. [...]
[...] Soit la Caspienne est considérée comme un lac, dont les ressources sont communes et dont le partage relève d'accords comme le prévoient les anciens traités, soit c'est une mer intérieure dont les eaux sont réparties en différentes catégories déterminant l'étendue des droits des Etats côtiers et définie par la «loi internationale sur la mer» adoptée en 1982 par la Convention des Nations Unies (Convention de Montego Bay). L'Azerbaïdjan considère la Caspienne comme une mer. Il revendique ainsi la souveraineté sur partie de la mer et s'appuie pour la délimiter, sur la division de la Caspienne effectuée en 1970 par le ministère de l'industrie pétrolifère de l'URSS. Cette attitude peut s'expliquer par le fait que Bakou possède l'essentiel des réserves récupérables en offshore. Le Kazakhstan estime également que le partage des fonds marins est nécessaire. Face à cette attitude les Russes ont vivement réagi. [...]
[...] La redécouverte du potentiel de la Caspienne pose d'emblée deux problèmes. Quel est l'état des réserves ? Quel est le statut juridique de la Caspienne consécutivement à la multiplication des sujets de droit international ? Des estimations contradictoires Il n'existe pas de consensus sur le potentiel exact de la Caspienne qui a été perçue, lors de la disparition de l'URSS comme un des gisements les plus prometteurs, en termes d'exportation d'hydrocarbures. Actuellement les réserves prouvées de l'Azerbaïdjan, du Kazakhstan, du Turkménistan et de l'Ouzbékistan représentent 2,2 milliards de tonnes de pétrole, réparties à 90% entre l'Azerbaïdjan et le Kazakhstan, soit des réserves mondiales. [...]
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