La frontière sino-russe connaît une véritable dynamique d'ouverture depuis la fin des années 80. L'apaisement des questions territoriales ainsi que la complémentarité de la Chine et de la Russie dans certains domaines ont en effet grandement facilité la coopération entre les deux pays, notamment dans le domaine économique.
Cependant, ce dynamisme affiché n'est pas sans limites, et les rapports entre les territoires situés de part et d'autre de la frontière ont été mouvementés et extrêmement tendus vers le milieu des années 90. L'ouverture de la frontière a en effet provoqué inévitablement l'apparition de nouveaux problèmes comme l'immigration illégale chinoise dans les régions frontalières peu peuplées de la Russie, très mal vécue par les populations locales russes. Les questions territoriales non résolues et le problème de l'immigration chinoise ont provoqué une fronde des autorités locales des régions frontalières russes, fronde qui a grandement influé sur le commerce frontalier et les projets de coopération économique régionale.
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[...] D'un point de vue démographique, la différence d'intensité qu'il y a eu entre les deux peuplements a donné naissance à une ligne de discontinuité de part et d'autre du fleuve Amour et de la rivière Oussouri. Cette disparité entre les territoires frontaliers russes et chinois est aujourd'hui très importante et pose problème. Face aux 7 millions de Russes de la région d'Extrême-Orient qui ne cesse de se dépeupler (il comptait 8 millions d'habitants en 1991 et 7,5 millions en 1996), répartis sur un territoire de 6,2 millions de plus de 120 millions de Chinois vivent dans les provinces limitrophes, regroupés sur un territoire de 1,9 million de km². [...]
[...] Le commerce frontalier a également été critiqué par Pékin pour avoir créé le chaos aux frontières de la République chinoise. En effet, si dans les années 80 la libéralisation était un processus contrôlé, elle tourna dans les années 90 à une véritable ruée vers la Russie. Les entreprises établies se virent concurrencées par des individus souvent inexpérimentés se lançant dans un commerce à petite échelle, cassant leur prix, et éprouvant par la suite des difficultés à remplir les termes de leurs contrats. [...]
[...] La situation s'est donc nettement améliorée dans les régions frontalières russes. Exceptés quelques discours isolés, on n'assiste plus aujourd'hui à de véritables campagnes de désinformation. L'achèvement de la démarcation de la frontière et l'importance des relations économiques avec la Chine ont également changé la perception qu'ont les autorités locales de la présence chinoise dans la région. Les populations russes sont devenues plus pragmatiques et ont pris conscience que la coopération économique avec la Chine est malgré tout bénéfique à la région. [...]
[...] Durant les six années suivantes, cette ouverture a été graduelle et a répondu à la stratégie chinoise de développement. Pour la Chine, en effet, l'augmentation du commerce frontalier constitue un moyen d'accroître le développement économique de ses provinces intérieures enclavées, et d'atténuer les problèmes posés par le développement inégal entre provinces chinoises. Les régions frontalières chinoises, et particulièrement le Heilongjiang, étaient donc très enthousiastes par rapport aux bénéfices mutuels tirés du développement du commerce frontalier. Selon la stratégie de lien avec le Sud, ouverture vers le Nord au milieu des années 1980, la province du Heilongjiang a ouvert sa frontière au commerce avec la Russie, son voisin du Nord, tout en favorisant les liens commerciaux et de transport avec les régions côtières du Sud de la Chine. [...]
[...] La Chine a donc toujours vu dans les contrats de travail l'un des avantages majeurs de l'ouverture frontalière avec la Russie, cette ouverture lui fournissant une issue de secours pour occuper les milliers de ruraux migrants des provinces du Nord-Est et les ouvriers que la restructuration des entreprises d'Etat laissent sur le carreau. Les autorités locales russes et chinoises multiplièrent ainsi les accords d'importation de main d'œuvre à partir de 1992, et le nombre de travailleurs chinois en Extrême-Orient russe passa respectivement de 10.000 en 1990 à 18.000 en en 1994 et 35.000 en 2001. Actuellement, la main d'œuvre chinoise est surtout employée dans les industries d'extraction, de construction et dans les exploitations agricoles, et représente environ 65% de la main d'oeuvre étrangère dans la région. [...]
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