Le droit d'ingérence est la reconnaissance du droit des États de violer la souveraineté nationale d'un autre État, en cas de violation massive des droits de la personne. Le devoir d'ingérence, quant à lui, est conçu comme plus contraignant. Il désigne l'obligation morale faite à un État de fournir son assistance en cas d'urgence humanitaire. Ni le droit, ni le devoir d'ingérence n'ont d'existence dans le droit humanitaire international. L'ingérence elle-même n'est pas un concept juridique défini. Au sens commun, il signifie intervenir, sans y être invité, dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un État (...)
[...] Or, les juristes contestent ce prétendu droit inaliénable qu'auraient les États à massacrer leur propre population. Les Conventions de Genève et la Convention contre le Génocide disposent déjà d'un droit contraignant. Le Chapitre VII de la Charte des nations Unies permet elle aussi d'intervenir dans les affaires intérieures d'un État en cas de menace contre la paix Les interventions suscitées ont d'ailleurs été menées pour la plupart en référence à ces outils traditionnels de la justice internationale. Pour plusieurs auteurs, le déficit d'efficacité des institutions onusiennes (lié notamment au droit de veto) vaut mieux qu'une application extensive du droit d'ingérence humanitaire qui, elle aussi, pourrait conduire à des dérives. [...]
[...] La théorisation du concept date des années 1980. Le philosophe Jean- François Revel fut le premier à évoquer le devoir d'ingérence en 1979 dans un article du magazine français l'Express en 1979 consacré aux dictatures centrafricaine de Jean-Bedel Bokassa et ougandaise d'Idi Amin Dada. Le terme fut repris par le philosophe Bernard-Henri Lévy l'année suivante à propos du Cambodge et reformulé en droit d'ingérence en 1988, au cours d'une conférence organisée par Mario Bettati, professeur de droit international public et Bernard Kouchner, homme politique français, ancien représentant spécial des Nations Unies au Kosovo et l'un des fondateurs de Médecins sans frontières. [...]
[...] Le droit d'ingérence humanitaire présente lui aussi des risques s'il n'est pas lui-même restreint. L'argument du deux poids, deux mesures est souvent invoqué pour dénoncer la nouvelle forme d'impérialisme vers laquelle une application sélective du droit d'ingérence pourrait basculer. En effet, le principe de non-intervention a pour avantage de protéger les États les plus faibles contre les interventions d'États plus puissants. Il a été gagné au prix d'une longue lutte menée par les États les moins puissants et visaient à mettre un terme au colonialisme et à l'impérialisme occidental qui, eux aussi, avaient pris prétexte de l'humanité civilisatrice pour mener leurs conquêtes territoriales. [...]
[...] Débat Le droit d'ingérence oppose d'un côté des humanistes qui entendent régir les relations internationales et leurs principes d'action par les droits de la personne et de l'autre les défenseurs des principes de souveraineté et de non-ingérence énoncés par le droit international, dont la violation risquerait de conduire à des interventions unilatérales. La vive réaction des juristes vis-à-vis de ce concept est liée au fait qu'on leur a présenté un concept aux contours juridiques flous. Bien qu'il jalonne une évolution marquante du droit humanitaire, le droit d'ingérence n'a pas pris consistance dans le droit international. Les partisans et détracteurs du droit d'ingérence s'opposent autour de la tension entre la légitimité et la légalité de l'intervention. Pour les premiers, l'intervention humanitaire est légale parce que légitime. [...]
[...] Les efforts diplomatiques et pacifiques doivent avoir tous été auparavant mis en œuvre. Le degré de force utilisé doit être à la mesure de l'objectif humanitaire et son usage doit se conformer aux principes du droit humanitaire international. Les États ont le droit d'intervenir pour atténuer ou éviter une catastrophe humanitaire, dans le seul cas où le Conseil de sécurité est dans l'incapacité d'agir et que l'intervention est légitimée par la communauté internationale. Mais les détracteurs du droit d'ingérence craignent que sous des prétextes humanitaires, il ne justifie des formes d'ingérence impériales. [...]
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