Le droit d'ingérence, c'est-à-dire la possibilité pour l'extérieur d'intervenir à l'intérieur d'un État sans son consentement, est un concept qui émerge dans les années 1980, à l'occasion notamment du colloque « Droit et morale humanitaire », organisé à l'initiative de Mario Bettati et Bernard Kouchner. Le terme est aujourd'hui régulièrement employé, dans la presse et dans les discours des organisations non gouvernementales et des responsables politiques.
Il transparaît aussi, dans une certaine mesure, dans des résolutions onusiennes – la résolution 43/131, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1988 et la résolution 688, adoptée par le Conseil de Sécurité en 1991, il ne répond cependant à aucune définition juridique. Cette ambiguïté, le constat que « la souveraineté étatique, dans son sens le plus fondamental, est en pleine redéfinition » (Kofi Annan, « Two Concepts of Sovereignty », The Economist, 18 septembre 1999), les difficultés et les échecs des opérations d'ingérences justifient ce rapport.
L'Organisation des Nations Unies, en tant que garante de principes et valeurs universels, en tant qu'instrument du multilatéralisme, peut en effet apporter sa contribution au débat sur les ingérences et le droit d'ingérence.
[...] pourrait donc œuvrer pour les favoriser. Construire de tels ensembles régionaux intégrés pourrait cependant signifier recréer des inégalités à une autre échelle, c'est-à-dire que les inégalités entre les États se réincarneraient en inégalités entre ces ensembles. L'O.N.U. pourrait donc jouer une fonction nouvelle, en promouvant l'égalité entre les régions intégrées. Instituer des ensembles sur le modèle européen implique enfin que ces organisations seront confrontées aux mêmes difficultés que l'Union européenne. Une grande partie des citoyens européens rejette aujourd'hui les interventions de l'Union européenne, qu'ils perçoivent comme trop technocratique. [...]
[...] La fondation des États n'a pourtant pas signifié la fin des ingérences. Celles-ci sont menées au nom de la nécessité de préserver un ordre supérieur à l'État. La Sainte-Alliance prétend ainsi garantir un ordre monarchique et antilibéral, la France, le Royaume-Uni et la Russie invoquent un principe d'humanité pour justifier leur soutien aux indépendantistes grecs contre les Turcs en 1827, la colonisation est menée au nom de l'impératif de diffuser la civilisation et, pendant la guerre froide, les interventions des deux superpuissances dans les affaires intérieures de leurs alliés répondent au besoin de maintenir la cohérence des deux blocs. [...]
[...] Par ailleurs, comme toute ingérence, les interventions de la justice internationale sont des relations inégales. Si la justice internationale se doit d'être impartiale, elle risque en réalité d'être une justice des vainqueurs, et donc partiale. Après la Seconde Guerre mondiale, seuls les responsables des pays vaincus sont jugés. Les Alliés sont pourtant à l'origine de bombardements meurtriers en Allemagne, d'Hiroshima et de Nagasaki. Dans la même perspective, les pays de l'Alliance atlantique ne sont pas mis en cause pour leurs campagnes en Yougoslavie. [...]
[...] Les ingérences menées par le F.M.I. et la Banque Mondiale sont aussi problématiques en ce sens qu'elles ne sont pas toujours réussies. L'intervention du F.M.I. en Indonésie, au moment de la crise asiatique de la fin des années 1990, a ainsi, selon Joseph Stiglitz, contribué à aggraver la situation économique du pays. La politique menée par le Fonds en Argentine dans les années 2000 a aussi suscité de vives controverses. Ces échecs ont mis en question le bien-fondé des interventions du F.M.I. [...]
[...] Cette attitude peut en effet être pensée comme le refus de l'ingéré de souscrire tout à fait à ce que l'ingérant tente de lui imposer. Dans les années 1990, l'O.N.U. tente aussi de reconstruire l'État au Cambodge. L'opération menée manifeste d'abord l'importance de disposer de fonds et de moyens suffisants pour entreprendre une telle mission. Le Cambodge a aujourd'hui rejoint la communauté internationale et bénéficie d'une meilleure situation économique. Si l'État cambodgien demeure fragile, en raison des problèmes de corruption et de la longue persistance d'autorités khmères, l'ingérence démocratique dans cet État peut donc néanmoins être considérée comme un succès. [...]
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