Un rapide tour d'horizon de ce qui est communément appelé la diaspora indienne s'impose. Selon le recensement de la Haute Commission sur la diaspora indienne en 2001, la population indienne ou d'origine indienne à l'étranger (on reviendra sur cette terminologie officielle) regroupe une vingtaine de millions de personnes (soit 2% de la population indienne) et correspond en nombre à la deuxième diaspora, loin derrière la diaspora chinoise et ses 34 millions de personnes. Cette population génère un revenu annuel estimé à 160 milliards de dollars, soit 35 % du PNB indien . Elle se répartit inégalement entre 130 pays et se concentre aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Malaisie et au Népal. Ainsi, cette population, à l'identité indienne (on verra l'ambiguïté du concept) très variable représente un enjeu de taille autant pour les chercheurs que pour les décideurs en Inde et à l'étranger.
La diaspora indienne pose une série de problème, en tant que fait sociologique (existe-t-elle ? A quelle définition du phénomène diasporique correspond-elle ?), en tant que fait économique (En quoi participe-t-elle au développement de la mère patrie ? En quoi son importance est–elle comparable à celle de la diaspora chinoise ?), mais aussi et surtout en tant que problématique de la politique (Comment a eu lieu la prise de conscience de l'existence de la diaspora par la mère patrie ? Comment sa mise en valeur a-t-elle été orchestrée ?) En effet, l'utilisation du terme de diaspora pour désigner la population indienne ou d'origine indienne ne résidant pas sur le territoire national n'est pas anodine. S'il est utilisé depuis les années 1980 par la communauté scientifique internationale, il faut attendre 10 ans pour que le terme s'impose dans les recherches menées en Inde. De plus, il a longtemps été - et est toujours dans la plupart des cas - utilisé sans être défini précisément, comme si la dénomination du phénomène ne posait pas de problème a priori, comme si le terme de diaspora était neutre et ne désignait qu'une fraction d'un peuple vivant en dehors du pays d'origine . En fait, cela revient à se demander si la diaspora indienne existe, question qui, pour toute rhétorique qu'elle semble, se pose comme on le verra. Cette question de l'existence de la diaspora indienne sera le fil d'Ariane de l'étude, dans la mesure ou d'un point de vue économique et de politique, elle reste problématique. En effet, en gardant en mémoire l'exemple chinois d'une part (d'un point de vue économique), et l'exemple d'Israël et des lobbys sionistes d'autre part (dans la perspective des relations internationales), les diasporas constituent théoriquement un facteur et une dimension de puissance non négligeable. Qu'en est-il de la diaspora indienne ? Cela revient à interroger la diaspora indienne comme facette du soft power indien. Le corollaire de cette double interrogation sur l'existence d'une diaspora indienne est la question de sa place dans la vie politique indienne, à l'intérieur. En effet, la prise de conscience et la volonté de valorisation de la diaspora par les pouvoirs publics et par les partis politiques (en un mot, la récupération voire l'instrumentalisation politique de la diaspora) n'est évidemment pas neutre et procède d'une volonté politique habillée d'un discours idéologique qui n'est pas sans intérêt. L'évolution de cette volonté politique, de l'indifférence voire du mépris des années Nehru à l'invention de la diaspora par le BJP (avec notamment la création du Comité de Haut Niveau sur la diaspora indienne en 2000) est hautement problématique.
Ainsi, plus qu'à décrire les caractéristiques de la diaspora indienne, on s'attachera à discuter son existence même, dans la réalité du phénomène comme dans la volonté politique.
On verra tout d'abord comment l'existence même de cette diaspora, et en tout cas l'utilisation d'un tel mot pour désigner cette population, est problématique pour ensuite décrypter le processus de réinvention de cette diaspora par le volontarisme politique en Inde et ses ambiguïtés.
[...] Du fait de la présence massive des indiens dans le secteur des NTIC, l'externalisation d'activité (tendance lourde de l'économie mondiale) en dehors du territoire des Etats-Unis se fait souvent au profit d'entreprises indiennes de même que leurs investissements vers l'Inde iront à ce secteur qu'ils connaissent bien. Une autre forme de soutien se développe aussi, sous forme de dons, de la part d'anciens élèves ayant fait fortune aux Etats-Unis aux Instituts de technologies dont ils sont issus. De cette manière, les Instituts indiens de technologies (fleurons du système éducatif indien) reçoivent en moyenne 1 milliard de dollars[19] par an. Plus difficiles à évaluer sont les transferts de technologies et leurs retombées économiques mais ils existent. [...]
[...] Un caucus (rassemblement informel de parlementaires) indien été créé, le Congressional Caucus on India and Indian-Americans, il regroupait 8 membres en 1993 et 122 en 2000, ce qui en fait l'un des caucus les plus importants du Parlement[20]. Cela dit, et comme souvent avec les lobbies, il est assez peu aisé d'évaluer son influence. On suppose en général qu'il n'a pas été inactif lors de la résolution en 1999 de la guerre indo-pakistanaise de Kargil au profit de l'Inde. Cette mobilisation politique, si elle se renforce, pâtie du peu d'implication des NRI et des PIO sur la scène politique nationale. [...]
[...] Il est par ailleurs important de remarquer que cette catégorie, actuellement utilisée par le Comité de haut niveau de la diaspora indienne pour le recensement de la diaspora, constitue théoriquement une négation de cette diaspora car il sous-entend que les NRI ne sont que des émigrés temporaires. En réalité, cette catégorie recouvre dans la littérature scientifique tous les émigrants récents. Ainsi, la multiplicité des termes pour désigner la population(s) indienne(s) ou d'origine indienne rend encore plus remarquable le succès du terme de diaspora auprès de la communauté scientifique et du grand public. Le terme de diaspora est maintenant acquis à l'Inde et reconnu dans la littérature scientifique comme pertinent. Il existe bien une diaspora indienne, reste à la caractériser historiquement, géographiquement, démographiquement et économiquement. [...]
[...] Ainsi les liens qu'ils soient mémoriels, économiques ou mythiques sont une caractéristique essentielle et problématique de l'existence de la diaspora indienne. A cela s'ajoute la question du statut de ces populations à l'étranger et de l'évaluation de leur appartenance ou non à une population indienne à l'étranger selon des critères qui restent à éclaircir. Un terme qui a fait son chemin Précisons tout d'abord que l'utilisation du terme de diaspora pour désigner les populations indiennes à l'étranger est récente. Selon Martin Baumann[6], la première utilisation du terme de diaspora indienne se trouve dans un article d'A. [...]
[...] En tout cas, malgré leur diversité, toutes ces Little India jouent le même rôle, à savoir réactualiser le passé et la mémoire pour les plus âgés en se replongeant dans la communauté et faire découvrir et apprendre cette mémoire aux plus jeunes. Elles sont donc des hauts lieux de la diaspora indienne et elles concentrent en général les organes de socialisation (temples hindous par exemples) et d'autopromotion (associations culturelles censées faire le lien avec la mère patrie par exemple) de cette diaspora. Un soft Power diasporique ? [...]
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