Utiliser la terreur pour défendre la démocratie : telle est la politique de Robespierre au lendemain de la Révolution française. Politique qui ne va pas du tout de soi aujourd'hui où la terreur sert plutôt à renverser ou du moins à affaiblir l'Etat démocratique. Mais l'origine du mot terrorisme réside bien dans la période noire de la Terreur en 1793-1794 et sa signification évolue tout au long de l'Histoire française : il est employé au XIXe siècle à la fois par la droite pour dénoncer le « terrorisme révolutionnaire » et par la gauche qui s'oppose à la terreur des Versaillais pendant la Commune. Définir le terrorisme aujourd'hui n'est pas aisé du fait des formes diverses qu'il revêt, nous retiendrons ici la définition du Code Pénal français qui considère l'acte terroriste comme un acte se rattachant à « une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ».
Le terrorisme moderne touche particulièrement les démocraties dans lesquelles le monopole de la violence physique légitime appartient à l'Etat et où le « processus de civilisation » décrit par Norbert Elias implique un processus d'auto-contention de la violence dans les rapports sociaux. Isabelle Sommier considère ainsi que « le terrorisme est un phénomène propre aux sociétés pacifiées » qui prohibent le recours à la violence. La démocratie devient une cible idéale car les terroristes arrivent plus facilement à terroriser la population du fait de leurs attaques aveugles contre les civils, et parce qu'ils utilisent les droits et les libertés que celle-ci accorde à tous les citoyens.
La démocratie se trouve donc dans une posture difficile lorsqu'elle doit lutter contre le terrorisme : pour rechercher les coupables d'attentats ou éviter que de nouveaux actes terroristes puissent être perpétrés, l'Etat démocratique met en place des mesures et des pratiques qui restreignent souvent l'État de droit et affaiblissent la démocratie. Mais déroger aux valeurs démocratiques pour combattre ceux qui cherchent précisément à les détruire revient à accorder la victoire aux terroristes.
Il s'agit donc de se demander si, lorsque la démocratie est menacée, l'Etat peut limiter l'exercice des droits individuels au nom du rétablissement de la paix et de la sécurité, si la Raison d'Etat doit pendant un temps limité se substituer à l'Etat de droit.
[...] Dans l'Etat de droit, le but est d'encadrer par la norme l'usage de l'exception et d'éviter tout abus de pouvoir par le décideur. Carl Schmitt récuse cette approche qui consiste à écarter au maximum les décisions personnelles du Souverain. Selon lui, l'état d'urgence, l'état de siège ne sont que des dérogations prévues juridiquement alors que la situation exceptionnelle est imprévisible, elle échappe au droit car elle n'a pas de précédent. C'est le pouvoir de décision du Souverain qui définit réellement la souveraineté : l'Etat n'est donc pas un «monopole de la domination légitime selon l'expression wébérienne mais un monopole de la décision La conservation de l'Etat importe donc plus que la préservation du droit. [...]
[...] Démocratie et terrorisme L'Etat peut-il limiter l'exercice des droits individuels au nom du rétablissement de la paix et de la sécurité ? SOMMAIRE La démocratie libérale comme cible privilégiée du terrorisme 1.1 La question de la légitimité démocratique et du droit de résistance 1.2 La vulnérabilité des démocraties : l'utilisation de la démocratie contre elle-même La lutte contre le terrorisme : Etat de droit ou régime d'exception ? Norme et exception 2.2 L'encadrement des pouvoirs d'exception 2.3 Les mesures législatives pour lutter contre le terrorisme III° Libertés individuelles et lutte contre le terrorisme 3.1 Des libertés menacées 3.2 Terrorisme et surveillance : Vers la société panoptique ? [...]
[...] Le cas des terrorismes d'extrême gauche est révélateur car loin de nier la volonté du peuple, ils se l'approprient en justifiant leurs actes par la défense d'une classe opprimée. Les racines marxistes de ces mouvements sont bien sur évidentes : les terroristes utilisent l'idée que la souveraineté populaire cache l'exploitation du Peuple et récuse la légalité démocratique. Lénine considère en effet dans l'Etat et la Révolution que la démocratie bourgeoise n'est que l'instrument d'oppression de la classe ouvrière par les capitalistes et justifie ainsi le recours à l'action directe. [...]
[...] Dans le cas d'exception, l'Etat suspend le droit en vertu d'un droit d'autoconservation Le problème du pouvoir absolu de la décision du souverain est bien sûr la dérive vers la dictature et le recul de la démocratie. C'est aussi celui du retour à la norme et de la limitation dans le temps de l'état d'exception. Pour éviter les abus, un droit de l'exception peut-il tout de même exister ? 2.2 L'encadrement des pouvoirs d'exception Le terrorisme remet en cause la séparation des pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif qui est la marque de la démocratie depuis Montesquieu. [...]
[...] Malgré ses remises en cause de l'Habeas Corpus et de la Constitution, la Cour Suprême refuse toujours d'examiner la constitutionnalité du maintien du secret relatif à l'identité des personnes arrêtées depuis le 11 septembre 2001 et appelées ennemis combattants Le Royaume-Uni a ainsi été sévèrement critiqué par Amnesty international concernant ses mesures anti-terroristes prévues par le Terrorism Act, qui autorise la détention illimitée, sans inculpation ni jugement et essentiellement sur la base d'informations secrètes, des étrangers qui ne peuvent pas être expulsés. Le gouvernement britannique a invoqué différentes raisons pour justifier ces mesures, notamment le caractère trop rigoureux de ses règles en matière de preuve, qui paralyserait les procédures judiciaires traditionnelles. Ainsi, deux modèles de démocratie sont mis à mal par la lutte anti- terroriste du fait de leurs atteintes aux libertés individuelles et de leur distinction radicale entre citoyens et étrangers, ceux-ci étant volontiers perçus comme potentiellement terroristes, en particulier les ressortissants de pays arabes. [...]
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