Depuis 2002 et le coup d'état avorté qui s'est transformé en rébellion, la Côte d'Ivoire est malade et tente de panser ses plaies. Il y a eu des accords politiques censés sortir le pays de la crise : Marcoussis, Accra, Pretoria. Et une longue impasse qui a fait craindre le retour aux hostilités. Fort heureusement, un sursaut national a permis aux belligérants de signer à Ouagadougou un accord de paix décisif. Cet accord a scellé la réunification du pays désormais dirigé par un gouvernement d'unité nationale avec à sa tête l'ex-leader des rebelles, Guillaume Soro devenu Premier ministre aux côtés du Président Gbagbo. Reste l'épineuse question des élections déjà reportées à maintes reprises. Quinze ans après la mort d'Houphouët-Boigny, la vitrine de la Françafrique a bien pâli. Si le pays a échappé au scénario sanglant de son voisin libérien, il n'en sort pas moins appauvri. Retour sur ces années de tension politique, de guerre civile larvée sur fond de tribalisme (...)
[...] Ses concurrents, Bédié puis Gbagbo, n'ont pas pu résister à la tentation d'utiliser la carte de la nationalité ivoirienne douteuse de Ouattara comme moyen de le neutraliser politiquement et lui-même n'a pas pu résister à la tentation de se servir d'une identification aux populations nordistes et musulmanes qui avaient de réels motifs de frustrations pour se constituer un électorat conséquent et motivé. Ouattara est-il le parrain de la rébellion ? G.Y. : Certains meneurs de la rébellion ont été proches à un moment des réseaux du RDR, notamment au lendemain du coup d'Etat de décembre 1999. [...]
[...] Bien vite le vernis craque, le Général se découvre des ambitions présidentielles. L'homme venu combattre l'ivoirité le récupère à son compte, avec pour objectif d'éliminer tous les adversaires susceptibles de menacer son élection. Aux élections présidentielles de 2000, seul Gbagbo, simple faire- valoir à ses yeux, est autorisé à participer. Gueï est battu, mais tente de s'accrocher au pouvoir en tripatouillant les résultats. Une véritable insurrection populaire qui fait des dizaines de victimes met un terme à la parenthèse militaire et consacre la victoire de Gbagbo. [...]
[...] Pourtant de nombreux obstacles demeurent sur le chemin de la paix. Le désarmement des Forces Nouvelles n'a permis de récolter que quelques kalachnikovs, sans aucune commune mesure avec l'arsenal dont dispose les rebelles. De fait, les élections prévues en principe pour octobre 2005 ont pour la cinquième fois été reportées en novembre 2008 sans qu'une date crédible ne soit fixée. Gbagbo qui n'est pas donné favori ne semble pas pressé d'aller aux urnes. Quant à l'opposition réunie au sein de la RHDP (Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix) autour de l'axe Bédié-Ouattara, elle fait grincer les dents dans les deux camps. [...]
[...] Qu'est ce qui bloque l'organisation des élections transparentes ? G.Y. : D'abord, un facteur politique : la grande incertitude sur les chances de victoire de l'un ou de l'autre des trois candidats de poids, y compris celles du président sortant, Gbagbo. Dans nombre de pays africains, pour de nombreuses raisons, le président-candidat sortant est très confiant sur ses chances de réélection quand il n'en est pas totalement convaincu. Au pire, on recourt à la fraude plus ou moins flagrante. Les prochaines élections ivoiriennes sont des élections de sortie de crise dont les conditions sont fixées par des accords de paix, des compromis permanents entre les différents partis, dont l'organisation est du ressort d'une commission électorale indépendante inclusive et qui se dérouleront sous une surveillance diplomatique et militaire internationale. [...]
[...] Car le mal ivoirien prend racine à la mort du ''vieux'' en 1993. Deux hommes sont sur les starting-blocks pour lui succéder : Henri Konan Bédié, le président de l'Assemblée Nationale et Alassane Ouattara, le Premier Ministre qui dirigeait de fait le pays suite à la longue maladie du Si le premier l'emporte sur le second en vertu d'une disposition constitutionnelle, Bédié qui veut s'inscrire sur la durée, décide d'éliminer son rival de la compétition présidentielle. L'ivoirité, un concept nationaliste de bas étage est créé et instrumentalisé pour non seulement barrer la route à Ouattara, mais aussi vider de sa substance l'électorat traditionnel du RDR, le parti qu'il anime, en le privant du droit de vote. [...]
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