Alors que la question des conflits territoriaux sur le continent européen semble être aujourd'hui historiquement dépassée avec l'établissement d'une coopération continentale extrêmement poussée, le différend qui oppose toujours deux Etats membres de l'Union européenne l'Espagne et le Royaume-Uni, au sujet de Gibraltar dément cette idée.
Ainsi, le contrôle des espaces n'est ni une problématique cantonnée aux Etats pré-modernes et en construction, ni un enjeu tombé en désuétude. La volonté et les moyens qu'ont les Etats d'affirmer leur domination juridique et politique sur une zone territoriale donnée continueraient donc à prévaloir sur les autres logiques gouvernant les relations internationales.
Pourtant, nous sommes entrés dans « le temps du monde fini », pour reprendre l'observation de Paul VALERY dans Regards sur le monde actuel (1945) : l'ensemble de la surface terrestre a été découpée en zones de souveraineté, et le principe d'intangibilité des frontières a été accepté par l'ensemble de la communauté internationale.
Dès lors, comment expliquer que les revendications territoriales soient encore souvent le principal moteur des conflits entre les Etats ?
Si le contrôle des espaces a longtemps constitué le cœur des relations internationales (I.), il devrait désormais ne jouer qu'un rôle mineur (II.). Pourtant, la détermination d'une frontière ou l'établissement d'une nouvelle souveraineté sur un territoire restent des éléments de premier plan dans la détermination de la politique internationale (III.).
[...] Cependant, en l'absence d'une méthode standardisée et rigoureusement équitable de règlement des différends, ces conflits continuent de peser sur la stabilité des relations internationales. III. Le contrôle des espaces guide encore largement les relations interétatiques, provoquant des conflits d'autant plus difficiles à régler que d'autres logiques se greffent aux problématiques strictement territoriales A. De nombreux conflits anciens, dans lesquels la dimension territoriale est capitale, n'ont toujours pas trouvé d'issue Il peut s'agir aussi bien de conflits d'attribution que de conflits de démarcation. L'exemple le plus marquant en est sans doute le conflit israélo-palestinien, sans qu'il s'agisse évidemment du seul exemple. [...]
[...] ( Cette répartition complète des espaces entre différentes zones de souveraineté fait qu'il n'existe plus d'espaces vierges de tout contrôle qui resteraient à conquérir. B. Le principe d'intangibilité des frontières et le droit de l'Etat à se maintenir dans ses frontières ont été reconnus par l'ensemble de la communauté internationale Le droit au respect de son intégrité territoriale dû à un Etat figure notamment à l'article 2-4 de la Charte des Nations Unies : Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies Il s'accompagne du principe corrélé d'intangibilité des frontières, notamment mis en avant par la Cour Internationale de Justice dans son arrêt Différend frontalier entre le Burkina Faso et le Mali (1986) : la Cour rappelle que le règlement du différend qui les oppose doit être fondé notamment sur le respect du principe de l'intangibilité des frontières Or les frontières en question, bien qu'héritées de la colonisation, ne sauraient être remises en cause, étant donné que les pays décolonisés d'Afrique ont proclamé l'intangibilité des frontières héritées de la colonisation dans la Déclaration du Caire adoptée en juillet 1964 dans le cadre de l'Organisation de l'Union africaine. [...]
[...] Toutefois, du fait du principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, avec lequel il entre en confrontation directe, le droit international considère qu'il s'agit d'un problème couvert par le principe de non-ingérence et relevant du droit interne du pays. Ainsi, l'article 5 de la Constitution française de 1958 précise que le Président de la République est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités ( Le système international s'est donc, depuis quatre siècles, entièrement développé autour de cette notion du contrôle des espaces. [...]
[...] La Bolivie tente de récupérer sur le Chili et le Pérou un accès à la mer, perdu depuis 1879. Le Sahara occidental fait l'objet de contestations marocaines et sahraouies. L'Europe est également touchée : Gibraltar est toujours une source de conflit entre l'Espagne et le Royaume-Uni tandis que Chypre est un irritant majeur entre la Turquie et la Grèce. Ces conflits peuvent porter sur les espaces terrestre, maritime ou aérien, ou sur l'usage qui en sera fait (droit de passage notamment). [...]
[...] En outre, d'autres instances judiciaires internationales se sont développées pour garantir le droit en vigueur concernant la souveraineté. La Convention de Montego Bay a ainsi créé un Tribunal international pour le droit de la mer. Enfin, l'article 33 de la Charte des Nations Unies prévoit d'autres modes de règlement pacifique des différends, en particulier territoriaux : négociation, médiation, conciliation, arbitrage, enquête, etc. ( L'ensemble de ces instruments vise à prévenir les conflits en inscrivant le contrôle des espaces dans le domaine du droit et non de la force. [...]
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