Les événements tragiques qui se succèdent semblent avoir installé pour longtemps les clivages ethniques comme unique donnée politique et placé en position d'interlocuteurs uniques des acteurs qui ont instrumentalisé ces clivages (I). Cependant, ce repli sur une lecture ethnique du conflit masque des enjeux politiques et sociaux qui s'enracinent dans les histoires différentes de ces pays (II). Enfin, la crise déborde largement sur les pays voisins, hypothéquant encore plus lourdement l'avenir de cette région où se dessine un arc de crise qui explique partiellement l'atonie de la communauté internationale (III)
[...] Le pouvoir Hutu qui se met en place au terme de cette "révolution sociale" cristallise ainsi l'imbrication entre le social, le politique et le fait ethnique. Agitant la menace permanente d'un anéantissement du peuple Hutu par l'extérieur (réfugiés d'Ouganda, pouvoir Tutsi au Burundi), le pouvoir de Kigali soude l'unité nationale autour de cette rhétorique de la terreur. L'exemple burundais Au Burundi, le décalage se creuse entre la participation hutu dans l'appareil administratif et celle des Tutsi, au gré des coups d'Etat qui rythment les premières années d'indépendance. [...]
[...] Les conflits dans l'Afrique des Grands Lacs Introduction Sur les terres fertiles de l'Afrique des Grands lacs, berceau de l'humanité, une logique meurtrière est devenue force collective. Rationalisée par des intellectuels des deux camps, mise au service de la rivalité entre élites hutu et tutsi pour le contrôle d'Etats qui monopolisent pactoles et prébendes, renforcée par le poids des hécatombes passées, elle met les "vieux démons" du tribalisme au service d'un projet politique moderne : l'extermination, quand le règne de la majorité naturelle est menacée ; l'épuration, quand la minorité n'a pas d'autres moyens de pérenniser sa domination coercitive du plus grand nombre. [...]
[...] Le Masisi devient alors un enjeu d'une autre nature pour les leaders des camps impliqués dans le génocide au Rwanda, à la recherche d'un nouveau terrain d'accueil. Le Masisi constitue une base arrière idéale pour la guerre de reconquête du Rwanda. Les Tutsi se retrouvent la cible des extrémistes et attaques de tous bords : des Hundé, en raison de leur appartenance au groupe des Banyarwanda, des Hutu qui voient en eux l'ennemi héréditaire à éliminer, des militaires-pillards zaïrois, passés maîtres dans l'art du pillage. Ceux qui peuvent fuir trouvent refuge . [...]
[...] Dès la nuit qui suit la mort du président, le pays est submergé par une vague de massacres et de pillages auxquels se livrent des paysans hutu et des groupes de jeunes encadrés par des militants et sympathisants du Front présidentiel. Les représailles de l'armée sont d'une extrême violence. Outre morts, les événements d'octobre provoquent la fuite dans les pays voisins (Rwanda, Zaïre, Tanzanie) de centaines de milliers de Burundais et modifient la géographie démographique du pays : les Hutu qui n'ont pas fui à l'étranger se réfugient dans les collines, les Tutsi descendent dans les centre-ville où ils espèrent se placer sous la protection de l'armée. [...]
[...] Stratégie victimaire, ou comment se construit la haine Que disent ces "légendes identitaires" ? Côté Tutsi, on cultive la mémoire d'un peuple nomade, de seigneurs, venus des sources du Nil, s'installant naturellement dans ces régions fertiles, apportant ordre et protection aux cultivateurs bantous. C'est la mémoire d'un grand royaume, possédant administration, langue écrite. Côté hutu, c'est le souvenir de l'antériorité de la présence bantoue, bientôt soumise au joug des Seigneurs du Nil, imposant d'abord leur royaume puis servant de bras à l'oppression coloniale. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture