D'un point de vue conceptuel, la communauté internationale s'oppose à la société internationale, un peu à la manière de l'opposition célèbre du sociologue allemand du XIXe siècle, Ferdinand Tönnies, qui distingua la communauté ("die Gemeinschaft", fortement intégrée et donc peu respectueuse de la liberté individuelle) de la société ("die Gesellschaft", qui est un mode d'organisation issu de la révolution industrielle et permettant l'individualisme). Ainsi, en poursuivant la comparaison, la société internationale sous-entend une "société internationale des États" et est ainsi peu intégrée et respectueuse, non pas de la liberté des individus, mais de celle des États, c'est-à-dire de leur souveraineté. La communauté internationale, à l'inverse, met l'accent sur la solidarité mondiale et sur un dépassement des États par une ou des forme(s) d'organisation susceptible(s), sinon d'imposer une politique aux États, du moins d'exercer une influence sur celle-ci.
En conséquence, proclamer, agir au nom de la "communauté internationale", c'est en effet affirmer que l'on agit de manière légitime, en dépassant des intérêts particuliers pour se fonder sur ceux de l'humanité. Ainsi, il n'est pas surprenant que l'expression soit très fréquemment utilisée et que cette utilisation fréquente soit souvent intempestive, en tout cas peu précise. S'interroger sérieusement aujourd'hui sur la "communauté internationale", c'est s'interroger sur son existence et sur les nombreuses contraintes qui freinent son émergence.
Ainsi, on pourra montrer que l'existence de problématiques mondiales, ainsi que la moindre division politique des États, a permis l'émergence d'une action au nom de la communauté internationale. Cependant, la prééminence maintenue des États et les divergences d'intérêts empêchent l'émergence d'une communauté internationale véritablement organisée.
[...] Cette mondialisation permet la naissance de vecteurs mondiaux de l'information (CNN en étant l'archétype), se propageant principalement par une langue devenue universelle, l'Anglais. Elle permet l'émergence, certes fragile, d'une opinion publique internationale, concernée par les mêmes sujets, au même moment. Sur cette base, des organisations non gouvernementales à vocation mondiale (Médecins du monde, Amnesty International, Human Rights Watch, Greenpeace) se développent et se présentent comme les porte-parole des intérêts communs à l'humanité, c'est-à-dire dépassant les intérêts des États, supposés égoïstes ou myopes. [...]
[...] L'existence du jus cogens, aujourd'hui admise par la quasi-totalité de la doctrine et des États (l'opposition maintenue de la France sur ce point fait figure d'exception), révèle le début d'une reconnaissance juridique d'une entité supérieure aux États, qu'on l'appelle "communauté internationale" ou "humanité". L'humanité a d'ailleurs un patrimoine. L'accord de 1979 régissant les activités sur la Lune et les autres corps célestes dispose que leurs "ressources naturelles constituent le patrimoine commun de l'humanité". La convention de Montego Bay de décembre 1982 sur le droit de la mer stipule que le fond des océans ainsi que ses ressources sont des éléments "du patrimoine commun de l'humanité". Cependant, cette reconnaissance juridique reste embryonnaire. [...]
[...] Pour regrettable que soient ses absences de ratifications, qui font courir un risque de prolifération accru des armes nucléaires, dangereux pour la communauté internationale, cette dernière ne peut imposer une ratification généralisée. Le même raisonnement pourrait être fait concernant le protocole de 1997 de Kyoto sur le changement climatique et la limitation des émissions de gaz à effet de serre, non ratifié par les États-Unis et la Russie, ou encore, concernant la convention de Rome de 1998 portant statut de la Cour pénale internationale, non ratifiée par les États-Unis, tout comme la convention d'Ottawa sur l'élimination des mines antipersonnel. [...]
[...] Les sanctions prises à l'égard de la Libye, à la suite des attentats terroristes de Lockerbie et du DC-10 d'UTA, ou encore les sanctions prises en 1993 et en 1994 à l'égard du gouvernement de facto du général Cédras à Haïti afin de rétablir le président élu Jean- Bertrand Aristide en sont des exemples. La création du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie - par la résolution 827 adoptée en 1993 - et celle du Tribunal pénal international pour le Rwanda - résolution 955 adoptée en 1994 - sont encore plus notables. [...]
[...] Ainsi, la communauté internationale n'a pas d'organisation. Plus exactement, on pourrait soutenir qu'elle a des formes d'organisation qui sont sectorielles (c'est-à-dire qui ne concernent qu'un domaine d'action particulier) et qui sont approximatives (c'est-à-dire qu'elles ne reflètent l'humanité que de manière imparfaite). Conclusion La communauté internationale actuellement, des expressions partielles et contestables : - partielles, parce qu'aucune structure ne peut prétendre agir au nom de la communauté internationale, le cas échéant contre les États dans tous les domaines des activités humaines. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture