Cet ouvrage reflète bien la pensée d'Aron dans le sens où elle se situe dans le courant réaliste mais en posant des réserves sur certaines idées de Morgenthau : ainsi est-il question du concept de puissance à propos duquel Aron critique le manque de précision de Morgenthau à son sujet. Plus largement Aron cherche à s'éloigner de l'idée de "balance of power" énoncée par son collègue américain : selon Aron, les acteurs en politique internationale ne suivent pas forcément une attitude rationnelle; pour lui, les relations inter étatiques ne sont que le fruit de conflits. Toute la problématique est de savoir ce qu'est réellement la puissance et de comprendre comment les acteurs étatiques jouent leur rôle dans ce système façonné par eux-mêmes
[...] Toutefois on peut deviner dans Paix et Guerre entre les Nations une tentative de penser les relations internationales comme un système hiérarchique d'États, non régulé mais connaissant un certain nombre de règles. II. En effet, les Etats sont des entités souveraines, et rien n'est au dessus d'eux : en ce sens on peut supposer que dans la conception aronienne des relations internationales, ces relations sont totalement anarchiques, contrairement aux relations internes d'une société. La politique internationale est un "jeu" au sens propre du terme puisqu'il s'agit de luttes d'influences, de "bluff"(terme qu'Aron utilise lui-même pour décrire l'attitude d'Hitler dans les négociations internationales jusqu'en 1939) et de stratégies, pour se placer au mieux auprès des autres acteurs et obtenir un maximum de gains en un minimum d'efforts. [...]
[...] En effet Aron écrit en pleine Guerre Froide, au moment où les tensions sont les plus vives (Paix et Guerre entre les Nations paraît en 1962) et où le jeu des alliances est le plus respecté. Le monde est marqué par la bipolarité avec une hiérarchie des puissances relativement claire. Toutefois on peut reprocher à Raymond Aron, et à tous les réalistes de manière générale, de refuser de voir le système dans son ensemble, de comprendre que le système agit aussi sur les acteurs, qu'à tout le moins il façonne les acteurs autant qu'il est façonné par eux. [...]
[...] De plus "il garde le dernier mot en une discussion qui concerne ses intérêts propres parce qu'il accule le Grand à l'alternative de la concession ou de l'emploi de la force", par cette affirmation Aron met un sérieux bémol à la conception que les Etats sont des entités parfaitement souveraines, elles ont leurs limites et tout franchissement de ces limites peut être sanctionné. L'exemple de De Gaulle face aux Anglais et aux Américains est assez flagrant et pertinent pour cette affirmation d'Aron : en effet De Gaulle n'avait pas les ressources réelles pour négocier avec les futurs vainqueurs, toutefois, il pouvait négocier son alliance et menacer de ne pas les soutenir à la fin de la guerre, c'est ce qui lui a permis d'obtenir une grande partie de ses requêtes, "les Français libres installés à Saint- Pierre-et-Miquelon symbolisant leur patrie occupée par l'ennemi commun" il fallait que les Français adhèrent aux options prises par les Américains. [...]
[...] Ces deux problématiques sont les principaux thèmes dans l'extrait présenté qui arrive en conclusion de son chapitre sur les rapports de puissance dans son livre. I. La question de la puissance est, chez Aron, primordiale pour expliquer les relations entre les États, ceux-ci se déterminent suivant leur capacité à imposer leur volonté à un autre acteur. C'est en effet la définition weberienne de puissance qui prévaut pour les relations entre acteurs étatiques et c'est cette définition qui inspire Aron pour critiquer ouvertement le concept de Morgenthau. [...]
[...] C'est ainsi que l'on peut comprendre la diplomatie entre États d'une même alliance : "dès lors que le supérieur ne peut employer la force militaire, il doit user de moyens de pression, indirects et maintes fois inefficaces, ou bien de procédés de persuasion". Il en va de même pour l'exemple du Reich sous Bismarck qui "craignait un accroissement massif des forces du Reich" car à moins d'être tout puissant et donc d'être un empire un État très fort attire vers lui toutes les méfiances car il peut avoir des prétentions à l'hégémonie. [...]
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