Le droit d'ingérence va mal. C'est un constat auquel l'examen des mécanismes actuels d'ingérence ne peut qu'aboutir. Des logiques éminemment contradictoires agitent depuis les trois dernières décennies la communauté internationale, et participent de la désaffection contemporaine du droit d'ingérence. Concept en vogue dans les années 1980, dans la lignée d'interventions spectaculaires, le droit d'ingérence va connaître une théorisation effective, notamment par le Professeur Mario Bettati, qui définit le droit d'ingérence comme « l'immixtion sans titre d'un Etat ou d'une organisation intergouvernementale dans les affaires qui relèvent de la compétence exclusive d'un Etat tiers ». On perçoit bien ici les contradictions inhérentes à l'affirmation d'un droit d'ingérence dans un monde international démocratique : si les Etats sont souverains et égaux, comment l'un possèderait-il une quelconque légitimité pour agir sur l'autre ? Selon quels critères ? L'ingérant se présente toujours comme le défenseur des valeurs supérieurs d'une communauté dont il est le leader légitime ; il porte la vérité dans son référentiel, et se croit investi d'une mission messianique. Or l'ordre international est perçu comme un ordre extérieur, imposé par les puissances du Conseil de Sécurité et en particulier les Etats-Unis : il n'est pas intériorisé par les acteurs, sinon les moyens de coercition n'apparaîtrait que pour régler le sort des désaxés, des marginaux, comme dans l'ordre social d'un Etat de droit démocratique. Comment peut-on alors faire de l'ordre international un ordre intérieur, un monde d'ingérences consenties ? Comment peut-on institutionnaliser le droit d'ingérence ? C'est en dressant le bilan du droit d'ingérence en 2008 que nous verrons l'étendue de la maladie dont souffre le droit d'ingérence (I) ; et c'est seulement alors que nous pourrons élaborer des hypothèses pour relancer le droit d'ingérence et lui rendre son avenir (II).
[...] Pour déterminer s'il doit autoriser ou approuver l'usage de la force militaire, le Conseil de sécurité devrait toujours examiner, quelles que soient les autres considérations dont il puisse tenir compte, au moins les cinq critères fondamentaux de légitimité suivants : Gravité de la menace. La nature, la réalité et la gravité de la menace d'atteinte à la sécurité de l'État ou des personnes justifient-elles de prime abord l'usage de la force militaire? En cas de menaces intérieures, y a-t-il un risque de génocide et autres massacres, de nettoyage ethnique ou de violations graves du droit international humanitaire, effectifs ou imminents? Légitimité du motif. [...]
[...] L'avenir du droit d'ingérence : comment établir un droit d'ingérence efficace, clair et acceptable ? La crise que traverse le droit d'ingérence en début de XXIe siècle n'appelle certainement pas l'abandon de toute tentative d'encadrement juridique de ce droit : au regard d'une expérience riche d'enseignements et pourtant discrète en Albanie, il faut d'abord considérer le rapport du Comité des Sages de 2005 et les résultats du sommet du millénaire avant de nous essayer à l'élaboration de plusieurs scénarios envisageant l'institutionnalisation et la régulation du droit d'ingérence A. [...]
[...] Toute réforme majeure du dispositif actuel apparaît aujourd'hui pourtant exclue. En particulier, il est essentiel de nous intéresser à la question de la réforme du Conseil de Sécurité : on le sait, le Conseil de Sécurité désigne en réalité ceux qui apprécient toute violation de la paix mondiale et donc détiennent le pouvoir de recours aux dispositions du chapitre VII de la Charte. Si la large communauté des Etats du sud, notamment le G77, pouvait enfin accepter l'autorité d'un Conseil réformé comme légitime et représentative de la situation mondiale, sans doute le Conseil de Sécurité serait-il apte à encadrer le droit d'ingérence. [...]
[...] Le déploiement aurait pris trois ou quatre mois, et vous pouvez imaginer ce qui se serait passé au sol N'est- ce pas là un grave aveu d'impuissance et d'inadaptation des Nations Unies, ou faut-il seulement y voir une preuve de pragmatisme de la part de l'organisation mondiale ? On serait tenté de voir en l'Opération Alba une solution miracle à la problématique du droit d'ingérence dans les années 2000. Néanmoins, il faut admettre que la solution des coalitions volontaires n'écarte pas le risque de volonté de leadership régional, ainsi que la question du partage du fardeau. Il est clairement plus souhaitable et efficient que les interventions soient institutionnelles. [...]
[...] Autrement dit, la communauté internationale est confrontée à des crimes d'une telle gravité qu'elle peut les condamner comme menaces à la paix mondiale. Mais, derrière ces succès, des échecs brutaux vont traumatiser les acteurs Etatiques susceptibles de recourir au droit d'ingérence au travers des organisations internationales : d'abord l'échec des différentes missions ONUSOM en Somalie, et notamment les images dévastatrices des body bags contenant les corps de l'élite de l'armée américaine (75es Rangers et Delta Force), impuissants à arrêter le Général Aidid. [...]
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