L'Inde est assurément une grande puissance. Mais comment peut-on apprécier la réalité de cette puissance ? La notion de puissance, selon Serge Sur, renvoie à la « capacité de maîtriser ses propres affaires sans ingérence extérieure », mais aussi «d'influencer celle des autres, par l'exemple ou par la pression, et enfin de peser sur les questions internationales en les posant et en leur apportant une solution ». Au regard de cette définition, l'Inde, au moins depuis 1947, s'est effectivement construite politiquement et économiquement dans un souci d'indépendance digne d'une puissance. Que ce soit à travers la célèbre politique des « non-alignés » ou du protectionnisme économique que le pays a instauré pendant la dynastie Nehru, l'Inde a cherché à s'affranchir d'une bipolarisation du monde. Malgré cette prise d'indépendance, l'Inde est restée frustrée d'un pouvoir d'influence limité, contesté notamment par des querelles de voisinages pas complètement résolues aujourd'hui. A l'heure de la mondialisation l'Inde s'est ouverte au reste du monde en rompant avec une politique de fermeture qui lui garantissait son autonomie, et cherche davantage à devenir un acteur incontournable du jeu économique et politique. Quels sont les ressorts d'une telle conversion dans un contexte international, à la fois dominé par les Etats-Unis et en pleine concurrence avec d'autres acteurs émergents ? Dans le même temps, l'Inde peut-elle s'affranchir de son statut de « grande puissance de 430 millions de pauvres » (M-C. Smouts) ?
Les approches indiennes de la puissance en Inde se sont renouvelées depuis le début des années 90. Si l'Inde cherche à organiser sa puissance en s'appuyant notamment sur de nouveaux atouts économiques (I), elle doit faire face au poids de la tradition, de la pauvreté et à un contexte international hégémonique (II).
[...] La nouvelle stratégie indienne prenant compte de la transformation de la scène internationale, se caractérise par son ouverture. Ouverture à l'égard de la Chine, de l'Union Européenne en matière commerciale, de la Russie dans une moindre mesure puisque celle-ci ne suscite plus grand intérêt pour l'Inde, ou encore d'Israël, premier vendeur d'armes à l'Inde. Mais c'est essentiellement à l'égard des Etats-Unis que le rapprochement est le plus significatif. Malgré les essais nucléaires de 1998 et le refus de signer les traités de non prolifération, l'Inde a réussi à nouer un partenariat privilégié avec la superpuissance américaine en lui garantissant la retenue dans l'usage du nucléaire militaire. [...]
[...] Les conséquences économiques et politiques des inégalités croissantes sont majeures. Outre le ralentissement probable de la demande intérieure, elles se traduisent aussi par des divergences d'intérêt et de position sur les réformes ou l'ouverture, entre les États les plus riches et les plus pauvres, ces derniers étant les plus représentés au Parlement du fait de leur poids démographique. Le thème de la dernière campagne législative en faveur d'une croissance pour tous, devenu enjeu majeur de la vie politique indienne, a ainsi permis la victoire en avril 2004 d'une coalition entre la gauche et le parti du Congrès. [...]
[...] En outre le soutien affiché des Etats-Unis à l'égard d'Islamabad comme partenaire contre le terrorisme, a renforcé le frère-ennemi pakistanais. Autre limite à la coopération, cette fois à l'égard des Etats-Unis, fut le conflit irakien de 2003, auquel l'Inde a fini par timidement refuser de participer. Ce dernier exemple illustrerait une stratégie indienne ambiguë, parfois difficilement tenable à l'égard de son nouvel allié. L'équivoque sur la multipolarité : l'Inde pro-américaine ? Le rapprochement Inde-Etats-Unis est une donnée nouvelle du changement de paradigme de la stratégie indienne. [...]
[...] L'Inde se voit désormais aux cotés des Etats-Unis et de la Chine dans un contexte international multipolaire. A court et moyen terme, l'Inde est prête à renforcer son partenariat avec les Etats-Unis et parallèlement, à normaliser ses rapports avec sa rivale chinoise, pour développer sa puissance. En investissant dans une intégration offensive dans la mondialisation économique, l'Inde fait le pari d'une modernisation rapide de son économie et de ses structures sociales comme condition d'une puissance en devenir. Reste maintenant à tenir des objectifs ambitieux, qui ne seront possibles que par l'adhésion d'une société d'un milliard d'individus, plurielle et vieille de 2500 ans. [...]
[...] Les raisons sont profondes et laissent même présager une intensification de la relation entre les deux géants. Les manifestations de sympathie voire de soumission du partenaire indien ont été frappantes ces dernières années, à l'instar de l'intégration de l'Inde en mai 2002 au bouclier américain anti-missiles. Tout d'abord, les deux pays doivent faire face aux mêmes types de menaces, à savoir la lutte contre le terrorisme. L'automne 2001 a ainsi été marqué par les attaques du 11 septembre aux Etats-Unis et l'attentat du 13 décembre en Inde, attentats tout deux imputés au terrorisme islamiste issu du Pakistan et d'Afghanistan. [...]
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