L'articulation de théories du développement international a, depuis les années 1970, révélé l'importance de l'intégration des femmes à tous les niveaux. Longtemps ignorés, leurs rôles économiques s'ajoutent souvent à des responsabilités sociales et familiales, exacerbant ainsi une charge de travail déjà considérable tout en reproduisant les relations parfois inégales entre les genres. (Pettman 2001, 675) La compréhension de ces conditions a permis une évolution à l'intérieur du domaine de l'aide internationale, mais qui ne se transpose toutefois que lentement au sein de la discipline des relations internationales. Alors que la première vague de féminisme a légitimé une certaine égalité des femmes à l'intérieur de la société, une importante hésitation subsiste quant à l'intégration des approches féministes dans le domaine des RI. Se pose alors la question de la pertinence d'une telle approche. Dans quelle mesure la critique féministe offre-t-elle une nouvelle perspective dans la compréhension des relations internationales ?
[...] Il ne s'agit donc pas, selon les féministes, d'une donnée ontologique, incontestable et irréversible tel que le prétendent plusieurs approches théoriques des relations internationales, mais plutôt d'une construction sociale qui se reproduirait en fonction de discours fortement dominés par une épistémologie androcentrique (Peterson 1992, 2). Dès lors, la démarche épistémologique employée par les féministes va à l'encontre du mainstream traditionnel, remettant ainsi en question les faux universalismes, se détachant d'une perspective stato-centrée et refusant même le conservatisme qui caractérise les relations internationales. [...]
[...] La critique féministe reste sceptique quant à la possibilité de fonder une telle connaissance universelle et objective car cette dernière est socialement construite, à travers un langage qui véhicule des principes masculinisés. De plus, cette approche critique la perspective réaliste du concept d'intérêt définit en terme de pouvoir qui induit un ordre rationnel en politique et doit préserver l'homme des excès politiques. Au pouvoir comme contrôle de l'homme sur l'homme, les féministes préfèrent y voir la capacité humaine d'agir conjointement et en coopération avec d'autres acteurs partageant des intérêts similaires (Tickner 1988, 22). [...]
[...] (Tickner, 621) L'approche féministe définit toutefois la sécurité comme ayant une dimension plus inclusive que la simple recherche de la paix ; elle se comprend comme étant la diminution de toutes formes de violence, y compris physique, structurelle et écologique. (Tickner 1997, 624) La sécurité pour et par les femmes s'articule également au niveau d'enjeux économiques et sociaux à l'échelle domestique plutôt qu'interétatique. D'un côté, les structures patriarcales reproduites dans plusieurs sociétés renforcent la naturalisation du travail démarchandé des femmes, amplifiant ainsi leur dépendance, voire leur insécurité. (Tickner 1997, 627-628) D'autre part, pour une importante portion de la population, la sécurité nationale concerne autant la satisfaction de certains besoins fondamentaux que la présence de menaces militaires. [...]
[...] En démontrant l'existence d'expériences féminines traditionnellement oubliées, de relations sociales de genre à la base de relations internationales de pouvoir, les approches féministes ouvrent ainsi le terrain à des débats qui ne pourraient avoir lieu autrement, ces enjeux et concepts étant laissés de côté par la doctrine conventionnelle Une critique essentiellement épistémologique Au-delà de l'introduction dans la discipline des relations internationales de concepts et d'enjeux conventionnellement laissés à l'écart, l'approche critique féministe entend également questionner l'épistémologie même des théories conventionnelles. Il est possible de relever deux acceptions fondamentales à cette approche en relations internationales. Tout d'abord, les analyses féministes soulignent le fait que le système international est un système principalement fondé et organisé selon les principes du patriarcat. [...]
[...] Ainsi, l'approche critique féministe en relation internationale souligne-t-elle la nécessité de repenser un monde dominé par une perspective typiquement masculine au travers un processus de redéfinition des concepts masculinisés. Outre sa contribution à l'étude de la discipline par la déconstruction/reconstruction des représentations de l'État, du citoyen, de la guerre ou de la sécurité, le féminisme est à la base d'une épistémologie inclusive et humaniste. Contrairement aux vagues féministes précédentes, l'approche féministe en relations internationales va au-delà d'un objectif d'intégration des études sur les femmes à l'intérieur des domaines et des sujets de recherche traditionnellement androcentriques, mais vise plutôt la création de nouvelles préoccupations. [...]
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