Au travers d'une réflexion thématique, inscrite dans une progression chronologique couvrant la période 1945-2003, il conviendra ainsi de préciser dans un premier temps les fondements de l'antiaméricanisme du second vingtième siècle: issues de la bipolarisation et de la dialectique « libérateurs, envahisseurs », les premières manifestations de l'antiaméricanisme, souvent anecdotiques, restent réservées aux couches les plus mobilisées (communistes en tête) des sociétés européennes de l'époque...
[...] Mais c'est justement sur un contentieux colonial, l'affaire de Suez, qu'achoppe le rapprochement définitif des opinions européennes et américaines. Conscientes de leur humiliation, cet évènement va électrifier les chancelleries françaises et anglaises et provoquer une vague d'antiaméricanisme sans précédent en Europe. II) De 1956 à 1989, l'anti-américanisme de guerre froide procède des divisions internes du bloc libéral A. Les dissensions entre l'Europe et les Etats-Unis 1. L'antiaméricanisme colonial En 1956, en pleine décolonisation, la France et le Royaume-Uni sont confrontés à un nouvel affront international. [...]
[...] Le théâtre, la littérature ou la politique stigmatisèrent ainsi durant plus de deux siècles «l'instinct brut, les passions pécuniaires» ou «l'esprit d'abstraction, de conformisme» (Louis de Bonald), posant alors les jalons de stéréotypes qui demeurent encore profondément ancrés dont l'imaginaire européen. Ces représentations biaisées touchent aux dissemblances entre le «vieux continent» et les Etats-Unis. Culte du standard et du matérialisme face au luxe élitaire de la culture européenne, démocratie libérale contre démocratie sociale, realpolitik et concert des nations, tous ces clivages se creusent à mesure que «l'aigle déploie ses ailes» (André Kaspi), c'est à dire au gré des manifestations d'une puissance toujours croissante des Etats-Unis sur l'Europe. C'est dans cette acception qu'il faut saisir le terme antiaméricanisme. [...]
[...] L'analyse de Nye peut expliquer la dénonciation de la mondialisation en tant qu'américanisation du monde par le fait que les Etats-Unis ont su imposer leur mode de coopération interne dans les grandes organisations internationales telles que le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) puis l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce). Les relations internes américaines ont été extériorisées (Janet Finkelstein) et servent de mode de coordination au niveau international. Cela est particulièrement vrai dans le fonctionnement des grandes firmes multinationales dont un nombre important est de nationalité américaine. [...]
[...] La Guerre froide entraîne en effet une inexorable bipolarisation. Le nationalisme français s'y refuse, du moins il souhaite en limiter les effets. Le Général de Gaulle apparaît comme le sauveur d'un pays sur le déclin, défendant une certaine idée de la France à nouveau indépendante et universaliste. A ce titre, l'URSS semble éminemment moins dangereuse car la France ne risque pas de tomber sous sa dépendance. Bien que le Général souhaite mener une politique de grandeur indépendante des blocs, celle- ci va s'opposer en fait au patronage américain. [...]
[...] L'antiaméricanisme gaulliste joue sur le sentiment de dépendance envers les Etats-Unis; ainsi Auriol déclare : ils nous donnent de l'argent, et nous payons en parts d'indépendance La droite se méfie des Américains pour leurs prétentions anti-colonialistes, et n'accepte l'atlantisme que par anti-communisme. La politique de de Gaulle revient alors à instrumentaliser cette base de ressentiments dans un but politique. Dans ses discours apparaissent des thèmes récurrents : il dénonce l'impérialisme américain, leur arrogance leur inexpérience l'écart entre leurs valeurs démocratiques et leur politique réelle. Cependant si ce discours peut sembler ostentatoire, il n'en est pas moins modéré. Car l'antiaméricanisme du Général constitue avant tout un moyen d'action psychologique, et non une fin en soi. [...]
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