Le processus d'affirmation des relations internationales en tant que science sociale s'est effectué de manière heurtée et problématique tout au long du 20ème siècle. Comme le rappelle Dario Battistela, la démarche de l'internationaliste, comme de tout scientifique, a en effet été confrontée à deux types de problèmes: l'identification de son objet d'étude et celle de la démarche scientifique à adopter.
La spécificité de l'objet des relations internationales s'est révélée par une double autonomisation de la discipline: vis-à-vis des autres sciences sociales et vis-à-vis des praticiens de la politique. Le moment fondateur des relations internationales a ainsi consisté en une rupture, en un processus de différenciation entre l'individuel et le collectif, entre l'individu et l'Etat, entre la face interne et la face externe de l'Etat. Si comme la science politique, les relations internationales traitent de l'Etat elles s'en distinguent en regardant leur objet dans ses actions à l'égard de l'extérieur -qu'il ait pour cela recours au répertoire de la guerre (le soldat) ou à celui des alliances (le diplomate)-. Face au caractère inégalitaire de la configuration étatique interne, l'espace de l'international se présenterait comme une scène par essence égalitaire. A l'intérieur de ses frontières, l'Etat a toujours le dernier mot dans l'usage de la force dans la mesure où il monopolise des moyens de violence producteurs d'obéissance. Par opposition, en l'absence de monopole de la force à l'échelle de la planète, l'international procède de relations horizontales.
La définition de son objet d'étude en terme négatif rend pourtant hautement problématique l'existence d'une science des relations internationales. En effet, l'objet des relations internationales n'apparaît pas spontanément à l'observateur. Il est donc nécessairement construit, appartenant, selon l'expression de Popper, au « troisième monde ». Considérant que la complexité du réel condamne par avance tout effort de conceptualisation, l'historien Jean-Baptiste n'hésitera pas à dénoncer la théorie en relations internationales comme un « rideau de fumée », destiné à des « sous-lyssenko » ou des « naïfs et des gogos ». Partant de la difficulté de dissocier variables internes et externes, l'auteur de Paix et Guerre entre les nations avait d'ailleurs auparavant admis qu'« il ne peut y avoir de théorie pure des relations internationales » et que « toute étude concrète des relations internationales -ne peut qu'être- une étude sociologique ». Faisant écho à cette profession de foi de Raymond Aron, la dimension sociologique de la discipline s'est ainsi affirmée, tout au long du XXème siècle, avec une pertinence croissante : Saisir les relations internationales dans leur complexité implique en effet de ne pas concentrer son regard sur les confrontations entre Etats mais d'appréhender « les réalités internationales comme réalités sociales tant au niveau micro des acteurs qu'au niveau macro des ensembles qu'ils composent ».
Les relations internationales se présentent comme une tension entre le relativisme culturaliste et une doctrine politique universaliste; tension qu'elles ont pour mission de résoudre par la construction de ponts entre les disciplines et entre les faces interne et externe de l'action politique. Dès lors que leur aspiration à l'universalité scientifique ne peut être fondée que sur une analyse minutieuse des particularités de chacun, l'analyse comparée apparaîtrait alors comme un outil précieux de l'internationaliste qui devra cependant en user avec rigueur et esprit critique.
L'intégration de l'analyse comparée aux relations internationales soulève en effet deux types d'obstacles d'ordre théorique et méthodologique. Afin de les mettre en lumière et de dessiner les perspectives d'association entre la méthode comparative et les relations internationales en tant que discipline, nous procéderons en plusieurs temps. Il s'agira tout d'abord d'analyser les évolutions de l'analyse comparée dans son double mécanisme de déconstruction et de reconstruction afin d'aborder, dans un second temps, le problème de la comparabilité d'objets non-circonscrits (temporellement et/ou historiquement).
[...] K., Eléments de théorie et de méthode sociologique, Paris, Plon p Pour davantage de précisions sur ces auteurs, voir BADIE, B., Le développement politique, Paris, Economica Voir par exemple les travaux de Harold Wilensky sur la convergence de développement des pays développés à économie de marché : WILENSKY, H., The Welfare State and Equality, Berkeley, University of California Press Hugues, E. C., op. cit. Ryle, G., The thinking of thoughts, What is Le penseur doing ? in Collected Papers, t. II Geertz, C., Savoir local, savoir global. [...]
[...] Les déplacements de la construction d'objets comparatifs et matière de politiques publiques in Revue Française de Science Politique, vol pp ibid, p.119 CROZIER, Michel et FRIEDBERG, Erhard, L'acteur et le système. Les contraintes de l'action collective, Paris, Seuil TILLY, C., Big Structures. Large Processes, Huges comparisons, New York, Russel Sage Foundation BOUDON, R., La place du désordre, PUF, Paris p ibid p.18 ibid p.31 Mc MICHAEL, P., Repenser l'analyse comparative dans un contexte post- développementaliste in Revue Internationale des Sciences Sociales, pp. [...]
[...] 1-4 BATTISTELA, D., Théorie des relations internationales, Presses de Sciences-Po p FERGUSON, Y., MANSBACH, R., The Elusive Quest. Theory and International Relations, Columbia, Univesity of South Carolina p. 111-112 POPPER, K., La connaissance objective, Paris, PUF Duroselle, J. B., La Nature des Relations Internationales in Politique internationale, aut p ARON, R., Qu'est-ce qu'une théorie des relations internationales ? in Revue Française de Science Politique Octobre 1967, p. 837-861 ARON, R., Qu'est-ce qu'une théorie des relations internationales ? [...]
[...] L'analyse comparée contre les relations internationales ? L'aventure sociologique implique le voyage, l'ingestion de nourritures bizarres, la pratique de langues étrangères, la tolérance d'idées singulières, et cette autre aventure qui consiste en la recherche d'instruments et de méthodes appropriées au problème Everett C. Hughes[1] Le processus d'affirmation des relations internationales en tant que science sociale s'est effectué de manière heurtée et problématique tout au long du 20ème siècle. Comme le rappelle Dario Battistela, la démarche de l'internationaliste, comme de tout scientifique, a en effet été confrontée à deux types de problèmes : l'identification de son objet d'étude et celle de la démarche scientifique à adopter[2]. [...]
[...] Les chemins politiques de tel ou tel Etat ne dessinent pas de droites qui convergeraient toutes dans une grille explicative unique. L'internationaliste ne peut pour autant conclure en l'étanchéité des cultures ou nier qu'au fur et à mesure où les relations internationales débordent du cadre stato-territorial, les histoires se mêlent les unes aux autres. Le transnational à l'épreuve de la comparaison Le développement de relations et d'acteurs transnationaux et/ou non- étatiques renforce la nécessité d'une sociologie d'ordre compréhensive des relations internationales. [...]
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