Sur la page d'accueil du site internet de L'Arche de Zoé, petite association humanitaire à but non lucratif dédiée aux enfants orphelins, formée d'une cinquantaine de bénévoles, on peut lire en gros titre : « Massacre au Darfour, L'Arche de Zoé lance un cri d'alarme : Il faut sauver les enfants du Darfour pendant qu'il est encore temps, dans quelques mois ils seront morts ! ».
Sur son site internet, l'association dénonce ainsi avec véhémence la communauté internationale, sa passivité, son manque d'action et de mobilisation dans le conflit du Darfour.
(...)
Ainsi, c'est une affaire extrêmement complexe, dans laquelle de nombreuses zones d'ombres restent à élucider, que nous allons étudier. Il s'agit de se demander si l'affaire de L'Arche de Zoé est symptomatique d'un malaise et de failles au sein du «système » humanitaire ou si elle reste une dérive unique.
Dans un premier temps, nous observerons, les faits, le contexte et les divers acteurs de cette affaire. Nous verrons, dans un second temps que l'affaire de L'Arche de Zoé s'apparente à une véritable « sac de nœud » politico-humanitaire. Et dans un troisième temps, nous tenterons de comprendre dans quelles mesures cette affaire est révélatrice de failles au sein du système humanitaire et d'une certaine représentation de l'Afrique.
[...] Ainsi, les représentations prennent en quelque sorte le pas sur la réalité. Et, Michel Levallois, des ONG Enda Tiers Monde et coordination pour l'Afrique de demain, présent à la conférence organisée par Médecins du Monde du 19 décembre 2007 sur ce thème affirme que l'affaire de l'Arche de Zoé est emblématique du problème des représentations en Europe de l'Afrique En effet, il semble que cette affaire n'aurait pas pu avoir lieu en Asie ou en Amérique latine. Le sentiment de supériorité, de toute puissance hérité de l'histoire coloniale de la France est symptomatique d'une certaine représentation de l'Afrique subsaharienne, le projet de L'Arche de Zoé s'est sans doute construit à partir de cette idée. [...]
[...] Les gouvernants étaient-ils au courant de cette opération ? Comment ont-ils réagi face au véritable scandale provoqué par cette histoire ? Rama Yade, secrétaire d'Etat aux droits de l'homme était au courant de cette opération et avait elle-même appelé le 3 août l'association à la plus grande vigilance De plus, notons qu'elle dénonce une action illégale du point de vue du droit et irresponsable du point de vue de la morale Elle a rappelé que la France avait fortement déconseillé à l'association de procéder à cette opération, rappelant que la justice avait été saisie : On a fait tout ce qu'on a pu faire pour interdire, pour empêcher cette opération, ils l'ont mené de manière clandestine, sans avoir prévenu personne, c'est-à-dire sans l'aval des autorités françaises On observe également de nombreuses mises en gardes de la part du Quai d'Orsay. [...]
[...] Les six Français membres de l'association, trois Tchadiens et un Soudanais seront jugés le 21 décembre 2007 devant la Cour criminelle de N'Djamena. Ils encourent des peines de cinq à vingt ans de travaux forcés pour avoir tenté de transporter cent trois enfants du Tchad vers la France. II. Une crise politico-humanitaire Le premier problème est celui de la probable adoption par des familles françaises de ces enfants. Il faut savoir que de nombreuses ONG pratiquent l'adoption internationale, comme Médecins du Monde par exemple mais ceux-ci affirment que ce procédé ne peut se faire dans l'urgence. [...]
[...] En effet, ces familles passant outre le système légal d'adoption n'ont par là aucune aptitude prouvée à l'adoption d'un enfant (elles n'ont pas été évaluées par les services sociaux). Leurs situations respectives n'ont pas été examinées en détail, mais il est possible que certaines d'entre elles se soient vues refuser demande d'adoption par les services sociaux. De plus, fait plus important, il semblerait que les enfants ne viennent pas tous du Tchad et ne soient pas tous orphelins. En effet, le 1er novembre 2007, une enquête menée par des ONG conclut que quatre-vingt-cinq des cent trois enfants "proviennent de villages de la région frontalière entre le Tchad et le Soudan, situés dans les zones d'Adré et Tiné" [localités frontalières distantes de 200 km l'une de l'autre]. [...]
[...] L'Arche de Zoé appelle au bon cœur, au bon sens et à la sensibilité, en affirmant Nous pouvons ensemble sauver les enfants du Darfour en les accueillant dans nos pays en paix Cette mise en accusation de la communauté internationale exprimée sur un ton très militant mais surtout dans un lyrisme aigu démontre peut-être le manque de sérieux et de professionnalisme de cette association humanitaire. D'autre part, ce discours alarmiste, ce tableau victimaire de l'Afrique véhiculé par d'autres organisations humanitaires n'est-il pas révélateur de certaines représentations qui persistent en France à propos du continent noir, d'un discours et d'une image de cette région du monde qui peuvent conduire à des actions quelque peu délirantes ? L'opération lancée en juin qui prévoyait au départ l'évacuation de dix mille enfants orphelins affectés par la guerre civile du Darfour se met en place en septembre 2007. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture