La question turque revient sans cesse dans le débat politique, dès que l'on évoque l'avenir de l'Europe. La Turquie, dont une toute petite partie seulement, la Roumélie, appartient au continent européen, constitue un enjeu particulier pour l'identité européenne. Bien que les liens historiques avec le reste de l'Europe soient relativement forts, la question de la culture, et en particulier de la religion, constitue pour certains un élément de divergence indépassable entre la Turquie et le reste de l'Europe. L'absence de limites géographiques claires au projet européen ne permet pas de trancher ce débat, ouvert depuis que la Turquie s'est associée au projet européen, avec l'accord d'Ankara, qui évoque dès 1963 la perspective d'une adhésion.
Depuis, les avancées concrètes en la matière ont été peu nombreuses. La Turquie a officiellement déposé sa candidature en 1987. Après un avis négatif de la Commission sur l'ouverture de négociations d'adhésion, est devient en 1992 membre associé de l'Union de l'Europe occidentale, organisation de sécurité et de défense. En 1995, elle signe un accord avec l'Union douanière. Ce n'est que le 18 décembre 2004 que s'ouvrent finalement les négociations d'adhésion, non sans des précautions particulières, sur recommandation de la Commission. Depuis, le processus de négociations est fortement ralenti par un grand nombre de divergences, notamment sur la question chypriote. Le retard de la Turquie en matière de droits de l'homme et de développement économique ne laisse pas non plus envisager l'adhésion avant une dizaine d'années.
Pour les Turcs, cette attente devient difficilement supportable. Du côté européen, l'absence de prise de position claire sur la question turque s'explique par la multiplicité des enjeux liés à une telle adhésion : un marché à fort potentiel mais pour l'instant encore insuffisamment développé - et donc très coûteux, une ouverture stratégique sur le Moyen-Orient, qui expose en même temps à davantage de risques en matière de sécurité, etc. La complexité de chacune de ces problématiques, associée aux réticences d'une grande partie de l'opinion publique, rend le dossier particulièrement sensible et presque impossible à régler à court terme.
[...] La situation géopolitique de la Turquie pourrait permettre de replacer l'UE au cœur des relations stratégiques dans la région. La situation géographique de la Turquie constitue une formidable porte d'entrée sur le Proche et le Moyen-Orient, deux régions stratégiques, bien qu'instables. En intégrant la Turquie dans l'Union européenne, celle-ci devrait désormais gérer des frontières avec l'Irak, l'Iran, ou encore la Syrie. Ces pays non-démocratiques, instables, voire en guerre peuvent apparaître comme une menace pour la sécurité européenne et font craindre une l'apparition de tensions voire de conflits en périphérie de l'Union. [...]
[...] Les Turcs sont en effet convaincus que les Européens se montrent plus exigeants à leur égard qu'envers d'autres pays candidats. Enfin, dans un contexte budgétaire tendu et contraint par l'adhésion récente de 12 nouveaux membres, les Turcs savent qu'ils ne bénéficieront pas d'autant de fonds que de grands Etats comme la Pologne, avant son adhésion. Ils réévaluent donc les bénéfices à attendre de ce processus long et exigent, qui met à l'épreuve leur patience et leur bonne volonté. II - Face à cette situation de blocage, il convient d'envisager des alternatives à l'adhésion. [...]
[...] Malgré le potentiel économique et stratégique de la Turquie, l'adhésion ne semble pas envisageable avant au moins une dizaine années, au vu des retards constatés en matière de respect des droits de l'homme et de développement économique. La Turquie a déjà consenti à des efforts sur le plan de la protection des droits humains, en signant en 2005 le Protocole de l'ONU contre la torture, ou en abolissant la peine de mort en 2004. Amnesty International souligne toutefois la persistance de dérive, notamment en matière de torture, où beaucoup de plaintes restent classées sans suite[5] ou, plus récemment, de discrimination contre les homosexuels[6]. [...]
[...] Toutefois des personnes interrogées craignent de forts mouvements de migrations vers les pays les plus développés de l'UE et 61% d'entre eux évoquent des différences culturelles indépassables. Ce constat est d'autant plus préoccupant que la question suscite de vives polémiques et amènent les responsables politiques à prendre clairement parti sur le sujet, notamment dans le cadre de campagnes électorales. C'est ainsi qu'en 2007, le Non à la Turquie dans l'Europe a constitué une des promesses de campagne de Nicolas Sarkozy. Le débat avait d'ailleurs déjà cristallisé les craintes d'une frange de la population lors du référendum sur le Traité constitutionnel, en 2004. [...]
[...] DORRONSORO, Que veut la Turquie ? : Ambitions et stratégies internationales, Paris : autrement C. KAFYEKE, L'adhésion de la Turquie à l'Union européenne : enjeux et état du débat in Courrier hebdomadaire du Centre de recherche et d'information socio-politiques, n°1933- B. MENELET, Candidature et adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Enjeux et perspectives in Revue des affaires européenne, 2007-2008 M. PATTON, AKP reform fatigue in Turkey: what has happened to the EU process? in Mediterranean Politics, vol novembre 2007 C. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture