Le 25 janvier 1962, le président américain John F. Kennedy prononce devant le Congrès des États-Unis un discours dans lequel il demande aux deux chambres réunies une extension de ses pouvoirs dans le cadre des négociations avec la CEE sur le commerce international.
Ce texte est un prolongement de son discours sur l'état de l'Union du 11 janvier 1962 dans lequel il avait présenté son programme pour l'année à venir, et qui comprenait notamment l'ouverture vers le Marché Commun européen en train de se former de l'autre côté de l'Atlantique, mais également l'aide aux pays en voie de développement et la poursuite de la lutte contre l'expansion communiste.
Ces propositions sont faites pour les Etats-Unis dans un contexte de tensions internationales avec l'URSS, alors que la seconde crise de Berlin de 1961 a mené à la construction d'un mur le 13 août 1961, mais également dans un contexte d'affaiblissement de l'économie américaine en raison d'un déficit croissant et d'une balance des paiements déficitaire. Au moins pour ces deux raisons, la construction de l'Europe en cours paraît constituer la solution, aussi bien car l'extension de sa puissance permettra de résister plus efficacement contre l'URSS, mais également car l'Europe constituera alors un Marché favorable aux exportations des Etats-Unis et donc à la relance de leur économie.
Ainsi, en quoi ce discours, plus qu'un programme pour pallier les difficultés économiques des Etats-Unis, illustre-t-il la vision que possède Kennedy de l'Europe et plus généralement le rôle que les Etats-Unis veulent faire jouer à celle-ci dans le grand concert mondial et dans une Association Atlantique ? S'agit-il réellement d'un “partnership” (comme il l'énonce lui-même), ou plutôt d'un “leadership” déguisé ?
[...] C'est l'objectif affiché pour le Trade Expansion Act, déjà évoqué dans le discours sur l'état de l'Union du 11 janvier, et développé dans ce discours sur le commerce (ligne 8). Cette nouvelle loi, d'une durée de cinq ans viserait à remplacer le Reciprocal Trade Act qui arrive à expiration le 30 juin 1962, comme c'est indiqué à la ligne 2. Ce Trade Expansion Act doit se dérouler dans le cadre élaboré par le GATT (Accord Général sur les tarifs douaniers et le commerce) car depuis le 30 octobre 1947, les liens commerciaux entre les Etats-Unis et les 22 autres pays signataires sont régis par cet accord à visée libérale, qui tend, à long terme, à réduire sensiblement les tarifs douaniers afin d'instaurer le libre-échange, et qui illustre particulièrement bien les idées américaines en terme d'échanges et de libéralisme économique. [...]
[...] Dans cette association, Kennedy insiste particulièrement sur la liberté de chaque nation. De la ligne 94 à la ligne 97, il emploie même trois fois le mot en trois lignes : “nations libres”, “libre choix économique”, “hommes libres” [il en est de même dans le texte original en anglais]. S'il insiste sur cette non-contrainte, c'est probablement en raison de la forte réticence notamment française, à l'égard de l'ingérence des Etats-Unis dans la construction européenne. Enfin, ce terme de partnership semble en partie répondre et s'opposer à celui qu'employait le secrétaire d'Etat d'Eisenhower, Christian Herter (1895-1966), qui écrivait en novembre 1960 : Etats-Unis devraient former avec le Marché commun une association commerciale et prendre le leadership dans l'expansion d'une communauté économique du monde libre.” Kennedy ne pose donc plus son pays en meneur, mais sur un pied d'égalité avec ses autres partenaires. [...]
[...] De plus, les déclarations quant au partnership économique dans le discours sur l'état de l'Union se font supposant l'intégration du Royaume mention qui n'apparaît plus dans le discours du 25 janvier. La situation en janvier 1962 est en effet problématique quant à l'adhésion de l'Angleterre, puisque si cette dernière a officiellement déposé sa candidature un an auparavant, le 9 août 1961, De Gaulle y est farouchement opposé. Pourtant, Kennedy estime que la participation de la Grande-Bretagne est une garantie pour empêcher une dérive de l'ensemble des pays européens et pour assurer le maintien d'un lien avec les Etats-Unis, car si l'Angleterre se joignait au Marché commun, elle pourrait largement contrebalancer les politiques françaises et allemandes en empêchant la CEE de devenir un club fermé, tourné vers l'intérieur et protégé par de hautes barrières douanières. [...]
[...] De plus, avec la mort de John Kennedy le 9 novembre 1963, un coup d'arrêt est mis à cette politique car l'administration Johnson abandonne en partie ces projets de “partnership”. Ainsi, si les mots de Kennedy dans ce discours portent loin, il ne faut pas négliger son caractère de plaidoyer destiné à convaincre le Congrès d'étendre ses pouvoirs, et l'on peut donc estimer que ses intentions ne se bornent finalement dans ce discours qu'à ce qu'il réclame explicitement : un nouvel accord commercial. [...]
[...] Toutefois Monnet considérait que cette association devait se faire aussi bien sur le plan économique que politique, or l'aspect politique n'est pas repris dans le discours de Kennedy, en tout cas pas dans une forme concrète. Toutefois, Kennedy, dans son discours, n'exclut pas qu'il ne s'agisse là que d'une étape, comme il le disait déjà dans son discours sur l'état de l'Union : Communauté Atlantique grandit, non comme une montagne volcanique, par une seule gigantesque explosion, mais comme une barrière de corail, par le cumul des activités de tous.” Dans le présent discours, il parle ainsi du “début d'un nouveau chapitre de l'alliance des pays libres” (l. [...]
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