L'ouvrage de Badie co-écrit avec Smouts, intitulé « Le retournement du monde » s'inscrit pleinement dans la lignée des travaux socio-historiques de ce premier sur la place de l'Etat-nation au sein du système international. Dans cette introduction, les deux auteurs remettent en cause, la vision réaliste et néo-réaliste des relations internationales. L'entrée de nouveaux acteurs sur la scène internationale aurait rendu caduque l'image d'une société internationale représentant uniquement les relations interétatiques. A l'aide d'une approche socio-historique, ils vont déconstruire cette idée, afin de montrer, en réalité, que les relations entre Etats souverains n'ont jamais été une norme absolue dans l'histoire des relations internationales. L'apparition de nouveaux acteurs (multinationales, organisations non gouvernementales, flux de populations...), accentués par la modernisation des moyens de communication et de l'information, a permis aux relations transnationales de se développer. Par ce processus, elles seraient venues concurrencer la souveraineté des Etats-nations. Ce phénomène aurait entraîné une remise en cause de la légitimité et de l'allégeance de l'Etat. L'ordre international apparaît de ce fait chaotique et une nécessaire redéfinition de celui-ci, passe par une compréhension de la crise de l'Etat.
[...] Concernant les multinationales, Samy Cohen montre bien que les entreprises multinationales, qui passent pour être l'archétype de l'« acteur transnational affaiblissant l'État, restent, pour la plupart, très liées à leur territoire et à leur État d'origine. Elles agissent souvent en complément de sa diplomatie. Il s'agit moins d'un rapport de domination que de dépendance réciproque et de connivence. L'Etat n'est pas impuissant, il rencontre à mon avis une nouvelle conjoncture où les rapports de force sont différents. Lors d'une prise de décision au niveau international, l'Etat doit agir en prenant compte de nouvelles variables (économiques, symboliques, médiatiques . mais il reste l'acteur central. [...]
[...] Ils diront même que la démultiplication du nombre des acteurs internationaux, la prétention des acteurs non étatiques à agir sur la scène internationale mettent de plus en plus en péril le monopole de la violence physique par l'Etat.[4] Les individus eux-mêmes passent de moins en moins par l'Etat pour accéder à la société internationale, la société civile tend à se substituer à celui-ci. La notion de souveraineté classique des Etats est également remise en cause par la constitution de régimes internationaux (cf. définitions des concepts), symbolisée par des instances supranationales (ex. : Union européenne). Dans le même esprit, l'Etat doit faire face, du fait de sa perte de légitimité, à une réactivation de l'allégeance des individus à leur communauté naturelle d'appartenance (tribu, clan . [...]
[...] Concernant le premier élément, je partage la pensée de Badie et Smouts. L'Etat n'est pas une entité politique naturelle, elle est le fruit d'une construction historique. Norbert Elias a écrit sur ce sujet une œuvre magistrale, La dynamique de l'Occident[7] dans laquelle il retrace les trois étapes qui ont amené l'Etat à se substituer à d'autres formes d'organisations politiques et à s'imposer comme un modèle légitime. D'autre part, Badie et Smouts ont raison quand ils écrivent qu'on ne peut pas concevoir l'Etat comme une entité universelle, car ses prérogatives et sa forme d'organisation répondent à une certaine culture politique et sociale qui ne saurait être répondues partout. [...]
[...] Leur intérêt est justement de montrer que les caractéristiques qui accompagnent l'Etat ne sont universalisables. La création de l'Etat est le fruit d'une certaine histoire politique et culturelle. Elle renvoie à une différenciation minimale avec la société civile, la constitution d'un marché[3] un contrat social entre l'Etat et l'individu, qu'on ne saurait observer et retrouver dans tous les processus de développement. Ambivalence de la norme étatique lorsqu'elle rencontre des cultures différenciées. Deux effets selon les auteurs, soit elle continue à suivre sa propre culture et sa propre voie, au risque à l'image de la république iranienne de se retrouver en marge de l'ordre international ; soit elle s'insère superficiellement dans cet ordre, par l'intermédiaire de ses dirigeants, en risquant une incompréhension de sa population. [...]
[...] Certes, mais cela a toujours été le cas pour ce type de problèmes dits globaux L'État-nation en tant que forme d'organisation politique n'est pas, pour autant, voué à disparaître.[9] B. Badie et M.C. Smouts, Introduction dans B. Badie et M.C. Smouts, Le retournement du monde, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques Ibid, p 12 Ibid, p 13 Ibid, p 16 Ibid, p 18 Définition du cours de Daniel Holly (Chapitre sur les forces transnationales) N. Elias, La dynamique de l'Occident, Pocket S. [...]
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