En ce début de XXIe siècle, le sort des Balkans hante encore la scène internationale. La Bosnie-Herzégovine est toujours menacée d'éclatement, le mouvement indépendantiste serbe, soutenu par la Russie, connaît un regain d'activité depuis l'annonce du soutien de l'indépendance du Kosovo par l'Union européenne et les États-Unis. La possibilité d'une sécession unilatérale par mesure de réciprocité de la part de la République serbe de Bosnie, et donc d'un rattachement à la Serbie, se fait de plus en plus présente. Les accords de Dayton n'ayant apporté aucune solution réelle aux problèmes ethniques balkaniques, l'indépendance du Kosovo reviendrait à reconnaître dans les Balkans le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, donc à légitimer l'indépendance ou le rattachement à la Serbie de la République serbe de Bosnie. En raison de son actualité et de son histoire, la région balkanique représente toujours un espace de division et de tensions dans l'imaginaire collectif. Depuis la période ottomane aux guerres balkaniques, jusqu'à l'éclatement de la Yougoslavie, les Balkans constituent plus un ensemble de représentations péjoratives que d'un véritable espace faisant partie de l'Europe.
Dans cette étude, nous nous proposons de comprendre comment s'est nourri et construit cet imaginaire occidental des Balkans au travers de l'analyse croisée de deux textes, l'un signé George F. Kennan , et l'autre de Maria Todorova. Ces deux textes nous livrent un certain nombre d'enseignements quant aux représentations qui entourent la région balkanique. Au travers de ces lectures, nous agencerons une réflexion sur l'image que renvoient les Balkans à l'occident, nous essaierons de comprendre également comment la complexité identitaire balkanique pose aujourd'hui un défi aux dynamiques identitaires européennes et d'analyser la question culturelle sous l'angle des représentations et des visions qui accompagnent la péninsule.
[...] C'est très commode - et très simplificateur. La réalité des positions diplomatiques est plus incertaine et plus fluctuante. La recherche de l'équilibre européen, les antagonismes des grandes puissances impériales, voire l'entretien des querelles sur le terrain balkanique cohabitent dans un mélange qui évolue avec le temps. Les enjeux internationaux ont amplement participé à l'élaboration de l'imaginaire balkanique, et cela en partie au processus d'appellation de la région. Est européen, Europe orientale, ouest de l'Orient, Balkans occidentaux, etc. les dénominations sont nombreuses, mais quant est-il vraiment ? [...]
[...] Si le Balkanisme est un concept transitionnel, comme le souligne Todorova, il en ressort que la région en subit une nouvelle fois une dépréciation de reconnaissance identitaire. Par sa situation à cheval entre deux espaces civilisationnels, reconnus et usités par les observateurs professionnels, les Balkans forment une sorte de passage, donc un non-lieu, qui ne soit pas totalement européen, ni vraiment oriental[5]. Nous le voyons bien, les délimitations géographiques des Balkans sont aussi mouvantes qu'indéterminées. Comment considérer véritablement les frontières balkaniques ? [...]
[...] La crise du Kosovo entraîne même en raison des excès commis par Belgrade l'intervention militaire de l'alliance atlantique. L'éclatement sanglant de la Yougoslavie aura réactivé les représentations les plus négatives des Balkans, faisant peser ainsi sur cette région un voile d'obscurité et d'incompréhension. De fait, les Balkans, qui ont connu le premier conflit armé sur le sol européen depuis la Seconde Guerre mondiale, sont réapparus sur la scène mondiale comme un problème plus que comme une région. Usage de la métaphore balkanique De fait, les différents préjugés concernant l'ensemble balkanique ne sont pas issus de l'éclatement récent de la Yougoslavie, ils ont seulement été remis au goût du jour par un enchainement d'événements et par différents mécanismes mémoriels qu'ont largement entretenus médias, professionnels de la communication et personnalités politiques occidentales comme le souligne Maria Todorova. [...]
[...] L'identité même des Balkans se forge ainsi contre un autre oriental, il s'agit toujours de s'opposer à plus balkanique que soit. Peu à peu la cartographie est projetée selon un imaginaire des antagonismes : dans les schèmes de représentations, l'espace réel est abordé comme un agencement des tensions et des divisions ; l'apparence se mue progressivement en essence de l'entité appréhendée. Les attributions deviennent en fait une réalité immuable[7]. La fabrique de l'altérité ou la balkanisation des esprits Dans son introduction au rapport du Carnegie Endowment, Kennan affirme d'emblée que le travail sur les guerres balkaniques de 1913 est un riche enseignement sur la crise yougoslave en 1993. [...]
[...] En réalité, ces conflits constitueraient la dernière étape de l'européanisation de la péninsule balkanique. L'Europe s'est construite autour de ces dynamiques d'unification et d'homogénéisation. Que l'on songe à la création de la nation en France au XIXe siècle, à l'unification de l'Allemagne et de l'Italie, mais également aux violences des croisades, de la reconquête espagnole, à l'antisémitisme dominant qui participa grandement aux créations nationales[12], et même aux récentes politiques hostiles à l'immigration que prônent les pays européens. Tout ceci suggère que l'uniformisation n'est pas un phénomène exclusivement balkanique. [...]
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