Le "choc des civilisations" domine-t-il les relations internationales contemporaines ? - lecture de Samuel Huntington

Résumé du document

Selon Samuel Huntington, l'hétérogénéité des cultures (à travers leur caractère irréductible) sera à l'origine des conflits du monde issu de la chute du Mur, d'autant que la mondialisation radicalise les identités et que l'Occident voit sa prééminence s'éroder. De cette vision prospective pessimiste, il en conclut que la politique américaine doit viser à anticiper ces tensions, en particulier par une affirmation des valeurs de l'Occident et une mobilisation des Etats qui composent cet ensemble.

Contestée par de nombreux analystes des relations internationales, la vision conflictuelle des relations internationales fondée sur la différence culturelle/ religieuse et le caractère irréconciliable des civilisations a connu un véritable regain d'intérêt avec les évènements du 11 septembre et, à leur suite, l'orientation prise par la politique étrangère américaine.

Cette validation factuelle résiste-t-elle à une analyse plus en profondeur des relations internationales, notamment dans leurs ressorts économiques, politiques, mais aussi interculturels ?

Extraits

[...] Le discours du Caire prononcé le 4 juillet 2009 accorde ainsi une place centrale au respect mutuel» et à la coopération (en contrepoint du discours du Caire de Condeleeza Rice, en juin 2005, énonçant le projet de démocratisation du grand Moyen Orient). Dans le même ordre d'idée, le projet d'une Union pour la Méditerranée vise à tisser des liens étroits entre les deux rives de la Mare Nostrum sur la base de grands projets (environnement, commerce, coopération technique) qui mobilisent les sociétés civiles. Bibliographie : Choc ou dialogue des civilisations ? [...]

[...] Mis bout à bout, ces attentats donnent le sentiment d'un front uni du terrorisme islamique allant de l'Afrique Subsaharienne à l'Indonésie (Jemaah Islamiyah) en passant par le Maghreb et le Caucase. Idée renforcée par la perception d'un réseau Al Quaïda entretenant cette violence grâce à des appels réguliers au combat sur fond de diabolisation de l'Occident. La lecture des principaux conflits de la décennie va également dans le sens de la thèse du choc. D'une part, la puissance militaire des États-Unis s'est tournée contre l'Afghanistan (soutien du régime taliban aux instigateurs du 11 septembre) et l'Irak (armes de destruction massive). [...]

[...] L'État- Nation conserve un rôle premier dans la conduite des relations internationales, y compris dans le monde musulman. C'est notamment la poursuite d'intérêt nationaux contradictoires qui explique l'incapacité de la Ligue arabe à parler d'une voix unique. Au-delà, la politique étrangère de la Turquie, du Pakistan, de l'Iran, de l'Arabie Saoudite n'ont pas les mêmes fondements. La géopolitique notamment souligne les lignes de partage dans les civilisations en fonction des intérêts stratégiques que ce soit l'accès à l'énergie ou à l'eau. [...]

[...] L'instabilité de cet arc géographique fait d'ailleurs craindre une connexion et une extension des conflits à l'image de la dérive AfPak à savoir la tendance à la poursuite du conflit afghan au Pakistan. Enfin, à côté de l'approche centrée sur le Hard Power américain, la thèse du choc semble même convaincre les dirigeants occidentaux qui ont pris de la distance avec la ligne américaine, mais craignent une remise en cause de l'universalisme. En témoignent les initiatives mues par la volonté de réconcilier les civilisations. La plus emblématique étant l'Alliance des civilisations lancée en septembre 2004, par M. [...]

[...] L'affirmation de nouvelles puissances économiques ou de prétentions régionales va de pair avec un sentiment identitaire fort sur fond de nationalisme ou de retour du religieux, aiguisé selon Huntington par le rejet d'une mondialisation qui tend à relativiser les identités. Dans le même temps, la contestation des valeurs occidentales et en particulier des États-Unis monte en gamme dans les pays musulmans à travers l'islam radical. Rappel des attentats anti- américains avant 11 septembre : contre le World Trade Center en 1993, tours de Kobhar en Arabie Saoudite en 1996, contre les ambassades US de Nairobi et Dar es Salam en 1998, contre l'USS Cole au Yémen en 2000. [...]