Civil Rights, Malcolm X, Nationalisme noir, émeutes urbaines, ghetto, violence, ségrégation raciale, Etats-Unis
Lorsque des communautés entières vivent dans le dénuement, l'exclusion, lorsque la pauvreté ne touche pas des individus, mais des collectifs immenses qui la ressentent comme un viol dont l'âpreté les destitue un peu plus chaque jour de leur dignité, la violence devient un réflexe de survie. La question est donc de savoir quel est l'instant à partir duquel, un collectif tout entier, comme mû par une force qui le dépasse, bascule dans la violence en réponse à l'exclusion, dans la haine raciale en réponse à la ségrégation de fait (sinon par la loi). Le pouvoir public est-il illégitime ? Les mouvements pacifistes sont-ils insuffisants ? Les réponses importent bien moins que celles aux questions : Pourquoi un collectif entier considèrent que le pouvoir démocratiquement élu n'est plus légitime ? Quelles raisons poussent une communauté à juger la violence nécessaire ? Quel est le point de rupture à partir duquel la frustration individuelle se meut en révolte collective ?
De Marcus Garvey à Malcolm X, du journal « Our World » au Black Panthers Party, tous en appel à la violence pour conquérir la liberté que les autorités publiques ne veulent leur accorder par la voie légale, ou bien dont ils ne jouissent que trop peu dans les faits. Tous en appellent à une révolution qui ne porte pas de nom, qui sommeille en chaque homme noir qui vit dans le ghetto, qui est théorisée par certains (Malcolm X) et appliquée en programme militaire par d'autres (Black Panthers). Tous se retrouvent dans la citation de Heiner Muller : « La guerre c'est la liberté ».
Toutefois, penser la violence sociale, ou encore sa dimension la plus visible, la violence urbaine, comme un mouvement uniquement racial serait une erreur. Force est de constater, en effet, que la frustration des populations exclues a été récupérée par le discours de racialisation de certains leaders. La légitimation de la violence au nom de l'égalité raciale n'a pas été l'unique cause de l'évacuation violente de cette frustration, elle a surtout constitué un cadre directeur et unificateur du collectif.
[...] Garvey marque également l'avènement d'une prise de conscience collective, l'homme noir était seul et humilié, il devient fort avec le groupe. Nombre d'études se focalisent sur les années 60 et nous propose une dialectique entre le mouvement pacifique des Civils Rights et celui ouvertement violent du Black Power. Elles donnent à voir une communauté noire qui se révolte, qui prend conscience de dimension de classe. C'est là une erreur, car tout commence au début du siècle, tout commence avec Booker T. [...]
[...] On ne peut qu'être interpellé face au champ lexical choisi au sein de ce discours : celui de la guerre. Il s'agit de termes très durs, et ce discours fait ainsi partie du travail de préparation mentale entrepris par Malcolm X. Il s'agit de préparer la communauté noire à l'idée de la violence, de la révolution, de la guerre, de la préparer pour qu'elle soit prête à perdre le peu qui lui reste. Et si l'Amérique est dans son droit lorsqu'elle nous enrôle et qu'elle nous apprend à être violents pour sa défense, alors nous sommes en droit, vous et moi, de faire ce qui est nécessaire pour la défense des nôtres ici, en Amérique même Il prend pour modèle de révolution, la révolution chinoise contre les Anglais. [...]
[...] En hommes, nous ferons face à la meute meurtrière et lâche, Le dos au mur, agonisant, mais nous battant. Un peu plus tard, dans les années 30, le poète Langston Hughes écrit un poème dans le même ton, Fresque sur Lenox Avenue[6] : Qu'advient-il d'un rêve suspendu ? Se dessèche-t-il ? Comme un raisin au soleil ? Ou suinte-t-il comme une plaie Avant de disparaître ? Est-ce qu'il pue comme la viande pourrie ? Ou se couvre-t-il d'une croûte sucrée Comme un bonbon acidulé ? Il tombe peut-être comme un fardeau trop lourd. [...]
[...] Voilà 21 ans que je me pose en observateur de la violence urbaine quotidienne, froide et amorale. Toutefois seulement aujourd'hui, en abordant cette étude je prends conscience de la seule question qui importe. Lorsque des communautés entières vivent dans le dénuement, l'exclusion, lorsque la pauvreté ne touche pas des individus, mais des collectifs immenses qui la ressentent comme un viol dont l'âpreté les destitue un peu plus chaque jour de leur dignité, la violence devient un réflexe de survie. La question est donc de savoir quel est l'instant à partir duquel, un collectif tout entier, comme mû par une force qui le dépasse, bascule dans la violence en réponse à l'exclusion, dans la haine raciale en réponse à la ségrégation de fait (sinon par la loi). [...]
[...] Voilà pourquoi il parle de ballot dans le titre de son discours. Il désire que les Noirs obtiennent immédiatement ce droit inaliénable, participer à la démocratie et ainsi décider eux-mêmes de leur propre sort, être maîtres de la société dans laquelle ils vivent. L'expression the ballot or the bullet est donc une menace, il place les États-Unis devant un choix : garantir aux noirs leurs droits, ou affronter leur colère. De fait la révolution à laquelle appelle Malcolm X est inéluctable, mais elle peut se faire sans effusion de sang. [...]
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