« Pris entre le secret professionnel et la nécessité de lâcher quelques informations pour réussir un bon travail de partenariat, le métier de travailleur social est un jeu d'équilibriste dans lequel l'usager doit être gagnant ». Cette réflexion de Jacques Trémintin, qui précéda l'entrée en vigueur des lois du 5 mars 2007 instaurant un secret partagé entre professionnels en charge de la protection de l'enfance, met parfaitement en évidence la dichotomie entre l'obligation au secret professionnel, à laquelle sont tenus les travailleurs sociaux, et la nécessité de tendre vers l'objectivité dans la prise en charge de l'enfant, qui exige une approche inter partenariale et par conséquent une transmission des informations, tout ceci ayant pour vocation d'agir dans l'intérêt de l'enfant.
Le secret professionnel peut être défini comme l'interdiction faite à certaines personnes de révéler des informations dont elles ont eu connaissance dans le cadre de leur profession, sous peine de sanctions pénales.
Le secret professionnel existe dès l'Antiquité pour les médecins, qui y sont tenus en vertu du serment d'Hippocrate (IVe siècle avant Jésus Christ). L'Ancien Régime voit ensuite s'instaurer le secret des prêtres puis celui des avocats, mais les révolutionnaires aboliront le secret professionnel, perçu comme un obstacle aux pouvoirs d'investigation et de contrôle. L'obligation au secret fut toutefois rétablie par le Code pénal de 1810, avant d'être consacrée le 1er mars 1994 lors de l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal, dont l'article 226-13 affirme désormais que « la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ».
Le secret professionnel des travailleurs sociaux n'a, depuis sa consécration, cessé d'être l'objet de contrôles, de controverses, de discussions et de restrictions. Il est tellement revendiqué par les travailleurs sociaux que l'on a pu oublier qu'il s'agissait à l'origine d'une obligation. En effet, les travailleurs sociaux vont jusqu'à parler d'un droit à la confidentialité, car ils l'envisagent comme la condition sine qua non à la confiance des familles qu'ils accompagnent et par conséquent à l'efficacité de leur prise en charge. De ce fait, ils ont traditionnellement rejeté de front toute remise en cause du secret professionnel, ce qui ne les a jamais empêchés d'admettre la nécessité de partager certaines informations afin d'avoir une vision exhaustive de la situation des mineurs et d'optimiser leur prise en charge.
[...] Article 378 du Code pénal de 1810 : Les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes, et toutes autres personnes dépositaires, par état ou profession, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas où la loi les oblige à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à six mois, et d'une amende de cent francs à cinq cents francs ; la jurisprudence précisera que les travailleurs sociaux notamment sont soumis au secret professionnel. Loi nº 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système se santé. Article L 1110-4 alinéa 3 du Code de la santé publique. Loi nº 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance et loi nº2007-297 relative à la prévention de la délinquance. [...]
[...] Ainsi, l'article 434-1 du Code pénal prévoit, outre des immunités familiales, que Le fait, pour quiconque ayant connaissance d'un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende. ( ) Sont ( ) exceptées des dispositions du premier alinéa les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l'article 226-13 D'autre part, l'article 434-3 du même Code dispose que Le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d'atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ( ) de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende. [...]
[...] Les rédacteurs du Code pénal de 1994 ont voulu élargir l'objet même de la violation du secret professionnel puisque, alors que l'ancien article 378 parlait de secret confié l'article 226-13 évoque les informations à caractère secret sans toutefois définir ces termes. Le législateur a ainsi consacré la jurisprudence qui ne condamnait pas seulement la violation des informations confiées, mais aussi celles des informations apprises, entendues, devinées ou comprises à l'occasion de ses fonctions par le travailleur social, ce qui s'entend parfaitement au vu de l'impératif de confiance que nécessite toute action sociale. [...]
[...] En effet, le travail social implique l'instauration d'une réelle relation de confiance entre le professionnel et les enfants pris en charge et leurs familles. L'établissement d'un tel rapport de confiance ne peut se réaliser sans la garantie pour les usagers que le professionnel taira leurs confidences et que celles-ci ne pourront être utilisées à d'autres fins que celles relatives à l'aide sollicitée. Le secret professionnel apparaît donc ici à la fois comme un facteur de paix sociale et comme un gage d'efficacité du travail social : plus qu'un simple outil, c'est presque une technique de travail au service d'un métier Son existence est une condition indispensable à l'exercice de certaines missions ; on imagine en effet aisément que si un éducateur acceptait de transmettre certaines informations aux services de police, il perdrait toute crédibilité auprès des jeunes et serait en grande difficulté pour exercer sa mission d'accompagnement auprès de ces derniers. [...]
[...] Cela étant, les peines prévues pour non-dénonciation de crime ou de délit et pour non-assistance à personne en péril, qui seront spécifiées ultérieurement, peuvent également être très dissuasives. Il convient de préciser que la tentative de violation du secret professionnel n'est pas punissable ; en revanche, le complice de la violation[24] comme le receleur de l'information à caractère secret[25] sont susceptibles d'être condamnés pénalement. L'auteur de la violation du secret professionnel peut aussi faire l'objet de peines complémentaires telles que l'interdiction d'exercer l'activité dans l'exercice de laquelle l'infraction a été commise[26]. [...]
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