L'objet de cette contribution est de permettre de saisir le contexte, les enjeux et les limites du processus historique conduisant à l'émergence d'un système de protection sociale en France. Trois grandes phases peuvent être dégagées au cours de ce processus. Dans la première, l'extension des droits sociaux à une part croissante de la population est fortement corrélée au développement du salariat. La constitution d'un Etat social entérine dans une deuxième phase le bouclage quasi-total de la protection. Enfin, la mise en œuvre d'une véritable politique redistributive constitue la troisième et dernière phase où l'Etat social intervient selon des considérations de justice sociale afin de limiter les effets pervers du « tout marché ». Cela revient en définitive à s'intéresser au processus d'institutionnalisation des protections et de la redistribution, que Robert Castel interprète comme l'émergence d'une propriété sociale se substituant progressivement à la propriété privée pour assurer les individus contre l'insécurité sociale . Le premier chapitre évoque brièvement le passage de la féodalité au capitalisme afin d'observer l'évolution des « embryons de protection » apparus sous l'Ancien Régime. Elle se centre ensuite d'avantage sur le plan de sécurité sociale de 1945 pour en qualifier la nature et les fondements. Le second chapitre vise à présenter les principales controverses théoriques concernant le rôle de l'Etat dans le domaine des sciences économiques et politiques. L'appréhension globale des analyses de l'Etat permet de mieux comprendre les enjeux et les limites de son intervention dans la sphère économique et sociale.
[...] Il s'agit d'une part de l'accélération de l'internationalisation de l'économie qui a pour conséquence la formation de monopoles et de firmes transnationales. Le capital s'internationalise et les mouvements de capitaux prennent de plus en plus d'importance par rapport aux mouvements de marchandises, ce qui a pour effet d'accroître la concurrence entre marchés du travail. Cette situation est comparable à celle d'aujourd'hui où la part des salaires dans la valeur ajoutée se réduit[20]. D'autre part, il y a une tendance à l'achèvement du partage du globe puisqu'en 1914, les six premières puissances mondiales contrôlent 65% des terres émergées, le Commonwealth en contrôlant environ 1/3 à lui seul. [...]
[...] Or, la main d'œuvre est un problème fondamental à l'époque. Les industries naissantes ont besoin d'une quantité importante de main d'œuvre car le travail y est fortement collectivisé. Cependant, les paysans sont attachés à leur terre, ce qui entrave le développement du salariat. Suite au mouvement des enclosures[8] qui s'accélère à la fin XVIe siècle, c'est en Angleterre au XVIIe siècle que les lois sur les pauvres vont apporter un début de solution en mettant à disposition des entrepreneurs une main d'œuvre majoritairement constituée de paysans ruinés. [...]
[...] Le but est d'aligner l'ensemble des départements français sur les départements d'Alsace-Lorraine réintégrés au territoire national à l'issue de la guerre et qui bénéficient du système assurantiel mis en place par Bismarck en 1883. Les assurances sociales représentent une extension considérable de la protection sociale, par le nombre de personnes prises en charge comme par les domaines couverts. Obligatoires pour tous les salariés de l'industrie et du commerce dont le salaire n'excède pas francs ( en région parisienne), elles prennent en charge les risques traditionnels jusqu'alors couverts par les mutuelles maladie, décès, maternité en ouvrant d'autres champs. [...]
[...] Les enclosures marquent la fin des droits d'usage, en particulier des communs, dont bon nombre de paysans dépendaient. Il en résulte une forte misère paysanne qui conduira à l'adoption des poor laws. Première Poor Law en 1601 sous Elisabeth I pour régir l'assistance aux indigents. La domination légitime à caractère traditionnel repose selon Weber sur la croyance quotidienne en la sainteté de traditions valables de tout temps. La monarchie absolue de droit divin en est un cas d'école. Max Weber, Economie et société, tome I Castel R., L'insécurité sociale, Op. [...]
[...] De ce point de vue, l'institutionnalisation de la protection sociale devient totale ; en théorie. Dans les faits, il faudra encore patienter jusqu'au plan de Sécurité Sociale de 1945 avant de voir apparaître de véritables institutions de protection sociale à caractère universaliste. En France, l'institutionnalisation de la protection revêt un caractère particulier du fait de la violence de sa révolution et de la suppression de ses corps intermédiaires. Elle a conduit l'Etat à devenir un Etat protecteur. Pour Robert Castel,[11] l'avènement de la modernité consacre l'individu comme figure centrale de la société. [...]
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