Dans l'ensemble des Etats de l'Union européenne, la protection collective contre les risques sociaux tels que le chômage, la maladie, l'invalidité, la vieillesse, la survie, la famille, le logement, l'éducation et l'exclusion sociale, est définie et mise en œuvre au niveau national. Les dispositions des traités fondateurs n'ont conféré aucune compétence exclusive à la Communauté qui s'est donc bornée à une coordination des différentes politiques nationales de protection sociale.
Ainsi, à l'harmonisation, qui repose sur l'idée de modifications apportées aux législations en vue de gommer les disparités et de rapprocher les sécurités sociales nationales vers un système uniforme, l'Union européenne a pour l'instant préféré la coordination. Par ce principe, les droits nationaux ne sont modifiés qu'autant que de besoin pour la combinaison de leurs fonctionnements respectifs, et en particulier pour assurer le principe de libre circulation des travailleurs et permettre aux travailleurs migrants à l'intérieur de la communauté et aux membres de leur famille de bénéficier systématiquement des règles nationales de protection sociale.
L'idée d'une protection sociale européenne ou tout au moins du rapprochement des législations nationales a longtemps relevé de perspectives d'autant plus lointaines que les Etats membres ont voulu conserver, dès l'origine, leur entière souveraineté dans le domaine de la Sécurité sociale et de la protection sociale et ont cherché à conserver la spécificité de leurs régimes nationaux. En fait, le traité instituant la Communauté européenne n'ayant pas prévu l'adoption d'une politique commune en la matière, on a pensé que le fonctionnement du Marché commun et la mise en œuvre du principe de libre circulation suffirait à amener progressivement les systèmes européens de protection sociale vers « une égalisation dans le progrès ».
L'intégration économique et monétaire résultant de la construction européenne aurait donc entraîné, de fait, une certaine convergence des protections sociales nationales.
Par ailleurs, au cours des années quatre-vingt, les systèmes de protection sociale ont été remis en cause dans tous les pays de l'Union européenne en raison de profonds bouleversements du contexte économique et social dans lequel ils s'étaient construits. Erigée dans un cadre avant tout national, la protection sociale s'est développée, jusqu'aux années soixante-dix, dans un climat économique et démographique plutôt favorable : croissance soutenue, relatif plein emploi et évolutions démographiques privilégiées ont permis de concilier objectifs sociaux et objectifs économiques. Depuis, la compatibilité entre progrès économique et progrès social n'a plus semblé si claire : le ralentissement de la croissance et le vieillissement de la population ont rendu difficile l'équilibre financier de la protection sociale. L'alourdissement des dépenses de santé et des prestations vieillesse, ainsi que la montée du chômage, ont conduit à poser des choix de redistribution intra et intergénérationnelle : priorité des prestations à servir, répartition des charges. Face à ces problèmes et devant l'apparition de nouveaux besoins, les systèmes de protection sociale sont contestés tant dans leurs objectifs, leur fonctionnement que leur efficacité.
Avec l'approfondissement de l'intégration européenne, la crise de la protection sociale se cristallise de plus en plus au niveau européen : d'une part, parce que la construction européenne lance de nouveaux défis aux systèmes en place et, d'autre part parce que l'implication de la Communauté dans ce domaine s'accroît de plus en plus. On peut donc s'interroger sur l'opportunité de résoudre au niveau supranational une partie des problèmes qu'affrontent les politiques sociales nationales.
Surtout, on peut se demander si une demande ou une volonté politique et des contraintes endogènes et exogènes de plus en plus fortes ne vont pas progressivement pousser les différents Etats membres à élaborer leurs politiques sociales au niveau européen. Y a-t-il, dès à présent, une tendance de fond d'harmonisation des systèmes de protection sociale européens qui laisserait présager, à long terme, une structuration progressive d'une véritable sécurité sociale européenne ?
Dans une première partie, avant d'observer en détail les tendances convergentes des politiques sociales européennes et des systèmes de protection sociale, une première réflexion sur les contraintes qui touchent les pays européens et les défis qui les attendent sera menée. Il existe en effet un certain nombre de facteurs de mutation communs à l'ensemble des systèmes de protection sociale européens à la fois sur les plans internes et externes, qui justifient un même effort d'adaptation et la nécessité de réformes, et qui interrogent l'opportunité d'élaborer la politique sociale à un niveau supranational. L'étude de ces contraintes permettra ensuite de mesurer l'importance d'une éventuelle convergence des systèmes sociaux européens, et d'évaluer si l'Union européenne peut encore faire longtemps l'économie d'une harmonisation des politiques sociales.
Dans une seconde partie, nous étudierons plus précisément la possibilité d'une harmonisation sur un plan technique, législatif et politique. A l'heure actuelle, il semble que la situation économique et sociale dans les vingt cinq Etats de l'Union Européenne soit encore trop disparate, que les traditions et les cultures concernant les rapports entre l'Etat et les forces sociales soient trop différentes entre les nations pour pouvoir envisager dans ce domaine particulièrement sensible une harmonisation mécanique. De plus, il n'est pas certain que les Etats membres disposent aujourd'hui d'un véritable modèle social commun et consensuel vers lequel ils tendraient sciemment à s'orienter. Enfin, les difficultés rencontrées jusqu'à aujourd'hui par l'Union européenne dans ses tentatives de coordination nous amèneront finalement à nous interroger sur lien particulier qui existe entre la protection sociale et l'Etat pour conclure sur les enjeux politiques directs ou indirects et la faisabilité d'une harmonisation complète des systèmes sociaux nationaux.
[...] - Direction Générale de l'Emploi et des Affaires Sociales de la Commission Européenne, La protection sociale en Europe, Office des publications officielles des Communautés européennes (Luxembourg) p. - Guillaume DUVAL, L'Europe ne sera jamais sociale, L'Etat de l'Economie, Alternatives Economiques, Hors Série avril 2006 - Gösta ESPING-ANDERSEN, Les trois mondes de l'Etat Providence, Presses Universitaires de France (Paris) p. - Gösta ESPING-ANDERSEN, Un Etat-providence pour le XXIème siècle, intervention au colloque "Comparer les systèmes de protection sociale en Europe" et 9 juin 2000, Ministère de l'emploi et de la solidarité (Paris) p. [...]
[...] C'est le cas, par exemple, du Revenu Minimum d'Insertion ou encore de la Couverture Maladie Universelle, qui introduisent une certaine logique beveridgienne dans le système de protection sociale français. De même, alors que les prestations de son modèle étaient théoriquement universelles et uniformes, le système irlandais a désormais décidé de moduler les conditions d'accès aux prestations selon les revenus des assurés. Mais ces réformes de fond restent peu nombreuses et conservent une portée relativement limitée. En fait, les systèmes sociaux européens sont soumis à une dépendance de sentier leur évolution étant partiellement conditionnée par la configuration antérieure. [...]
[...] La protection sociale, compétence de l'Etat - L'impossible abandon de la souveraineté ? - L'union politique comme issue Conclusion Bibliographie Au sortir de la Seconde guerre mondiale, les mouvements fédéralistes européens nourrissaient l'espoir de construire par le haut une Europe unie sur à la fois sur le plan économique, social et politique ; cet espoir se heurta à la réalité de nationalismes encore vivaces, qui conduisirent à l'échec des Etats généraux de l'Europe tenus à La Haye en 1948, puis à l'enterrement du projet de Communauté européenne de défense en 1954. [...]
[...] Avec le renforcement des contraintes qui pèsent sur leur système de protection sociale, les pays européens pourraient encore, à plus long terme, décider de transférer à L'Union européenne leur compétence en matière sociale. La primauté accordée aujourd'hui à la souveraineté nationale pourrait éventuellement être remise en cause si l'efficacité supérieure du niveau communautaire dans la mise en œuvre de la protection sociale venait à être reconnue. De par les liens particuliers qui unissent la citoyenneté et les droits sociaux, cette évolution serait nécessairement concomitante de l'émergence d'une conscience européenne et d'un projet politique fédéraliste pour l'Union. [...]
[...] En ce qui concerne la structure des dépenses de protection sociale, en revanche, le mouvement de convergence est plus uniforme et plus certain. Une analyse par type de prestations permet de constater que le principal moteur d'accroissement de la part du revenu national consacrée aux dépenses de protection entre 1980 et 2002 est imputable au risque vieillesse, qui explique à lui seul deux des trois points d'augmentation, pour les raisons déjà évoquées plus haut. L'augmentation moyenne des prestations liées à la vieillesse et à la survie est générale dans l'Union Européenne, que ce soit en Irlande ( par en Allemagne, en France, en Italie, au Portugal ( par an) ou, dans une moindre mesure, en Suisse ( 1.7 même si les différentes réformes menées dans les pays européens sur les régimes de retraites devraient progressivement se faire sentir et entraîner un ralentissement de cette hausse dans la plupart des pays européens. [...]
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