Le choix d'être mère apparaît de plus en plus tardivement dans les pays développés. Cela est dû à l'augmentation de l'espérance de vie, l'allongement de la durée des études, et de l'adolescence, le départ tardif du foyer familial…
Parallèlement, l'information sur la contraception semble de nos jours largement répandue. Chacun connaît l'existence de ces moyens et il y a donc la possibilité d'éviter une grossesse non désirée.
Il semblerait qu'une certaine catégorie d'adolescentes, pourtant bien informées sur la contraception, souhaite être mère de façon bien déterminée.
Comment alors, expliquer le paradoxe de l'augmentation croissante du désir précoce de maternité dans une société qui souhaite tant freiner ce phénomène ?
Probablement aussi ancienne que l'humanité, la maternité précoce est devenue une problématique actuelle qui se focalise aujourd'hui sur le phénomène de l'adolescence. Différente selon les cultures et spécifique de chaque contexte social, elle interroge les professionnels de la santé, de l'éducation et de la politique.
Dans notre société en mutation constante, tomber enceinte au moment de l'adolescence est une difficulté dans la plupart des cas. Le statut des adolescents et des jeunes adultes reste flou et peu valorisé. Leur dépendance étant de plus en plus prolongée et leurs besoins de plus en plus importants, la période de l'adolescence s'éternise finalement souvent bien au-delà de la majorité légale. Dans notre société capitaliste, la jeunesse représente surtout des consommateurs mais cela ne leur accorde aucun statut social. L'adolescent doit faire ses preuves, il doit être apte socialement, biologiquement et psychologiquement à affronter les péripéties de la vie. Il doit s'insérer professionnellement et intellectuellement, il doit être capable de s'exprimer et de prendre sa place. On lui en demande beaucoup. Paradoxalement, la problématique de l'adolescence pose aussi un souci à la société qui lui est de moins en moins reconnaissante. L'adolescence est stigmatisée négativement. Dans une société qui se veut démocratique, le droit de concevoir un enfant, le mettre au monde et l'élever est fondamental et ne peut faire l'objet d'un interdit. Comme les adultes, les adolescents veulent remplir ce rôle social. La maternité devient alors une source d'émancipation sociale précoce. Pourtant, tout n'est pas si simple. Pour l'adolescente, la confrontation avec son état de grossesse est aussi une rencontre avec une autre réalité, qui ne va pas sans difficultés.
La persistance des grossesses et des maternités d'adolescentes relève aussi d'un problème de société profond. Le phénomène est lié de près aux structures même de la société, à ses valeurs et à ses dérives. Il répond au statut et au rôle accordés aux adolescents. Ils ont une certaine capacité d'autonomie et notamment la jeune fille, qui tient une place qui vaut presque celle de la femme.
Différents cas de figure existent, chaque situation est particulière et correspond à une histoire personnelle qu'il faut replacer dans son contexte. Se retrouver enceinte à l'adolescence n'est pas toujours catastrophique mais pour de nombreux cas, c'est dramatique. La plupart des grossesses adolescentes seraient peu désirées. Elles n'engendrent pas automatiquement une IVG mais le plus souvent elles conduisent soit à l'abandon affectif, soit au placement familial de l'enfant.
Certaines de ces grossesses sont parfois désirées mais pour des motivations très diverses : désir de prouver sa féminité, de s'émanciper, désir d'exister, désir naturel de maternité, désir de se reproduire, désir de prouver son indépendance à ses parents, mais également la volonté implicite de lancer un signal de détresse traduisant une dépression, l'envie de suicide…
C'est à cette catégorie d'adolescentes que nous allons nous intéresser dans ce mémoire.
Comment naît ce désir de maternité si prononcé ? Y a-t-il un profil psychologique plus propice à ces grossesses ? Dans quel contexte socioculturel vivent ces adolescentes ? Comment vont-elles trouver leur place dans cette société ? Ont-elles suffisamment de maturité pour s'occuper de leur enfant? Sont-elles différentes des mères adultes? Pourquoi ce désir survient il alors que la société le condamne ?…
Ce mémoire a pour objectif d'expliquer le paradoxe qu'il existe entre le nombre important d'adolescentes mères de leur propre désir et le contexte socio-économique dans lequel elles évoluent.
Pour expliquer ce phénomène, il convient d'explorer quatre systèmes d'explication.
Dans un premier temps, nous dresserons un constat chiffré du phénomène des grossesses adolescentes en France afin de pouvoir évaluer la proportion de celles qui sont désirées et menées à terme. Nous ferons aussi un point sur la contraception, les différents moyens utilisés plus particulièrement chez les adolescents. Nous étudierons comment les pouvoirs publics agissent et réagissent face à ces grossesses (politique nataliste, prévention…). Nous ferons ensuite une comparaison de la situation française par rapport au reste du monde.
Dans une perspective plus culturelle, nous aborderons la place de la femme et de la mère dans l'histoire afin d'expliquer l'impact de cet héritage dans leurs identités actuelles ainsi que celle de la famille. Nous parlerons donc des acteurs de cette libération.
Pour aboutir à l'explication du désir précoce de maternité, nous choisirons les perspectives physiques, psychologiques et affectives de l'adolescente. Nous ferons un rappel sur l'adolescente dans l'histoire pour tenter de la définir aujourd'hui, nous aborderons les thèmes du changement corporel, des relations amoureuses, de la maternité…
La dernière perspective est axée sur l'environnement de l'adolescente et ses incidences sur la construction identitaire de celle-ci. Nous tenterons de mettre en évidence des contextes communs aux destins de ces jeunes filles.
La conclusion permettra à tous les arguments évoqués de prendre leur sens et d'approcher des réponses aux questions amenées par ces maternités précoces.
[...] En effet, vivre une grossesse ou une naissance pendant sa scolarité limite les possibilités de bons résultats scolaires. De plus, beaucoup risquent le renvoi et rares sont celles qui y retournent. En conséquence, le manque d'instruction rend difficile l'accès à un emploi rémunéré et la qualité de la vie de la jeune fille en souffre. L'échec scolaire, suivi de la marginalisation, peut être une cause pour expliquer les grossesses à l'adolescence. Le désir d'avoir une situation financière se fait ressentir et tout simplement le désir d'autonomie. [...]
[...] Cela représentait des naissances, dont (820) chez des adolescentes de moins de 16 ans. On notait une baisse sensible du taux de fécondité et d'IVG depuis 1975 (date de la loi Veil) dans la population générale, mais aussi chez les mineures, grâce aussi aux actions menées en matière de contraception.[1] En 1996, des statistiques de l'INSEE (institut national de la statistique et des études économiques) relevaient enfants nés de mineures pour accouchements dans la population générale. Soit des naissances, dont 880 chez des mères de moins de 16 ans (ce qui représente des naissances issues de mineures). [...]
[...] L'entourage se sent souvent coupable de ne pas avoir su protéger l'enfant des trois volets de ce scénario. On sait mal comment sont vécues les grossesses précoces dans ce type de contexte. Le soutien affectif des proches est un facteur décisif dans le choix de mener la grossesse à terme. Même l'entourage au sens large (réactions de rejet ou d'acceptation) pèse aussi sur la décision. L'absence du père biologique à la suite d'un divorce ou d'une séparation augmente les comportements sexuels à risques vus précédemment et donc le risque d'être enceinte. [...]
[...] On peut distinguer dans le monde 3 grands modèles traditionnels d'entrée dans la sexualité : - celui où les stratégies parentales ou familiales visent à éviter tout retard des femmes à entamer leur vie conjugale, reproductive et sexuelle. Modèle traditionnellement rencontré en Afrique. - Celui où le contrôle social vise au contraire à retarder la mise en union des femmes et leur entrée dans la sexualité, en faisant tout pour préserver leur virginité. Modèle rencontré généralement en Amérique latine, en Europe du Sud, en Thaïlande - Celui où la tendance est à une initiation tardive tant pour la femme que pour l'homme. [...]
[...] En Europe, l'Angleterre est le pays où le nombre d'adolescentes qui donnent naissance à un enfant est le plus élevé : 32 naissances pour femmes de 15 à 19 ans (contre 24 pour en France) . On voit donc que la France n'est pas un pays où les grossesses adolescentes posent le plus de problèmes. Cependant, subsiste un phénomène étonnant : des adolescentes ont un réel désir d'enfant malgré les efforts des pouvoirs publics en matière de prévention, malgré l'âge avancé pour le mariage, l'allongement des études, etc. D'où vient alors ce désir de maternité ? [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture