Après quelques années à exercer dans un centre éducatif pour adolescents et jeunes adultes, la formation au métier d'éducateur spécialisé m'a offert un cadre propice à la confrontation de mes interrogations et de mes convictions, enrichies de connaissances et d'expériences nouvelles.
Ainsi mon stage de première année au sein d'un foyer pour personnes adultes handicapées mentales a constitué un véritable tournant qui allait symboliser mon engagement, la construction de mon identité professionnelle lors des deux années suivantes et au-delà, dans l'exercice de ce métier. Je suis en effet “travaillé” depuis ce premier stage par cet apparent paradoxe et ses enjeux individuels, collectifs et sociétaux : “être éducateur d'adultes”.
Au cours de mes stages de deuxième et troisième années, respectivement au sein d'un Centre d'Accueil d'Urgence (CAU) et d'un service de Tutelle aux Prestations Sociales Adultes (TPSA) en milieu ouvert, j'ai pu approcher concrètement la problématique sociale, civilisationnelle et prégnante aujourd'hui, à savoir la grande précarité, l'exclusion, que Pierre Rosanvallon nomme « la nouvelle question sociale.» : plus précisément, des conditions de la précarité à la grande exclusion et son vécu, celle qui laisse au ban de la société une part sans cesse croissante de personnes.
Dans un premier temps, si l'exclusion est devenue ces dernières années une question politique et nationale venant marquer en profondeur le champ du travail social, il est primordial, pour le travailleur social que je suis amené à devenir, d'interroger la place allouée ou non aux personnes en situation d'exclusion dans la société. Au travers des représentations des “ exclus ” et l'action de ces représentations sur ceux-ci, il importe d'envisager le gouffre qui les sépare de prime abord de toute possibilité de réinsertion. Quelles mutations socio-économiques, celles du “vivre ensemble”, ont conduit à de telles et si nombreuses situations de désaffiliation, de rupture ? S'il est couramment admis que le mot pauvreté renvoie principalement à une notion quantitative de manque en termes de moyens, par rapport à un tout constitué, celui d'exclusion renvoie davantage à la qualité des liens qui inscrivent ou non la personne dans la collectivité, dans la société.
C'est de la connaissance des enjeux complexes de toute relation entre une personne en situation de grande précarité et les services et acteurs de l'action sociale que va émerger, au-delà d'un questionnement, la nécessité d'un agir professionnel porteur de sens, d'existence.
A l'instar d'Edgar Morin qui écrit dans sa récente Introduction à la pensée complexe qu' « une pensée mutilée conduit nécessairement à des actions mutilantes », je suis convaincu de la nécessité d'envisager chaque situation concrète et vécue de la grande exclusion au travers de multiples champs d'analyse et d'observation afin d'en reconnaître et d'en accepter la complexité. Cette investigation me permettra d'éclairer cette question majeure : dans quelle mesure l'éducateur spécialisé, conscient des problématiques actuelles touchant la grande exclusion, peut-il favoriser l'émergence d'une relation singulière, afin de (ré)concilier la personne et sa société ?
[...] LALANDE, Dictionnaire technique et critique de la philosophie, Paris : PUF, Quadrige p H. ARENDT, op. cit. p P. JEAMMET, in J.-L. VENISSE, et alii, Les nouvelles addictions, Paris : Masson p E. GOFFMAN, La mise en scène de la vie quotidienne, tome 1 : La présentation de soi, Paris : Edition de Minuit, Le sens commun E. [...]
[...] Le chômage, que l'on a un temps pensé conjoncturel, semble alors muter en un phénomène structurel de masse. C'est à cette époque d'ailleurs que pour la première fois le terme d'“exclu” est employé par la classe politique, précisément par René Lenoir, secrétaire d'Etat à l'action sociale du gouvernement de Jacques Chirac. Il désigne ainsi dès l'entame du livre ce qu'il nomme les exclus : Cinq catégories d'importance analogue peuvent être isolées : les malades mentaux/les suicidaires/les alcooliques/les délinquants adultes/les marginaux et les asociaux. [...]
[...] Au travers des représentations des exclus et l'action de ces représentations sur ceux-ci, il importe d'envisager le gouffre qui les sépare de prime abord de toute possibilité de réinsertion. Quelles mutations socio-économiques, celles du “vivre ensemble”, ont conduit à de telles et si nombreuses situations de désaffiliation, de rupture ? S'il est couramment admis que le mot pauvreté renvoie principalement à une notion quantitative de manque en termes de moyens, par rapport à un tout constitué, celui d'exclusion renvoie davantage à la qualité des liens qui inscrivent ou non la personne dans la collectivité, dans la société. [...]
[...] MORIN, Introduction à la pensé complexe, Paris : Seuil S. KARSZ, et alii, L'exclusion, définir pour en finir, Paris : DUNOD p.23 Conférence sur la place des usagers dans les réseaux sociaux et médico- sociaux, Chaumont (Haute-Marne) novembre 2005 Enquête dont les résultats et analyses sont reproduits dans l'ouvrage collectif L'avenir des tutelles, M. SASSIER, et alii, Paris : DUNOD pp à 23 Idem Idem P. Declerck, Le sang nouveau est arrivé, l'horreur SDF, Paris: Gallimard p ( Par respect pour l'intimité des personnes, tous les prénoms ont été modifiés P. [...]
[...] Les pompiers font un métier courageux et dangereux les noirs ont le rythme dans la peau les jeunes ne sont plus aussi respectueux qu'avant les SDF sont à la rue parce qu'ils boivent les SDF sont inactifs ils sont porteurs de maladies dangereuses Ainsi, dans Le Monde daté du 28 janvier 2006, on peut lire : L'ouverture de la cantine municipale aux SDF a suscité une autre polémique [ ] Dans un tract adressé aux agents de la ville, la CFTC dénonce l'inquiétude des personnels allant déjeuner dans ce restaurant sur les conditions d'hygiène. Peut-on garantir qu'il n'y ait aucun risque de présence de maladies infectieuses et contagieuses ? De nombreux agents nous ont déjà assuré qu'ils ne fréquenteront plus cet établissement.” Ce qui se dessine et émerge là, c'est la notion de peur, à l'image d'Amar qui effrayait par sa simple présence dans la rue ainsi que dans bon nombre d'institutions sociales et médico-sociales. Les représentations sociales naissent souvent de la rumeur, elle-même issue d'une peur et du rejet de l'altérité. [...]
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