Forces de l'ordre et minorité pénale ; au vu des images qui viennent d'être visionnées, on prend clairement conscience des rapports qu'entretiennent ces deux acteurs dans la vie quotidienne. Ces images, rapportées quotidiennement par les médias, semblent faire partie d'un paysage traditionnel de l'actualité. Conflits, émeutes, révolte, heurts entre les forces de l'ordre et les mineurs délinquants, voilà exposé en quelques mots tout ce qui est retenu des rapports entre ces deux groupes : des rapports on ne peut plus conflictuels.
Si à l'heure des élections présidentielles de 2007, le thème de l'insécurité est un élément phare du discours de certains candidats ; ceux-ci sont nombreux à chercher à l'illustrer, et il apparaît relever de l'écueil que le cas des mineurs ne soit pas mis en exergue. La délinquance juvénile, terme plus couramment usité pour dénoncer cette minorité pénale apparaît, ce qui n'est pas contestable en soi, comme un phénomène en pleine recrudescence ; mais il faut bien se garder d'une autre idée : la délinquance juvénile n'est pas nouvelle.
Ce problème fut en effet pris en considération dès le lendemain du second conflit mondial au travers de l'ordonnance en date du 2 février 1945, texte par excellence du droit des mineurs. L'élaboration d'un tel texte montre bien l'inquiétude qui s'était fait jour à cette époque, au travers de ce phénomène de la délinquance juvénile.
Jean Larguier, dans son ouvrage de droit pénal, met en évidence ces propos au travers de diverses statistiques.
Ainsi part-il du constat que la délinquance des mineurs est un problème mondial, dont la recrudescence n'est pas récente.
En 1936, on recensait 10807 affaires jugées ; le même chiffre établi en 1942 s'élevait alors à 34756. Est alors intervenue l'ordonnance de 1945 dont on espérait qu'elle allait être la solution dans ce domaine. Les débuts de sa mise en application furent en effet jugés satisfaisants, on recensa une diminution jusqu'en 1954 avec 13504 affaires jugées. L'année suivante se caractérisa par une légère remontée justifiée à l'époque par le recrudescence de la part de cette population dans la population totale. Cependant cette justification n'allait plus valoir les années suivantes où les constats allaient se faire de plus en plus alarmant.
Au côté de cette évolution de la délinquance, convient-il d'aborder une autre évolution plus générale : celle de la société. En effet, ne pas prendre en compte ces évolutions, c'est s'interdire toute réponse pertinente au symptôme que constitue la délinquance des mineurs et à leurs relations avec la police. Il n'est évidemment pas question de se livrer ici à un recensement exhaustif de ces mouvements mais simplement de noter quelques tendances marquantes, tendances qui peuvent être analysées par certains comme les causes de cette délinquance juvénile.
On recense principalement parmi ces évolutions, les mutations des modèles familiaux et des relations générationnelles qui entraînent un affaiblissement des repères chez les jeunes ; un vieillissement de la population moins tolérante aux actes de transgression des jeunes adolescents ; un renforcement continu des inégalités sociales, économiques conduisant à la réapparition de véritables poches de pauvreté ; ainsi qu'une crise de la notion d'autorité de quelque source qu'elle émane : parents, école, État et au sein de celui-ci les forces de l'ordre.
Ce phénomène n'est donc pas actuel et s'inscrit plus en réalité dans le cadre d'une évolution comme nous venons de le constater. Pour autant il semble revêtir aujourd'hui une importance spécifique. Objet de toutes les politiques, le mineur apparaît ainsi être le sujet de toutes les attentions notamment le mineur délinquant, et dans une mesure plus inconsidérée encore le mineur de banlieue. Le mineur est ainsi ciblé de tous comme une « nouvelle classe dangereuse », ce sentiment de stigmatisation de la jeunesse en tous points produisant des conséquences pour le moins désastreuses.
Cette délinquance du mineur va, à un moment ou à un autre, l'amener à se confronter à la justice. Hors la première manifestation de cette justice va transparaître par l'intermédiaire de l'intervention des forces de l'ordre. S'agissant de ces dernières, on parle également de force publique, ce qui regroupe généralement « l'ensemble des forces de police, de la gendarmerie et des armées qui sont à la disposition du Gouvernement pour assurer le respect de la loi et le maintien de l'ordre » (Dictionnaire Larousse). Dans l'acception qui sera faite ici du sujet, le cas des armées ne sera pas abordé en raison de la rareté des rapports les opposant à cette minorité pénale (le cas de la gendarmerie, quatrième branche de l'armée, en sera néanmoins abordé).
Ces premiers rapports avec les forces de l'ordre apparaissent, à l'heure actuelle, dans une situation de blocage. Et il y a lieu de s'inquiéter de ce face à face violent et incessant qui rythme les relations de ces deux acteurs, l'utilisation du terme « face » montre bien cette réalité conflictuelle des relations forces de l'ordre et minorité pénale.
La richesse d'une approche unitaire des mineurs par la justice française, se refusant à une distinction mineurs en danger et mineurs délinquants, ne semble pas comprise par les décideurs politiques. Si cette distinction n'a pas d'existence concrète en ce sens qu'on ne peut classifier ces mineurs en deux catégories, il apparaît néanmoins que si tous les mineurs en danger ne deviennent pas délinquants, il est rare que les mineurs délinquants n'aient jamais été des mineurs en danger.
À ce propos, les débuts de l'ordonnance de 1945 témoignent de la nécessité d'un traitement judiciaire spécifique de la délinquance des mineurs, et les forces de l'ordre dans l'exécution de leur mission doivent avoir cet état d'esprit que nécessite le traitement de la minorité pénale. L'ordonnance dispose ainsi :
« Il est peu de problèmes aussi graves que ceux qui concernent la protection de l'enfance, et parmi eux, ceux qui ont trait au sort de l'enfance traduite en justice. La France n'est pas assez riche d'enfants pour qu'elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains ».
Dans cette perspective, on conçoit aisément la nécessité d'un traitement spécifique de la délinquance des mineurs, cette idée devant gouverner tous les acteurs de la justice française et partant de là, les forces de l'ordre, premières confrontées à cette difficulté.
Ce thème, outre son aspect indéniable d'actualité, est révélateur du fonctionnement d'une partie de notre système judiciaire et de ses lacunes. Les différentes mesures qui se font jour à ce sujet témoigne de l'importance du débat et de l'inquiétude qu'il suscite.
Aborder les relations conflictuelles que sont celles des forces de l'ordre et de la minorité pénale invite avant tout à se pencher sur le caractère essentiellement humain de ces relations. Peu de règles tendent en effet à régir ces relations. Dès lors une interrogation peut être soulevée : dans quelles mesures les forces de l'ordre peuvent-elles faire face à cette minorité pénale ?
Ainsi, si la politique à mettre en place à l'égard de ces mineurs s'est toujours voulue d'être une politique résolument préventive, et ce conformément à l'esprit de l'ordonnance de 1945 ; les débats actuels que soulève cette question, semblant laisser dubitatif quant à l'efficacité de ces mesures, permettent de s'interroger de nouveau sur le point de savoir si la politique pénale qu'il conviendrait d'appliquer à ces mineurs n'est pas simplement en quête d'un souffle nouveau.
[...] Cette citation évoque avec exactitude la situation dans laquelle les forces de l'ordre (et pas seulement ces dernières d'ailleurs : on évoquera simplement la situation dans laquelle se trouve les pompiers lorsqu'ils doivent intervenir dans des banlieues, victimes de caillassage et de guet-apens) se trouvent aujourd'hui : une situation d'insécurité. Or quel plus grand paradoxe peut-il y avoir que de constater que, des institutions chargées d'assurer la sécurité de tous, ne se trouvent pas elles-mêmes dans cette situation ? Ainsi va en résulter un malaise chez les forces de l'ordre qui ont, pour certaines au moins, conscience que la politique de répression, visant à faire du chiffre n'est pas la bonne. [...]
[...] L'une des premières conditions à l'amélioration des rapports entre les forces de l'ordre et la minorité pénale se situe dans un cliché dont il faut parvenir à se sortir. En effet, face à la minorité pénale, il est de tradition d'opposer deux acteurs que sont les forces de l'ordre d'une part, la justice d'autre part. En se plaçant un instant dans la position du mineur, quelle peut en être la réaction ? Celle-ci est évidente, on lui oppose des acteurs qui, dans son esprit, sont des personnes dont l'action est la répression ; même si en réalité, il peut très vite prendre conscience que le second de ces acteurs, à savoir le juge, n'est pas systématiquement là pour le réprimer. [...]
[...] Hommes politiques, de gauche comme de droite d'ailleurs, ont pointé de façon systématique cette difficulté, si bien qu'elle fait l'objet aujourd'hui d'une acuité toute particulière. Non éloignée d'un autre thème phare des campagnes politiques, antérieures et futures, qu'est celui de l'insécurité ; il a abouti à une certaine focalisation sur le mineur, qui se présente alors comme l'objet de toutes les attentions mais aussi de toutes les tensions. Le cliché du mineur délinquant, qui plus est de banlieue, est une image quotidienne à laquelle les médias viennent ajouter le supplément de piquant qui leur est propre. [...]
[...] Le problème récurrent de l'impuissance des forces de l'ordre face à la minorité pénale Pour conclure cette partie, on peut évoquer un problème qui a été soulevé dans chacune de nos rencontres avec les professionnels. Les policiers se sentent fortement impuissants face à la minorité pénale en raison du traitement judiciaire de la délinquance juvénile et du manque de formation. En effet ; la plupart des fonctionnaires de police que nous avons rencontrés nous ont fait part de leur découragement, pour eux le mineur délinquant est souvent excusé en raison de son âge, il jouit d'une certaine immunité le parquet et les juges ne poursuivent que très rarement les mineurs. [...]
[...] ) pour quatre jeunes. Les jeunes oscillent entre la dénégation, l'excuse et la provocation On ne faisait rien Monsieur On est juste content parce que le Maroc a gagné au foot, on a rien fait L'un d'eux, plus ivre que les autres est plus provocateur et multiplient les remarques désobligeantes et ironiques, il finit par dépasser la limite que peuvent supporter les policiers qui de leur côté ne sont pas non plus spécialement aimables, même s'ils restent corrects- et se fait embarquer pour dégriser pendant deux ou trois heures Pendant que les policiers l'emmènent, ses copains lui disent T'inquiète pas dans quatre heures ils te relâchent . [...]
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