La diffusion à la télévision suisse romande du documentaire « Le choix de Jean » au printemps 2005 a profondément marqué les esprits, provoquant des réactions diverses dans les médias, à la télévision et dans la presse écrite. Il suscita bien plus de discussions que le film espagnol diffusé en salle obscure à la même époque, « Mar Adentro », qui pourtant abordait le même sujet, à savoir la résolution de Ramon Sampedro à mettre un terme à sa vie après que sa requête pour un droit de mourir dans la dignité ait été déclaré irrecevable. Sa demande visait à obtenir que son médecin ait le droit de « lui administrer les substances nécessaires pour mettre fin à ses jours sans encourir de poursuite pénale ». Le particularité du reportage diffusé sur la TSR, était non seulement de montrer les raisons de la décision de Jean, mais d'en filmer jusqu'au dernier instant, l'ultime, sa mort. Un décès saisissant par sa simplicité. Librement choisi, tellement paisible, il était en contraste avec les multiples interrogations dont Jean Aebischer avait fait part tout au long du reportage. Et pourtant, les minutes précédant son décès, il les qualifia lui-même d'« étrange ». Mourant, futur défunt, il était assis entre sa compagne et son frère, dans un certain mutisme, signe d'un temps suspendu, tendu comme un fil tiré vers cette fin inexprimable. Fil, que son frère rompit pourtant. Ainsi une phrase incongrue, presque anachronique, vint briser le silence : « Où sont les clés de ta voiture ? » Replongé dans la continuité de la vie, Jean lui-même s'en étonna dans un premier temps. Puis, prenant acte de la volonté de son frère de rétablir une pérennité, il indiqua calmement l'endroit tout proche où il les avait déposées.
[...] C'est ce qu'explique un médecin pratiquant l'euthanasie, qui considère que le praticien ne peut échapper à une remise en question de son propre rôle, celui-ci étant relatif à la position du mourant. Dès lors que l'on remet le patient au centre de sa propre histoire, et qu'on lui accorde le droit de dire, je, d'être donc le sujet, un partenaire, un sujet de santé et non un objet de soins dont les soignants disposent et bien alors le médecin doit se repositionner en face de ce patient-là, qui dans sa propre conception des choses demande ou non d'être accompagné par un médecin.77 Il est intéressant que le praticien interviewé, au-delà de la réflexivité du patient, n'omette pas celle du médecin confronté à la demande euthanasique, en effet il poursuit : alors le médecin est effectivement en position de se poser la deuxième question, est-ce que moi aujourd'hui, ou demain ou cette semaine, suis-je capable d'accéder à une demande d'un patient, fut-elle une demande d'euthanasie78 Présentant la notion de chaîne biographique Danièle Carricaburu et Marie Ménoret montrent que l'identité narrative consiste en l'articulation de trois supports essentiels : le temps biographique en somme la définition d'une temporalité personnelle, les conceptions de soi en tant que perceptions de soi objectivées, et les conceptions du corps autrement dit la définition individuelle d'une corporéité. [...]
[...] Elle ébranle les certitudes qui ont permis l'ancrage social du patient tout comme en témoigne un médecin généraliste faisant ses premiers pas dans la pratique des soins palliatifs, dans des établissements médicaux sociaux de sa région : c'est que de toute façon on peut pas effacer (silence prolongé) la colère de la maladie qui prend les gens trop tôt . la souffrance, la séparation d'avec leur famille. On peut pas effacer l'angoisse de la mort quand même et puis ça, comme médecin, on est parfois . disons peut-être la personne qui allons pouvoir accompagner la personne là dedans, mais parfois pas du tout66. [...]
[...] Il s'agit de pouvoir s'assurer de la capacité de discernement du mourant et du caractère incurable de sa maladie Pour approfondir cette piste de réflexion quant à la nature de la dette du médecin vis-à-vis de son patient, l'ouvrage de Jacques Godbout peut être utile. Cf. GODBOUT J. T., Le don, la dette et l'identité. Homo donator et homo economicus, Paris, Editions La Découverte/MAUSS 159P (912 : 925) Ne participant pas activement à la signification et à l'élaboration du projet thanatologique, le rôle du médecin-conseil n'est plus primaire, mais secondaire. [...]
[...] Qu'elle soit ou non de l'initiative du patient, l'assistance au décès, quelle que soit sa forme, introduit toutes les parties prenantes dans un processus de positionnement identitaire JOAS H., La créativité de l'agir, Paris, Les éditions du Cerf p FOUCART J., La sociologie de la souffrance, Bruxelles, Editions De Boeck & Larcier SA Ibid., p L'absence de sens alternatif au rôle thérapeutique Ayant pour objet les états pathologiques du corps et le contrôle des manifestations de la douleur, l'expertise médicale est partie prenante du rapport que le mourant établit avec son propre corps. La corporéité étant l'un des support de l'identité narrative76, il est envisageable que l'assistance médicale au décès participe du processus de subjectivation inhérent à la construction du statut de défunt. Il s'agit dès lors de saisir les tenants et les aboutissants de la contribution médicale à ce processus de justification et ce que ce dernier implique pour le médecin traitant. [...]
[...] Le propos de ce travail diverge de celui de Marc Mormont sur le point suivant. L'individu peut par lui-même définir le degré de formalisation recherchée au cours de la transaction. Il peut en effet de façon stratégique choisir s'il entend dévoiler le sens initial du projet thanatologique, (selon lequel il mène la transaction), mais aussi déterminer le degré de formalisation auquel est faite la transaction (pour obtenir un arrangement interpersonnel ou une autorisation officielle), dans le souci de générer le moins d'opposition possible à la réalisation du dit projet. [...]
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