Dans cet ouvrage qui analyse les problèmes des banlieues, F. Dubet et D. Lapeyronnie, commencent par constater une évolution historique. La banlieue de l'après deuxième guerre mondiale est encore essentiellement habitée par une population ouvrière intégrée dans la société capitaliste à travers des représentations et des valeurs fournies par le mouvement ouvrier, syndicats, partis politiques. Cette notion traditionnelle de banlieue rouge a disparu avec la tertiarisation de la société. La valeur travail et le rôle des institutions en ont été modifiés.
[...] Les différentes catégories sociales des travailleurs étaient définies par leur position au sein des industries. Le mouvement ouvrier était porteur de leurs revendications et lorsqu'il rentre en conflit avec le patronat arrache des avantages, des droits, des reconnaissances au nom de la société industrielle contre ceux qui exploitent le travail. (p.21). Le pauvre était perçu comme un exploité du système et le chômeur comme une main-d'oeuvre de réserve, donc indirectement productif et partie intégrante de la société. Aujourd'hui, le travail est plus au coeur de l'activité humaine, le loisir, la réalisation de soi sont présentés comme les nouveaux objectifs à atteindre. [...]
[...] C'est donc peut-être moins du côté des immigrés que de celui de la société qu'il faut chercher l'explication de la création d'une population minoritaire en dehors des circuits économiques, enfermée dans des cités déshéritées, à l'écart des principes républicains qui contribuent à renforcer l'exclusion. - La galère Dans le quatrième chapitre, Dubet et Lapeyronnie tentent de décrire la galère, terme donné par les jeunes à leur expérience de vie dans les nouveaux ghettos. La première logique de la galère est celle de la désorganisation sociale. [...]
[...] Toutes ces politiques marquent une transformation profonde des conceptions de l'action publique, notamment en sollicitant l'implication des habitants des cités. Malgré une indéniable modification du climat La réussite de telles politiques a pour effet paradoxal de renforcer l'exclusion et la frustration de la minorité qui n'a pas pu tirer parti. (p.227). Elles ne peuvent compenser le vide créé par une citoyenneté réduite et des acteurs sociaux absents. Dubet et Lapeyronnie terminent leur livre en expliquant que les immigrés ne font en réalité que vivre et subir les transformations de la question sociale en problèmes sociaux. [...]
[...] Dans cette perspective, relevons que les émeutiers de banlieue parlent de dignité, de Droits de l'Homme, d'exclusion et non d'emploi. - L'école a aussi changé L'école était perçue comme une institution républicaine juste face à une société injuste. En effet, elle était vue comme la culture légitime de la nation pouvant seule inculquer aux élèves des valeurs qui devaient leur permettre de devenir citoyens, en quelque sorte : un certificat de citoyenneté véritable (p.24). Aujourd'hui, malgré sa forte présence dans les banlieues (zone d'éducation prioritaire) elle subit une mutation paradoxale avec sa fonction d'intégration. [...]
[...] Les banlieues deviendront une juxtaposition de communautés hétérogènes où l'on ne se connaît plus, amenant un repli sur soi et une peur de l'extérieur. L'ancienne lutte des classes laisse place à une rivalité entre voisins, comme si l'on devait se justifier d'être là dans un HLM en dénigrant l'autre. Ceci engendre une mauvaise réputation venant pas seulement du dehors, mais engendrée par l'hétérogénéité sociale et la faiblesse du lien. (p.70). Dubet et Lapeyronnie ajoutent encore que cette mutation de société éclipse le mouvement ouvrier qui n'apparaît plus comme le moyen d'aller vers une société égalitaire et oblige l'Etat à intervenir, à prendre le relais des associations qui jusqu'alors encadraient les populations ouvrières. [...]
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