Michel Setbon est sociologue, chercheur au Groupe d'analyse des politiques publiques du CNRS. Il a beaucoup travaillé sur les politiques de santé, notamment de lutte contre le sida et le cancer ; et encore aujourd'hui puisqu'il a publié en 2004 un ouvrage intitulé Risques, sécurité sanitaire et processus de décision , ou encore en 2000 un article dans la revue française de sociologie : « la normalisation paradoxale du sida » .
Pour écrire sa thèse, puis Pouvoirs contre sida, Setbon a réalisé une étude de trois ans (entre 1989 et 1992) en France, Suède et Grande-Bretagne. L'ouvrage est paru l'année suivante (en 1993) et prendra de l'importance dans ce qui deviendra « l'affaire du sang contaminé ». Le 6 mai 1993 Setbon écrit un article dans le journal « le Monde » dans lequel il questionne : « Pourquoi la France a-t-elle été, des pays développés disposant d'un système de transfusion sanguine moderne, celui qui a eu le plus grand nombre de contaminés par les produits sanguins ? ». En 1999 cette étude sera encore citée alors que se déroule le « procès du sang contaminé » (cf. « l'Humanité » du 13 février 1999).
On peut dire que le travail de Setbon, plus qu'une référence en matière d'analyse de politique publique a joué un rôle dans le débat qui a entouré les politiques de dépistage du VIH ; c'est donc aussi « une référence essentielle et indispensable pour tous les acteurs du système de santé » . L'auteur est un acteur engagé dans la lutte contre le sida. Sa recherche a été effectuée dans le cadre du programme de l'agence nationale de recherches sur le sida, et il a souvent pris position sur la question, par exemple en poussant, dès 1995 à voir les CDAG comme des modèles en matière de test VIH de prévention-conseil.
Dans cet ouvrage Setbon essaye de brosser un aperçu des politiques de dépistage du sida en œuvre dans trois pays, la France, la Grande-Bretagne et la Suède, et de mettre en évidence leurs similitudes et différences.
Comment le sida est devenu l'objet de politiques publiques et comment se sont opérés les choix en matière de lutte contre la maladie ? L'auteur tente de répondre à cette question au travers d'une enquête sociologique, au cours de laquelle il a pu effectuer des entretiens individuels semi-directifs de « nombre de responsables engagés dans la lutte contre le sida » (p. 11) et pratiquer l'observation participante. Pour Setbon le tournant dans la considération de la maladie, qui devient perçue comme un problème public, se situe dans la mise en place des politiques de dépistage.
[...] Nous le disions en introduction, et ses conclusions le confirment, l'étude de Setbon est centrée sur les acteurs (à la rationalité limitée), leurs stratégies, leurs intérêts, les relations de pouvoir qui naissent entre eux. Ce sont eux qui l'intéressent et voilà pourquoi il pratique des méthodes de micro-sociologie (entretiens et observation), et c'est donc eux qui sont le cœur, pour lui, des politiques mises en œuvre dans ces trois pays. Cette étude s'ancre tout à fait dans la lignée de la sociologie des organisations (l'ouvrage est d'ailleurs dédicacé à Crozier et Thoenig) et Setbon convoque les travaux de Crozier et de Friedberg. Sa définition de la décision est à ce propos particulièrement éclairante. [...]
[...] Au final, la reconnaissance du sida aux Etats-Unis marque la fin de l'immobilité mais va détourner les acteurs politiques de ce groupe médico- administratif : l'attention se concentre sur les transfusions sanguines et sur la course au test de dépistage. La Grande-Bretagne à l'inverse arrive à adapter les ressources disponibles au nouveau problème. L'acteur politique n'a pas à intervenir, les acteurs impliqués s'entendent et arrivent à fonder un consensus sur la question. Le cas de la Suède est radicalement différent. La décision arrive rapidement, alors même que le sida n'y est pas une réalité (de très rares cas). [...]
[...] Pour Setbon, la Grande-Bretagne et la Suède ont affirmé la volonté de répondre à ce problème public mais en privilégiant deux politiques différentes : respectivement l'information et le dépistage. Ces politiques et leurs mises en œuvre découlent directement, pour l'auteur, de l'affrontement qui a eu lieu durant la phase de mobilisation. Ainsi nous avons vu qu'en Suède c'est l'acteur gouvernemental qui a amené le problème dans l'arène politique. C'est lui qui va instrumentaliser l'acteur technique ; et la politique de dépistage lui offre des bénéfices rapides et concrets. La situation est inverse en Grande-Bretagne où le leadership appartient à l'acteur technique pour qui le dépistage présente trop d'inconvénients. [...]
[...] Pour Setbon, ces acteurs (qui diffèrent selon les pays : associations d'homosexuels, acteurs administratifs, médecins, etc.) deviennent un élément décisif de la mobilisation. Si la réaction face à l'émergence de la maladie diffère tant d'un pays à l'autre c'est parce que la réunion d'acteurs autour du problème ne s'est pas construite de la même manière. Il est donc nécessaire de s'intéresser à eux et à leurs stratégies pour comprendre comment se construisent les décisions quant à la lutte contre la maladie (la deuxième phase, celle de la politique de dépistage). [...]
[...] Il étudie donc en quatre temps les politiques de dépistage et de leur place dans la lutte contre l'épidémie en France, en Grande-Bretagne et en Suède, pour finir par une analyse comparative de ces trois cas. Pour Setbon, le sida, de par sa singularité, met en évidence les propriétés le plus souvent imperceptibles dans un fonctionnement routinier d'un système antérieurement construit, ses fragilités et ses résistances au changement. (p. 16). Le sida a perturbé le système organisé existant, car il n'obéissait pas à ses règles. [...]
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