"Prison : une ethnologue en centrale", Léonore Le Caisne (2000)

Résumé du document

Le contexte dans lequel s'inscrit cet ouvrage est celui d'une prise de conscience des conditions de détention des détenus. Véronique Vasseur, médecin-chef de la maison d'arrêt de la Santé a établi, en 1999, un constat affligeant sur la réalité pénitentiaire. Suite à ce constat, les députés et sénateurs ont visité les prisons françaises. Ils ont ensuite établi des rapports pour mobiliser des crédits nécessaires à la rénovation et à la reconstruction de nouvelles prisons.

L'ouvrage s'inscrit donc dans le contexte de l'adoption de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, qui accorde aux condamnés des droits dans le cadre des procédures relatives aux mesures d'individualisation de la peine.

Le point de départ de l'auteur est la volonté de connaître la raison pour laquelle la prison n'est plus une solution efficace pour permettre la réinsertion d'un condamné. L'explication de l'échec qui consiste à penser qu'il est lié à l'insalubrité des locaux, à l'offre d'emplois peu qualifiés ou même au monde imaginaire dans lequel l'incarcération enferme les condamnés est écartée. L'échec de la prison s'explique par la situation « infernale » dans laquelle les détenus se trouvent. Cette situation les empêche de se construire ou de se reconstruire.

Extraits

[...] Pour les détenus, ces deux figures permettent l'admiration des autres détenus. La troisième figure est composée de deux figures qui sont le mec bien figure de référence, et le sale type figure accusatoire. L'inconvénient de ces figures est que le détenu se voit toujours mieux que les autres ne le voient. Pour étayer cette admirable image, les condamnés usent de faux-semblants qui consistent à travestir la vérité sur leur infraction en enjolivant les faits ou en en omettant certains, en expliquant avoir été victime de fabrication de preuves par la police. [...]

[...] La justification d'une telle attitude résulte de l'idée selon laquelle un tel fonctionnement est pédagogique. Cela permet l'évolution constante et personnelle du détenu grâce à sa volonté propre. Afin d'obtenir des mesures d'individualisation, le détenu doit se conformer aux exigences d'une société qui l'a exclu et se détacher de ses codétenus. En effet, le condamné se trouve dans deux situations. Quand il est soumis à la période d'observation du juge, il est encore avec ses codétenus et se rapproche du personnel pénitentiaire. [...]

[...] "Prison : une ethnologue en centrale", Léonore Le Caisne (2000) L'auteur Léonore LE CAISNE est une ethnologue contemporaine qui a travaillé et enseigné à l'université Paris X-Nanterre. En 2000, elle établit une thèse de doctorat ayant pour sujet Condamnés à une moyenne ou longue peine. Une ethnographie de la vie carcérale à la maison centrale de Poissy Pour ce faire, elle s'est rendue quotidiennement à la maison centrale de Poissy, celle de Fresnes et la maison d'arrêt de la Santé. [...]

[...] Cette quête s'accentue dans les rapports avec le personnel pénitentiaire et judiciaire, qui représente des intervenants du monde extérieur. Ce qui participe de l'interrogation et surtout de la difficile quête d'identité résulte des contradictions auxquelles le détenu est confronté ; il doit, d'une part, se conformer à une logique d'opposition par rapport au personnel et à la société. D'autre part, il doit se conformer au citoyen. Ces deux logiques contradictoires sont censées permettre au détenu de se construire une identité stable. [...]

[...] Il existe, alors, une cohérence identitaire. Or, le détenu se situe dans des incohérences puisqu'il se trouve partagé entre ses valeurs morales personnelles liées au monde extérieur et celles qui proviennent de son statut de condamné. De plus, le détenu est confronté à des instabilités. Celles-ci ont pour origine différents mouvements mentaux comme physiques. Cela est lié à l'idée selon laquelle le condamné est amené à changer de valeurs morales au fur et à mesure de l'écoulement de sa peine et au fonctionnement de la prison avec ses arrivées et départs continus. [...]