Patrick Pelloux est médecin urgentiste au SAMU de Paris, président de l'Association des médecins urgentistes de France, chroniqueur à Charlie Hebdo, à Europe 1 et au magazine de la santé de France 5. Il est l'auteur d'Histoires d'urgences.
Chaque année 15 millions de personnes sont prises en charge aux urgences des hôpitaux ; 16 millions téléphonent aux SAMU. Mais à côté du formidable il y a le détestable : la fermeture de services d'urgences la nuit, le manque d'infirmiers et de lits d'aval aux urgences, la querelle des médecins spécialistes contre les urgentistes…
En un siècle et encore plus rapidement ces 10 dernières années, la France a su moderniser considérablement ses services d'urgences, mais à la demande du pouvoir politique et des institutions de la république. Le rapport Steg du CES de 1988 a été un tournant dans l'organisation des services d'urgences. Dans la culture médicale d'aujourd'hui, le soin urgent est souvent vécu comme une contrainte, pas rentable, plus qu'un devoir déontologique et éthique. Il y a un retard sur les formations, un stress épouvantable, un manque de personnel et une saturation extrême des contraintes. L'organisation des services d'urgences dans les hôpitaux est très en retard par rapport aux SAMU qui ont été structurés par les anesthésistes et d'emblée la logistique y a pris toute son importance.
[...] La France en est encore dans le rapport de force enseignant/étudiant. Il faut réformer les études de médecine pour qu'elles soient plus courtes dans la formation initiale et renforcer sur la formation continue. Elles doivent être proches du monde du travail. Il est temps que le savoir devienne un partage et pas une ligne de force et de hiérarchie. Il faut supprimer l'examen final, diminuer l'ensemble d'une année, mettre en place le revenu minimum étudiant, favoriser la mixité sociale, l'accès à ces études par des filières littéraires, et les changements de spécialité au cours de la vie. [...]
[...] C'est un monde élitiste. Les étudiants en médecine sont à cheval entre le ministère de la Santé et celui de l'Education nationale. Monde médical figé : choisir une spécialité à 22 ou 23 ans et ne plus pouvoir changer Pour leur 1er stage, ils ont toujours l'impression de déranger, mal accueillis, vu comme éléments perturbants. Les médecins ne sont jamais préparés à la gestion des équipes, à la gestion financière, logistique. Les années 70 ont changé la vision des médecins : il est désormais représenté derrière son bureau, s'éloigne du malade, publie en anglais tout et n'importe quoi, est en réunion. [...]
[...] On peut évoquer le manque de moyens, mais avec 40000 publications entre 2000 et 2006 c'est surtout le manque d'ambition qui fut souligné. Plus de 2 médecins hospitalo-universitaires sur 3 ne publient jamais aucun article scientifique ! Certains disent que le problème est la féminisation de la profession. Mais les femmes ont une solution pour la prise en charge d'un certain nombre de considérations : combat pour la pédopsychiatrie, avortement. Leur présence impose une réflexion sur le temps de travail. Aucun texte officiel ne définit la durée d'une demi-journée : pour certains médecins elle compte 2 heures, pour d'autres 6. [...]
[...] L'éthique est à tous. Et toc ! Le souci économique prend la priorité sur le monde médical avec la tarification à l'activité, la naissance de départements médicaux, de systèmes informatiques et de statistiques Comment soigner correctement quand on constate une souffrance très importante du monde médical ? Chacun a son histoire de suicide dans sa profession. Les médecins sont la catégorie des cadres ayant l'espérance de vie la plus faible ans de moins que la moyenne des cadres. L'angoisse de cette profession est due à la peur de son impuissance par rapport à la maladie et au malade et à agir sur une hyper-administration. [...]
[...] La notion même d'entreprise n'est pas applicable à l'hôpital, de par sa mission fédératrice de soigner toutes les souffrances. Le projet de loi de R Bachelot vise à mettre un gros hôpital par région et des petits satellites, ce qui signifie donc des fermetures de lits. Le rapport Larcher veut permettre aux cliniques de faire de la permanence de soins. Ainsi, une des missions de l'hôpital se voit remise en cause. L'intérêt général sera-t- il respecté ? Il faudra un jour abandonner le paiement à l'acte des médecins, qui est un système hyperinflationniste, pour une rémunération en salaires. [...]
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