L'ouvrage de Lilian Mathieu présente une analyse de trois mobilisations apparues dans l'espace prostitutionnel. On remarque que ce sont les individus les plus défavorisés, vivant dans les conditions les plus précaires, qui se révoltent le moins contre cette situation négative et l'ordre social. Ils ont les meilleures raisons de se révolter et pourtant ils ne le font pas ce qui nous amène à nous interroger sur les raisons de ce silence.
L'action contestataire des hommes et femmes prostitués peut être qualifiée d'improbable, parce qu'elle fait apparaître des carences et des influences négatives qui rendent impossible la concrétisation d'une mobilisation. D'ailleurs, les trois exemples étudiés par L. Mathieu représentent trois rares exemples. Nous allons donc nous intéresser à ces carences qui révèlent le fait que les prostitués forment un groupe aux contours indécis et à l'identité incertaine.
L'action collective des prostituées semble plus coûteuse, plus difficile à mettre en place, plus aléatoire, car c'est un groupe stigmatisé et dépourvu de ressources (politiques par exemple) comme de tradition protestataire, et caractérisée par une faiblesse organisationnelle. Et pourtant, ce sont l'acquisition et la mobilisation de ressources qui permettent aux individus de passer de l'acceptation fataliste de leur sort à l'action revendicative.
L'étude des trois exemples va montrer que, dès lors qu'elles se dotent de certaines ressources comme une connaissance pratique des formes de l'action protestataire ou des canaux de communication avec les autorités publiques ou avec les médias, elles peuvent espérer parvenir à se mobiliser efficacement. On verra que ce sont les alliances qu'elles vont construire qui vont les doter de moyens d'action et leur donner une certaine consistance.
On portera aussi un intérêt au portrait biographique de certains acteurs. La trajectoire et les origines sociales dotent de ressources individuelles certains individus et leur donnent la capacité de se mobiliser et s'investir dans l'action collective. Cet investissement peut devoir à des stratégies de rattrapages ou de repositionnement social par des personnes marquées par un violent déclassement et pour lesquelles la revendication d'une déstigmatisation de leur activité peut constituer une tentative de reclassement.
[...] Elle n'a jamais vraiment été intégrée à la prostitution. San Francisco est connu pour le poids qu'a su conquérir sur le plan politique la communauté homosexuelle. Donc le développement de Coyote a bénéficié d'une attitude tolérante. Et l'organisation a tissé des liens avec le courant lesbien (sexualité déviante : il n'y a rien de plus important pour les lesbiennes que l'autonomie sexuelle pour les lesbiennes et c'est pareil pour les prostituées) du mouvement des femmes. Les fonds de Coyote proviennent de dons, de cotisations, de rétributions de conférences et de l'organisation de bal annuel (=notoriété à l'extérieur de l'espace prostitutionnel) adhérents proclamés en 1980 mais l'organisation n'a pas su s'attacher durablement des membres actifs. [...]
[...] Entre le mois de mars et août 1974 trois d'entre elles sont assassinées. Les motifs d'indignation augmentent, certaines reçoivent des avis d'imposition basés sur des estimations de revenus et sont remises à l'ordre du jour les lois condamnant à des peines de prison les récidivistes de racolages. Cela suscite une grande émotion chez elle, si elles sont incarcérées alors elles sont dévoilées au grand jour à leur famille et risquent de perdre leurs enfants. La répression policière déclenche l'action mais elles avaient déjà conscience de leur stigmatisation et de l'oppression. [...]
[...] C'est la politique de rafle adoptée par la police depuis 1972 qui a contribué à favoriser l'interconnaissance et la solidarité entre prostituées. Cette opération est le début d'une conquête de légitimité. Le premier jour de l'occupation elles ont d'abord dû mettre en avant leur identité de mère. Elles entrent dans le déni de toute disposition libidineuse, elles ont la volonté de dé- sexualisation de leur image. Quand elles se présentent en public elles portent des vêtements très stricts et évitent tout contact corporel avec les hommes. Le mouvement des prostituées reste dans la dynamique des nouveaux mouvements sociaux. [...]
[...] L'une des membres de De Roze Draad, est militante féministe et assistante parlementaire des députés européens écologistes hollandais. Le Parlement européen deviendra donc le cadre du second Congrès, première reconnaissance politique de la cause des prostituées. Cela provoque l'embarras au Parlement. Certaines précautions sont prises pour satisfaire l'exigence de discrétion et l'indispensable apparition dans les médias (tout le monde se masque pour éviter l'auto-désignation par les tentatives de dissimulation). Un ministère belge subventionne grâce à des féministes. Relation ambivalente avec les médias. En octobre pays et une centaine de prostituées. [...]
[...] Aides est créée en 1984 par Daniel Defert, sociologue compagnon de Michel Foucault, mort du sida. Sa croissance est rapide. Les membres sont issus de couches favorisées de la population, à fort capital culturel. Il n'y a pas de césures entre bénéficiaires et prestataires, et pas de nécessité de compétences professionnelles spécifiques. L'association se crée dans le contexte de crainte de surgissement de l'homophobie mais ne veut pas être catégorielle donc n'affirme pas l'identité homosexuelle. D'où son action auprès des prostituées. [...]
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