Le problème de la ségrégation urbaine en France ne se limite pas à quelques centaines de quartiers dévastés par l'échec et la pauvreté. Ceux-ci ne sont que la conséquence la plus visible de tensions séparatistes qui traversent toute la société, à commencer par ses élites. À ce jeu, ce ne sont pas seulement des ouvriers qui fuient des chômeurs immigrés, mais aussi les salariés les plus aisés qui fuient les classes moyennes supérieures, les classes moyennes supérieures qui évitent les professions intermédiaires, les professions intermédiaires qui refusent de se mélanger avec les employés, etc. Le phénomène est d'autant plus préoccupant qu'en enfermant le présent, les fractures territoriales verrouillent aussi l'avenir des individus et les assignent à des destins sociaux écrits d'avance. Tel est l'enseignement de cette enquête au cœur du « ghetto français », qui révèle une société marquée par la défiance et la recherche de l'entre-soi, et découvre en chacun de nous un complice plus ou moins actif de la ségrégation urbaine.
[...] Le ghetto français Enquête sur le séparatisme social Éric Maurin est ancien élève de l'Ecole polytechnique (1981) et diplômé de l'Ecole Nationale de la Statistique et de l'Administration Economique (ENSAE). Chercheur au Groupe de recherche en économie et statistique (Grecsta, CNRS), administrateur de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), il est l'auteur de nombreux articles sur l'emploi et les politiques sociales. Synthèse Dans son enquête sur le séparatisme social, Eric Maurin s'appuie sur les données de l'enquête «Emploi», menée chaque année par l'Insee, pour analyser les mécanismes de ségrégation urbaine, leur évolution et leur impact sur les destins individuels et pour faire un bilan des politiques sociales mises en place. [...]
[...] Le fait marquant dans notre société d'aujourd'hui n'est donc pas tant l'inégalité des revenus que l'inégalité des statuts. En particulier, les écarts se creusent entre diplômés et non diplômés. Pour les formations, la France reste enfermée dans un système binaire : les grandes écoles et le reste, qui contribue à classer les individus, à dégager des élites tout en rejetant les autres. Pour l'auteur, le déverrouillage et l'apaisement social passeront par l'évolution d'une école plus souple et plus soucieuse de la réussite de tous. [...]
[...] Pour Eric Maurin, les politiques publiques doivent concentrer leurs efforts en direction des jeunes enfants et adolescents les plus démunis et éviter de se disperser sur un trop grand nombre de bénéficiaires. Mais n'est-il pas alors à craindre que cette orientation provoque un sentiment d'abandon voire d'injustice chez ceux qui ne bénéficieraient alors plus de ces aides directes ? On a pu d'ailleurs observer le malaise des classes moyennes qui ne peuvent plus, aujourd'hui, éviter le rapprochement avec les classes populaires et chez qui un certain nombre a exprimé son désarroi en votant pour l'extrême droite à l'élection présidentielle de 2002. [...]
[...] D'après l'auteur, c'est parce qu'elles s'attaquaient aux conséquences, mais pas aux causes de l'anxiété sociale : la précocité et l'irréversibilité des mécanismes d'enfermement des individus dans des destins écrits d'avance». En cloîtrant le présent dans des territoires, c'est aussi l'avenir que l'on enferme. De plus, ces politiques ont contribué à stigmatiser ces quartiers aidés D'autres pays procèdent autrement. En Hollande notamment, les enfants de chômeurs et d'immigrés reçoivent deux fois plus d'aides publiques que les autres pendant une durée déterminée. Et au terme de la période, une évaluation est faite. [...]
[...] Ainsi, Jacques Donzelot, oppose un volontarisme à la française qui s'attache à réparer les lieux à un modèle américain qui lui, remettrait plutôt les gens en mouvement. Il expose en particulier le succès aux Etats Unis des community development corporations (CDCs), organisations de quartier en partie contrôlées par les habitants qui ont la mission globale de gérer le développement économique et social, l'éducation et le logement. Si cette politique n'est vraisemblablement pas directement transposable en France, il s'agit d'en tirer profit en poursuivant les études à ce sujet. [...]
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