Le dernier ouvrage de Christine Musselin est l'aboutissement d'une recherche collective menée dans trois pays sur le thème délicat des carrières universitaires et plus particulièrement leur recrutement. S'inscrivant dans la lignée du Centre de Sociologie des Organisations, ce travail privilégie les principes généraux de régulation des systèmes étudiés plutôt que les exceptions et les anomalies qui servent par ailleurs fréquemment à dénoncer le manque de transparence des recrutements. C'est pourquoi, contrairement aux études centrées sur l'issue du jugement, que ce soit pour constater son universalisme ou à l'inverse son particularisme, l'auteur propose de s'intéresser au « jugement en train de se faire » (p.144), adoptant ainsi une posture compréhensive des décisions « qui s'attache à comprendre leurs ressorts plutôt qu'à apprécier s'ils sont ou non conformes à l'idéal de l'ethos scientifique » (p.13). Pour analyser comment les recrutements ont lieu, l'ouvrage a été établi à partir d'un important travail de terrain constitué, outre la littérature réglementaire et professionnelle, d'un corpus de plus de deux cents entretiens semi-directifs menés auprès d'enseignants-chercheurs participant aux commissions de recrutement ainsi que de responsables universitaires (doyens, etc.). Afin de pouvoir mieux décontextualiser les pratiques de recrutement, Le marché des universitaires s'inscrit dans une démarche comparatiste permettant de confronter trois pays aux traditions universitaires distinctes. Alors que le système universitaire français garantit la primauté des pairs dans le processus de recrutement, en Allemagne l'administration des Länders, peu ouverts aux logiques de discipline, joue un rôle considérable. Le « modèle américain », très hétérogène selon les Etats et les établissements, se caractérise enfin par une gestion des postes et carrières par les universités elles-mêmes et une forte incertitude quant à la titularisation (tenure) même après l'embauche. La comparaison a été limitée à deux disciplines toutes deux peu en lien avec le marché de l'emploi non universitaire afin de limiter les biais possibles : l'histoire et les mathématiques. « Même si les marchés du travail pour les deux disciplines qui nous intéressent sont assez semblables (c'est-à-dire peu florissants dans les trois pays), ils se développent à chaque fois dans des contextes institutionnels peu comparables […] La France reste caractérisée par une entrée précoce sur des emplois permanents et des déroulements de carrière peu différenciés » (p.66)
[...] Fiche de lecture de l´ouvrage marché des universitaires : France, Allemagne, Etats-Unis”, écrit par Christine Musselin Le dernier ouvrage de Christine Musselin est l'aboutissement d'une recherche collective menée dans trois pays sur le thème délicat des carrières universitaires et plus particulièrement leur recrutement. S'inscrivant dans la lignée du Centre de Sociologie des Organisations, ce travail privilégie les principes généraux de régulation des systèmes étudiés plutôt que les exceptions et les anomalies qui servent par ailleurs fréquemment à dénoncer le manque de transparence des recrutements. [...]
[...] Interroger le processus de recrutement à partir de l'interview des seuls enseignants chercheurs apparaît délicat. D'autant plus, deuxième regret, qu'en dépit de son inscription crozérienne Christine Musselin ne restitue pas les rapports de force dans lesquels s'inscrivent les acteurs. Aucun recrutement n'est d'ailleurs directement décrit. Si on comprend la volonté de l'auteure de privilégier le processus par rapport au cas, on peut regretter une sociologie trop souvent désincarnée. Les dispositions sociales des acteurs sont ainsi rarement mentionnées. L'apprentissage des participants aux commissions aurait pu être par exemple davantage pris en considération. [...]
[...] Cette stabilité inattendue des modes opératoires observée dans chaque discipline s'explique selon l'auteure par la récurrence des recrutements et la régularité des personnes qui y participent. Mais quels sont les critères du jugement à partir desquels s'effectue le recrutement des universitaires? Quel que soit la discipline ou le pays considéré, on peut remarquer la diversité des critères pris en compte. Etre un bon chercheur ne suffit pas. Dans tous les départements étudiés, il faut également être un bon collègue (p.163). Ainsi à l'aptitude à la recherche, s'ajoutent la capacité à enseigner ainsi que la personnalité du candidat. [...]
[...] L'analyse des logiques sociales de la construction de l'offre (Chapitre permet en premier lieu de distinguer trois modèles qui renvoient aux configurations universitaires propres à chaque pays. A la régulation communautaire française, selon l'expression de Catherine Paradeise, où le ministère reconnaît à la profession la légitimité de s'autogérer (p.83), s'oppose la régulation conjointe allemande caractérisée par l'interventionnisme volontariste des ministères de Land allemands et le faible poids de la profession universitaire (p.84). Enfin aux Etats-Unis apparaît un modèle négocié, où l'université est le lieu d'intégration entre les contraintes externes, les exigences liées à leur positionnement au sein du système universitaire et les demandes des départements, qui eux-mêmes ne sont pas imperméables aux contraintes externes (p.79). [...]
[...] Abandonnant l'hypothèse de l'homogénéité de l'offre, Christine Musselin interroge alors la définition du meilleur candidat (Chapitre 4). Il semblerait que selon les établissements et les disciplines considérés on puisse distinguer deux idéaux types qui varient entre le chercheur avant tout» et le bon citoyen On admettra du premier qu'il s'investisse peu dans l'enseignement ou la gestion du département, tandis que le second ne mettra jamais sa recherche au-dessus de tout. Au final, et ce contrairement à la phase précédente marquée par les modèles nationaux, le choix des candidats reste par conséquent très largement entre les mains et sous la responsabilité de la profession universitaire [ ] et est peu exposé à des logiques externes aux départements, quels que soient les pays considérés ou le statut, privé ou public, des établissements étudiés (p.219). [...]
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