Introduction
L'objectif de cet ouvrage est de nous mettre sur la piste d'une nouvelle conception de la formation des enseignants. Il s'agit dans un premier temps de faire un état des lieux et dans un deuxième d'ouvrir de nouvelles perspectives. La démarche est anthropologique et d'emblée les auteurs distinguent une anthropologie scolaire idéale qui serait « l'étude de ce que l'homme aménage pour favoriser son propre destin humain » et une anthropologie scolaire réelle qui se révèle teintée de ?désaffiliation', aux prises avec le délitement social.
Chapitre 1 : Le concept de désappartenance : assistons-nous à la naissance d'un nouveau peuple scolaire ?
L'école d'aujourd'hui est très différente de celle de Jules Ferry. L'une et l'autre s'élaborent dans des contextes différents autrement dit dans des systèmes de valeurs différents. De l'une à l'autre, l'histoire (et en particulier les guerres mondiales) a fait son oeuvre. C'est progressivement ?l'interdit du droit de se plaindre' (qui en quelque sorte caractérise l'école de Jules Ferry et les relations qui peuvent s'y nouer entre maitres et élèves) qui disparaît au profit d'y nouveau rapport à l'école, rapport qui se teinte d'adhésion, d'opposition ou comme dans la majorité des cas d'une adhésion de principe avec engagement calculé.
D'après nos auteurs on peut dresser une typologie des manières dont se structure aujourd'hui le psychisme des élèves. Il peut se structurer dans un harmonieux rapport aux différentes instances (famille, école, groupe d'appartenance, ordre établi) il s'agit du ?Moi étayé et étayant ; il peut se structurer dans un rapport plus distant, plus décroché et entrer dans un processus de ?déparentalisation' le poussant par ailleurs à s'organiser face au monde, acte que nos auteurs nomment alors ?autoparentalisation', il s'agit du ?Moi sur la défensive' ; lorsque le rapport aux instances est plus fortement dégradé, dans le cas par exemple de difficultés familiales, ou de difficultés scolaires, un clivage Moi social/Ca ; lorsque le rapport aux instances est totalement dégradé, l'éclatement du moi est plus accentué, le sujet fonctionne sous le mode de la non-pactisation. (...)
[...] La classe doit ainsi être conçue et vécue comme ayant un Moi propre, une histoire Elle fonctionne fondamentalement sous la modalité de la coopération car chacun est soucieux du sort de l'autre et que l'autre est considéré comme partie du Moi groupal. Elle constitue un espace où chacun est considéré comme étant un interlocuteur valable. Assuré de la validité de son appartenance, le sujet cherche cependant à la pérenniser en apportant au groupe ce qu'il peut lui apporter. L'appartenance au groupe entraîne en fait le désir d'apporter probablement afin de faire perdurer le lien, en tout cas dans l'intention de se rassurer sur la validité d'appartenance. [...]
[...] Conclusion L'objectif de l'école, au-delà des apprentissages et des savoirs, c'est la formation d'un certain type de rapport humain. Le sens de l'école dépend de la manière dont la culture est pensée, soit dans son acceptation rétrospective (la culture est héritage, et grossièrement l'enseignement est transmission de cet héritage), soit en tant que contribution à la lutte actuelle (il s'agit d'élucider le monde actuel), soit en tant que travail de solidarité avec les générations montantes (ce que décrit Lévine). Le vocabulaire de Jacques Lévine dans cet ouvrage : Autoparentalisation : déparentalisé, le sujet s'auto proclame parent de lui- même. [...]
[...] Moi groupal de deuxième type : Moi qui s'élabore au sein du groupe, il est dit de deuxième car il présente la particularité de se positionner comme parent d'une entité dont il fait lui-même parti : le groupe. Apportance : ce que le sujet est capable d'apporter au groupe, le sentiment d'apportance nourrit celui d'appartenance et celui de progrédience. Progrédience : sentiment que le sujet ressent lorsqu'il se sent en progrès grâce à la dynamique contre don' au sein du groupe. [...]
[...] Il doit également présenter les savoirs comme relevant d'une curiosité ‘matricielle' sur la raison d'être des choses. Les savoirs doivent ainsi être présentés comme appartenant à un ensemble de lois cachées qu'il faut découvrir en expérimentant, en réfléchissant, en formulant des hypothèses en s'impliquant totalement dans la recherche de vérité'. Cette totalité d'implication nécessite que l'élève ne soit pas regardé uniquement au travers de son Moi cognitif (ordinairement valorisé à l'école) mais qu'il soit regardé dans sa pluri dimensionnalité. Pour décrire cette totalité, Lévine utilise la métaphore du Moi Maison (qui symbolise l'élève total), ce Moi est composé du Moi pulsionnel (Moi cave, Moi originaire), du Moi social (qui lui-même est composé de plusieurs pièces [Moi familial, Moi cognitif, Moi identitaire] qui communiquent entre elles), et du Moi fictionnel, Moi du grenier qui permet à l'élève de s'inventer, de se construire, d'échapper aux conflits entre Moi cave et Moi social le Moi qui se raconte dans une vision idéale de lui-même. [...]
[...] L'enseignant doit créer les conditions d'émergence d'un sentiment fort d'appartenance au groupe classe, l'élève doit pouvoir se sentir bien territorialisé pour pouvoir souhaiter entrer dans les apprentissages et pour pouvoir souhaiter le faire au regard de tous. Le sentiment d'appartenance doit satisfaire trois autres conditions : faire découvrir aux élèves le sentiment de progrédience, développer en eux le sentiment d'appartenance à l'universel, s'intéresser à eux dans leur pluri dimensionnalité. Le désir de progrédience est largement alimenté par le plaisir d'être reconnu comme apportant au groupe. [...]
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