Le premier livre de pédagogie à lire pour ceux qui se destinent à travailler en relation avec l'enfance inadaptée. Pourtant aucune théorie ici. "Graine de crapule", c'est un petit recueil de propos, une soixantaine de pages de formules, d'aphorismes, de paradoxes et de paraboles qui jouent à bousculer tout ce qui semble établi, une sorte d'outil de déminage écrit par un éducateur libertaire et en marge de toute méthode ou de toute institution.
"Si tu joues au policier, ils joueront aux bandits. Si tu joues au bon Dieu, ils joueront aux diables. Si tu joues au geôlier, ils joueront aux prisonniers. Si tu es toi-même, ils seront bien embêtés".
"Celui-là que tu traites d'indifférent et d'endormi, as-tu vu avec quelle adresse et quelle vivacité il est capable de chiper un gâteau dans une pâtisserie pleine de clients ? Il vit. Rien n'est perdu."
"Tu n'obtiendras rien de la contrainte. Tu pourras à la rigueur les contraindre à l'immobilité et au silence et, ce résultat durement acquis, tu seras bien avancé."
Fernand Deligny:
Pédagogue français (Bergues, Nord, 1913 — Monoblet, Gard, 1996).
Fernand Deligny occupe une place singulière dans l'histoire de la pédagogie: son itinéraire, fait de tentatives originales et de ruptures successives, l'a conduit à se situer de plus en plus en marge des institutions officielles dont il conteste radicalement le pouvoir.
Après des études de philosophie, il devient instituteur (1937) puis éducateur et responsable d'établissements. Il travaille auprès d'adolescents à l'hôpital psychiatrique d'Armentières (1938-1943), qu'il tente de transformer en proposant des activités et des sorties. Responsable du Centre d'observation et de triage de Lille (concernant de jeunes délinquants) de 1944 à 1946, il supprime les sanctions, laisse aux jeunes une grande liberté, encourage les échanges avec l'extérieur. De 1947 à 1950, il fonde et anime à Paris un réseau alternatif, la Grande Cordée, permettant à des jeunes en difficulté d'échapper aux internats, de faire des séjours d'essai chez des artisans et d'y apprendre un métier. Cette expérience est relatée dans les Vagabonds efficaces (1947). Détaché au laboratoire d'Henri Wallon (1950), il décide, à partir de 1953, de vivre à la campagne pour s'occuper d'enfants souffrant de troubles psychologiques profonds. Influencé par la pensée de Célestin Freinet, il est partisan d'une nouvelle pédagogie visant à mettre l'enfant en prise directe avec la réalité, avant toute action thérapeutique préalable.
Rejetant l'institutionnalisation professionnelle, il s'installe à partir de 1967 avec quelques amis près de Monoblet, dans les Cévennes, et y organise l'accueil d'enfants autistes gravement atteints, les libérant des contraintes de l'hôpital et les «laissant vivre dans la vacance du langage» (Nous et l'Innocent). Pour Deligny, il ne s'agit pas de forcer l'enfant à s'adapter à la société : c'est en lui offrant un milieu favorable, une «présence proche» dépourvue de toute intention éducative, que l'adulte permettra au jeune d'agir et d'évoluer (le Moindre Geste, et les Détours de l'agir, 1979).
Libertaire, enfin, il refuse les dogmes et les vérités préétablies, leur préférant une forme de questionnement perpétuel. "Etrange, insaisissable, déconcertant. Toujours ailleurs que là où l'on croit le situer. S'employant au demeurant lui-même, assidûment, à brouiller les pistes" (R.Genti).
[...] Toujours ailleurs que là où l'on croit le situer. S'employant au demeurant lui-même, assidûment, à brouiller les pistes" (R.Genti). Graine de crapule (1945) Inutile de venir chercher dans ce livre des outils, une méthode ou un quelconque concept pédagogique. La démarche de Deligny n'a pas débouché sur une littérature utilitaire : il s'agit plutôt d'une pédagogie de l'être, d'une ouverture. C'est une invitation permanente à penser, à rêver, à aimer, à agir par soi-même Dans "Graine de crapule" se rejoignent la maxime, le journal, la notation, le portrait-express, au contact des gosses dits "difficiles". [...]
[...] Cette expérience est relatée dans les Vagabonds efficaces (1947). Détaché au laboratoire d'Henri Wallon (1950), il décide, à partir de 1953, de vivre à la campagne pour s'occuper d'enfants souffrant de troubles psychologiques profonds. Influencé par la pensée de Célestin Freinet, il est partisan d'une nouvelle pédagogie visant à mettre l'enfant en prise directe avec la réalité, avant toute action thérapeutique préalable. Rejetant l'institutionnalisation professionnelle, il s'installe à partir de 1967 avec quelques amis près de Monoblet, dans les Cévennes, et y organise l'accueil d'enfants autistes gravement atteints, les libérant des contraintes de l'hôpital et les «laissant vivre dans la vacance du langage» (Nous et l'Innocent). [...]
[...] Mais le jour où tu viendras les mains vides, ils te traiteront de grand dégueulasse. Si tu veux faire ton travail, apporte leur une corde à tirer, du bois à casser, des sacs à porter. L'amour viendra ensuite, et là n'est pas ta récompense." Enfin, certains propos de Deligny cherchent à donner du sens à l'éducatif, à définir l'éducateur, à révéler son impuissance, parfois, ou bien à mesurer ses réussites. "Si quelques-uns que tu auras "améliorés", une fois sortis, se conduisent mal, c'est, penseras-tu, que le reste du monde est à rééduquer. [...]
[...] "Graine de crapule", c'est un petit recueil de propos, une soixantaine de pages de formules, d'aphorismes, de paradoxes et de paraboles qui jouent à bousculer tout ce qui semble établi, une sorte d'outil de déminage écrit par un éducateur libertaire et en marge de toute méthode ou de toute institution. "Si tu joues au policier, ils joueront aux bandits. Si tu joues au bon Dieu, ils joueront aux diables. Si tu joues au geôlier, ils joueront aux prisonniers. Si tu es toi-même, ils seront bien embêtés". "Celui-là que tu traites d'indifférent et d'endormi, as-tu vu avec quelle adresse et quelle vivacité il est capable de chiper un gâteau dans une pâtisserie pleine de clients ? Il vit. Rien n'est perdu." "Tu n'obtiendras rien de la contrainte. [...]
[...] Il conseille, il explique, il interroge surtout, et, par la grâce de la métaphore et de la poésie, ces situations prennent une valeur durable et universelle et amènent à réfléchir d'une manière plus générale sur le rôle de l'éducateur, sur ses convictions, ses actions, sa pédagogie et lui insufflent une vague de liberté, de douce folie. Capables de tout ? A toi le "tout". F. DELIGNY Graine de crapule Editions du Scarabée 48 FF ( 7.5 ) La première édition de Graine de crapule a été publiée dans la collection Tentatives Pédagogiques, Editions V. Michon, en 1945. [...]
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