L'influence rousseauiste ou pestalozzienne, comme on voudra, a des échos dans la géographie de Reclus, non seulement sur sa méthode, mais aussi sur son rapport au dogme protestant familial dont il s'émancipe, notamment par la géographie. En effet, si l'explication du monde provient de l'observation sensible de la nature, de son expérience, alors la causalité naturelle élimine toute finalité de caractère providentiel ; ainsi s'exprime-t-il à ce sujet à la p. 126. de L'Evolution, la Révolution et l'Idéal anarchique "Actuellement la religion seule se réclame de Dieu comme révélateur de toute vérité, tandis que la science, ayant coupé le pont qui rattachait l'Homme à l'Inconnu, ne cherche la vérité que dans l'observation de la nature, contrôlée par l'expérience et guidée par elle d'hypothèse en hypothèse". La "vérité" que Reclus mentionne et recherche dans l'Homme et la Terre, est une organisation naturelle du monde, qui fonderait une organisation anarchique de la société. Ainsi se dessine un horizon idéologique reclusien, qui conditionne la démarche géographique. A cet égard, nous pouvons situer Reclus parmi les théoriciens de l'anarchie (citer Proudhon, Bakounine et Kropotkine + citer Reclus). L'Homme et la Terre peut ainsi être aussi compris comme une entreprise de légitimation des théories de l'anarchie (théories de l'individu) ; ce qu'appuie la conclusion de la préface de l'Homme et la Terre, qui met en exergue que : "la "lutte des classes", la recherche de l'équilibre et la décision souveraine de l'individu, tels sont les trois ordres de fait que nous révèle l'étude de la géographie sociale". La référence à l'expression de Marx "lutte des classes" souligne ici à quel point l'Homme et la Terre a sa place dans une historiographie des théoriciens libertaires, des penseurs des rapports de l'Etat à l'individu. Nous pouvons, à cet endroit, nous demander si l'Homme et la Terre ne constitue pas, par certains aspects, une argumentation géographique d'un idéal (ici, anarchique), que fonderait une démarche téléologique. C'est en effet la perspective, antéposée à l'argumentation, d'une organisation anarchiste de la société, qui conditionne le rapport à la nature de Reclus, sa "sensibilité écologiste" qui fait de l'observation de la nature et de l'adaptation de l'homme et de la société civile aux conditions du milieu (cf. "La société civile apprend à se gérer elle-même, elle doit se déterminer par une adaptation de plus en plus intime aux conditions du milieu", l'Homme et la Terre, t. VI, p. 389) une priorité (...)
[...] Cette partie articule le comment (la méthode employée) et le pourquoi (l'idéal poursuivi) de l'Homme et la Terre ; questions auxquelles nous répondrons par la mise en perspective biographique et historiographique. Aux origines d'une méthode et d'une conception de la pratique géographique : l'influence de Rousseau La première école fréquentée par Reclus était une école pestalozzienne crée par sa mère. On peut sans doute y voir comment Reclus durant toute sa vie et à travers ses nombreux voyages, accordé une importance toute particulière à l'expérience de terrain. Pestalozzi (1746-1827) créa en effet des écoles conformes à la philosophie pédagogique de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778). [...]
[...] Libertarisme et Anarchisme. A l'origine de la démarche géographique : l'horizon idéologique L'influence rousseauiste ou pestalozzienne, comme on voudra, a des échos dans la géographie de Reclus, non seulement sur sa méthode, mais aussi sur son rapport au dogme protestant familial dont il s'émancipe, notamment par la géographie. En effet, si l'explication du monde provient de l'observation sensible de la nature, de son expérience, alors la causalité naturelle élimine toute finalité de caractère providentiel ; ainsi s'exprime-t-il à ce sujet à la p de L'Evolution, la Révolution et l'Idéal anarchique Actuellement la religion seule se réclame de Dieu comme révélateur de toute vérité, tandis que la science, ayant coupé le pont qui rattachait l'Homme à l'Inconnu, ne cherche la vérité que dans l'observation de la nature, contrôlée par l'expérience et guidée par elle d'hypothèse en hypothèse La vérité que Reclus mentionne et recherche dans l'Homme et la Terre, est une organisation naturelle du monde, qui fonderait une organisation anarchique de la société. [...]
[...] La pluralité des champs d'étude que comporte l'Homme et la Terre explique à la fois sa richesse et sa mise à l'écart de la géographie institutionnelle, qui adoptera les objets géographiques présents dans l'Homme et la Terre que bien plus tard : à cet égard, une des premières études françaises de géographie urbaine fut Grenoble, étude de géographie urbaine de Raoul Blanchard, parue en 1911. III- L'Homme et la Terre et l'Université : une géographie en perpétuelle rupture ? Lors de sa parution en 1905, l'originalité de l'Homme et la Terre pose l'ouvrage en rupture totale (idéologique, scientifique) avec la géographie dite vidalienne c'est-à-dire la géographie institutionnelle, enseignée et promue à l'Université. [...]
[...] Elisée Reclus aujourd'hui : le père d'une géographie périphérique au système Que retenons-nous de l'œuvre d'Elisée Reclus et plus particulièrement de l'Homme et la Terre de nos jours ? Peut-on encore parler d'une géographie marginale Afin de répondre à cette question, passons en revue les dernières publications relatives à Elisée Reclus et à l'Homme et la Terre. Le numéro 117 (deuxième trimestre 2005) d'Hérodote est consacré à Elisée Reclus Elisée Reclus, une très large conception de la géographicité et une bienveillante géopolitique par Y. [...]
[...] 389) une priorité, et qui place la géographie comme l'outil, le savoir par excellence de l'anarchiste. II- L'Homme et la Terre, un traité de géographie générale livrant un système global de compréhension du monde Si l'Homme et la Terre d'Elisée Reclus peut à maints égards être envisagé comme une géographie en puzzle, aux origines et aux influences diverses, il nous faut à présent souligner une conception originale de la géographie, que l'on envisagera, dans le second mouvement de notre argumentation, comme une géographie personnelle à vocation globale, en conflit avec les déterminismes (institutionnels, naturels La notion de milieu ou la clé de lecture fondamentale de la géographicité de l'Homme et la Terre Si, comme le souligna Yves Lacoste dans son article Géographicité et géopolitique : Elisée Reclus dans le numéro 22 d'Hérodote (juillet- septembre 1981), chez Elisée Reclus tout mérite d'être considéré comme géographique, tout peut faire l'objet d'une réflexion que conduit une démarche géographique ; c'est en effet que ce dernier articule sa réflexion autour de notions, de clés de lectures à caractère englobant. [...]
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